La chambre était sans dessus-dessous. Leonil netait pas rentré depuis bientot une saison, Psychée y avait vécue seule tout ce temps, dans lenceinte du hall des Gardiens.
Voilà presque deux saisons que la vie passait et suivait son cours, lentement loin de lui. Loin de son refuge, de lhomin quelle aimait. Depuis linstant où les Kamis et la Karavan avait livrés leur première guerre, tout ce quelle avait souhaité construire ou réaliser avait perdu son sens. Elle pensa aux Kamis, à ce quelle savait, à limmensité de ce quelle ne savait pas. Elle pouvait en dire autant de la Karavan. La seule chose quelle savait sur eux, finalement, était quelle était en danger auprès deux, mais comment juger pour un monde entier une peur personnelle ?
Toutes les fois où elle avait eu à écouter une discussion religieuse entre les deux camps, elle navait vue que mépris, crainte, ignorance et incompréhension. La guerre devenait le seul leitmotiv des deux camps, tout ce quelle avait souhaité : aider à la paix, sétiolait doucement.
Elle pensa à Kalidon, forcé de choisir entre son peuple et sa foi... Et qui les avait quitté. Et Diaser, en lutte contre son peuple pour essayer de les unir, obligé de renoncer à les aider directement par le choix de sa foi .
Toute lécorce avait décidé quil ny aurait que deux camps, et quentre eux, il ny aurait quun dialogue : guerre.
Et elle ne pouvait rien faire contre cela.
Et elle-même ne savait toujours pas. Les Kamis continuaient encore à la rejeter, elle nentendait pas leur voix, prisonnière de sa foi, et son amour pour eux, face à leur méfiance pour sa sève de Matis. Il fallait quelle sache, et elle ne connaissait quun moyen, le seul quon lui ai jamais expliqué, le seul quelle puisse jamais mettre en oeuvre. Ce netait pour personne dautre que pour elle : savoir si elle suivait, enfin, la bonne route, savoir si elle avait uen chance de réussir, ne serai-ce quune seule.
Elle sourit amèrement, pensant à tout ces gens la prenant pour un symbole, avec tout les regards possibles quils pouvaient porter sur elle. Sils savaient quelle est la première à ne pas comprendre, à navoir aucunes réponses, et que les Kamis eux-même lui refusent tout aide, tout appui, tout réconfort.
Elle jeta ses dernières affaires sur le lit, au milieu de ses armes, de son armure, de ses gants de mage Elle ne prenait rien, juste un peu deau . Et fit tomber une poignée de tickets téléporteurs. Elle regarda longuement le dernier quelle tenait en main... celui qui allait lemmener là où tout avait commencé, là où elle avait choisi, définitivement... Elle serra sa main autour du précieux morceau de bois tendre, se pencha vers sa ceinture pour y saisir la lettre quelle avait rédigé plus tôt et la poser sur le lit.
La lettre disait ceci...
« Il y a une cerne que je vous ai rejoint, mes amis, mes frères et soeurs. Ma famille... Une cerne... et jai fais bien des bétises. Autant, je crois, que je vous ai apporté de joie, et de rires.
Mais je vais devoir en faire une de plus.
Jen suis désolée par avance, parce que vous allez vous inquiéter pour moi, comme toujours, et que cest cruel de ma part de vous faire endurer cela.
Mais... vous avez toujours su que jaurais voulu simplement être avec vous, invisible, petite et effacée, ne pas vous déranger, juste me savoir des votres et vivre à vos cotés.
Sauf que ça nest pas possible. Que ce soit de ma faute ou pas, ce nest pas possible. Je suis devenue lun des pions du jeu qui se joue sur toute lécorce, et dont nous avons vu le premier tour, celui qui a décidé de retirer pour longtemps toute paix entre nous, et la Karavan. Je suis devenue un pion parce que je ne sais pas me taire, pas non plus me cacher, comme jaurai voulu. Il semble que je ne sois ni assez sage, ni assez discrète pour cela.
Et il mest arrivé des choses que je navais ni demandé, ni prévu, ni souhaité. Je nai ni demandé à devenir la proie de la Karavan depuis avant même ma naissance. Pas plus que davoir été la seule à comprendre lappel à laide des Kamis. Et encore bien dautres choses que je nai pas voulu. Et dautres dont je suis responsable, comme davoir voulu être reconnue par le peuple que jaime comme lune des votres, avoir le droit de parler, et voter, comme vous, pour mon peuple. Ou avoir suivie Ninya au coeur des Cercles, au défi même de leurs créateurs, et des zoraïs eux-mêmes.
Beaucoup de choses que je regrette, encore plus contre lesquelles je ne peux rien, sauf admettre que cela, je ny peux rien.
Je me suis faite des ennemis, autant que des alliés, sans même réaliser la portée de ce qui marrive, et letendue des dégats que je risque de commettre désormais. Ma dix-septième cerne approche... seulement dix-sept... Et des gens croient que jai quelque pouvoir sur les choses pour me donner un rôle. Ce qui nest pas vrai... Je suis incapable de comprendre, prévoir, ou contrôler ce qui se passe autour de moi. Je ne comprend rien.
Mais parce quils y croient, jai ce pouvoir. Je ny vois quune chose : la capacité à faire du mal à tous, parce que, forcément, je ferai une bétise, parce que je ne peux pas assumer ça.
Jai besoin de trouver des réponses, et je ne sais pas où chercher. Vous ne pouvez pas me les donner, juste mencourager... mais si vous saviez combien jai peur, combien jai peur.
Je dois comprendre, parce que je ne peux pas reculer, de toute façon. La seule manière de comprendre quelque chose qui vient de soi, cest de sécouter, au delà de ses peurs et de ses angoisses. Aussi loin, aussi longtemps que possible. Alors je vais le faire.
Essayer dentendre à nouveau les Kamis... essayer de trouver comment leur faire accepter mon odeur et ma sève... Essayer de comprendre pourquoi cest moi. Pourquoi est-ce arrivé. Comment je dois le prendre... Et surtout, surtout, que dois-je désormais faire.
Je ne reviendrais pas tant que je ne saurais pas. Jai... disons prévu le retour, si cela se passait mal. Mais je ne reviendrais pas tant que je naurais pas compris.
Je... voudrais juste dire une chose, parce que... parce que jamais je ne pourrais le dire face à vous, parce que je nen aurais jamais le courage, alors que ma plume est si facile à guider. Cest un peu lâche, mais je ne suis pas courageuse.
Jai trouvé une famille, ce que je nai pas eu. Des frères et soeurs, ... Thalionir, Linlin.. ; ma chère Adfael, que je laisse à vos soins, mais pas que ça... Pas que ça...
Si javais eu le droit de chercher, et trouver, un jour, un père, une mère...
Dame Yavin, vous auriez été la maman dont jaurai pu réver... auquelle jai si souvent révé. Pas un modèle... bien plus... je... ne sais même pas comment le dire autrement que... jaurai aimé que ce soit vous.
Et Thun... mais vous le savez déjà... Vous aviez déjà compris.
Je dois y aller, le soleil se lève sous peu, je veux partir avant. Leonil, mon coeur, mon prince, mon ange, mon refuge, ma raison dêtre, attend-moi, je reviendrais. Tu pars si souvent, je tattend si longtemps désormais. Je nai jamais eu peur de ne pas te voir revenir... Jai appris à ne plus avoir peur, pas plus quà te demander où tu disparais si longuement pour moi, pour nous tous.
Cette fois-ci attend moi, je reviendrais. Je ne sais pas quand, mais tu ne le sais jamais non plus. Ne tinquiète pas, mon amour. Je taime. »
Psychée ignorait qui la lirait en premier, mais ils la trouveraient vite. Elle laissa sa porte ouverte, et se dirigea en silence vers la sortie. Elle ne portait que son habituelle tenue légère, une gourdre... et un ticket dans la main.
Le garde de la guilde la salua, elle répondit par un sourire simple. Il dormait à moitié, et laube dardait à peine ses premiers phares dans le ciel.
Elle saisit le ticket, le caressa des doigts un instant en le regardant... inspira... et le brisa...
(suite sous peu)
Nemesis: Peurs & silences -1, 2, 3 et épilogue)
Moderator: Chroniques d'Atys
Nemesis: Peurs & silences -1, 2, 3 et épilogue)
Last edited by psychee on Fri Dec 03, 2004 12:33 pm, edited 1 time in total.
Reason: (fin du texte RP)
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"La Vie est un cadeau"
Psychée Aquilon Alanowë, la Zoraï Blanche, Fille de Liandra d'Alanowë
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Re: Nemesis: Peurs & silences -1
[HRP]
magnifique ... comme la plupart de ce que tu ecrit ma chère psychée
[/HRP]
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Kriss de Valnor
"Le sang A le goût dune femme
Il pleure sur tes armes
Tu répands des torrents de sang.
La mort A les traits dune femme
Son visage a ton charme
La mort a lodeur de ton corps."
Re: Nemesis: Peurs & silences -1
plus loin, plus tard...
Leto sort un morceau d'ecorce et grave une encoche.
"ça, c'est fait..."
Leto sort un morceau d'ecorce et grave une encoche.
"ça, c'est fait..."
Leto, simple homin en quête d'illumination.
Re: Nemesis: Peurs & silences -1
/hrp
Superbe texte, je ne savais plus que le lyrisme de Psychee nous manquait autant.
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Lycan
Chevalier de l'Ordre d'Onarius.
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Re: Nemesis: Peurs & silences -1
Merci pour vos encouragements, la suite (il y a trois parties) demain
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Re: Nemesis: Peurs & silences -1
/Hrp j'attends la suite avec impatience
Melowen , Capitaine de la Garde Noire
Guilde Roleplay et Multiraciale Les Libres Frontaliers
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"Je vais où mon coeur me porte"
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Re: Nemesis: Peurs & silences -1 & 2
(attention, le texte est TRES long, et je pense émaillé de fautes, j'ai mon word qui refuse de corriger l'orthographe, il fait la grève)
Psychée claquait des dents de froid.
Autour delle le ciel nocturne avait dissimulé jusquaux astres et à la géante gazeuse qui, toujours, guidait les voyageurs tardifs. Ne reste quune chappe si sombre que son épouvantable absence de couleurs semblait vouloir contaminer lécorce même.
Des éclairs fous zébraient la tempète, comme des doigts divins que la colère aurait aveuglé, déchirant les trombes deau et de neige trempée que les vents fouettaient avec une telle force que les rares feuilles que le froid hivernal avait épargné vivaient leurs dernières minutes avant dêtre déchiquetées.
Et ce nétait encore que le début de la nuit.
Et elle navait trouvé aucun abri.
Elle se serra encore plus fort sur elle-même, dos au rocher qui seul, avait semblé lui offrir un peu dabri, ou au moins limpression de ne pas être complètement nue et seule sous la tempète. Mais labri était illusoire. Leau coulait sur son corps fouetté par la pluie et trempé par les ruissellements du rocher, et le vent se chargeait de faire disparaitre le peu de chaleur quelle essayait de conserver.
Il ny avait plus de pensées. Elle sentait parfaitement ce qui lui arrivait, mais toute pensée construite avait déjà fui depuis longtemps son esprit. Ne restait quune seule étincelle, encore brillante, dans son âme épuisée : une résolution farouche, presque inconsciente, à résister, et résister jusquau bout.
Un éclair frappa si près quelle fut aveuglée et assourdie par limpact, hurlant de surprise et de peur. Ses pensées revinrent à la surface, en même temps que la souffrance, le froid, la faim.
Elle se surprit à réaliser quelle ne pensait pas à la mort. Elle avair dépassé ce moment là.
Cela faisait combien de temps, maintenant ?
Elle essaye de se plonger dans ses souvenirs pour oublier son corps glaçé, la pluie cinglante, sa faim, et la faiblesse qui envahissait son corps un peu plus chaque heure.
Elle avait cassé le ticket, pour se retrouver quelques instants dabsence plus tard devant le Kami. Il avait porté un regard vers elle, un seul, portant tout le poids de sa répprobation à sa présence avant de lignorer, comme toujours. Ses sons, ses appels et paroles permanentes ne lui était pas adressé. Il parlait au mon, à Atys, aux autres Kamis, sans quelle ne comprenne rien, mais ne lui avait accordé que ce seul regard chargé de reproches.
Elle était resté un instant devant lui, essayant de trouver une prière silencieuse pour le remercier de lavoir laissé venir près de lui. Avant de réaliser que personne ne lui avait jamais appris comment prier un Kami, quelle ne connaissait ni le moindre geste sacré, ni le moindre psaume quelle puisse réciter.
Il ne posa plus un seul regard sur elle.
Mais elle devait maintenant trouver ce quelle était venue chercher. Le lieu où elle pourrait sassoir, et attendre. Cetait toute la seule stratégie quelle se voyait capable de faire. Elle étair venue ici car il sagissait de lun des lieux les plus sacrés quelle connaisse, lun des plus isolés aussi. Aussi loin que je regard pouvait porter, il ny avait ici que linfluence des Kamis, au plus profond, au plus isolé des Jardins Majestueux.
Là, où, deux cernes plus tôt, Leonil lavait guidée dans sa recherche de sa propre foi. Et où celle-ci était née au contact de ce lieu et de son aura. Devant ces deux Kamis protecteurs de ces lieux, qui jamais ne lavaient regardé autrement quun bref instant de répprobation et de curiosité.
Autour delle vivait dans lhybernation de ce manteau de neige toute la vie et la sève dAtys, protégée comme par miracle de la folie lointaine du monde. Aucun homin ne mettait les pieds ici, sauf les gardiens serviteur de ce grand Kami embassadeur quelle était déjà si souvent venue saluer.
Elle commencait à se détendre. Les gingos étaient loins, les javings aussi, et elle pouvait marcher dans la neige sans trop de craintes, jusquà une clairière où elle avait passé des moments immenses avec son Prince. La clairière était toujours la même, quelques souches, un rocher au loin, les immenses arbres du Jardin Majestueux grimpant au loin à lhorizon, et un grand noeud dune racine aérienne flirtant avec le ciel dans le lointain.
Elle chercha une petite butte dans la clairière, et deblaya un peu la neige, pour sy assoir. Et se demanda que faire... La première chose quelle cherchait était devant elle : la paix. Le silence de lhiver se noyait en elle et calmait toutes ses tension. Ca devait être sans doutes la première étape, mais après ?
Elle pensa à son premier mentor, à lhomin qui, le premier, avait tenté de lui apprendre toutes les valeurs qui lavaient guidée jusquici. Elle aurait aimé connaitre son véritable nom. Ce voyageur et marchand zoraï aimait le sobriquet que les Matis lui donnaient : Pieds-Bleux.
Cetait un bon moment pour penser à lui... un bon moment pour penser à tout le monde, finalement. Netait-elle pas venue ici pour cela ?... Penser, réflechir, essayer de trouver une réponse. Même sil elle ignorait quelle question...
Cest ce que lui avait raconté Pieds-Bleux :
« Quand un Zoraï ne puis plus compter sur sa sagesse ou son calme pour répondre à toutes les questions qui lassaillent, il se retire. Cest pour cela que nous prenons le temps de répondre, autant de temps que nécessaire. Nous nous isolons, loin de nos frères et de nos routes et villes bruyantes, et nous attendons, dans le calme, la sérénité, et la méditation la réponse à nos questionnements.
Et parfois, la question même nous échappe. Quand une grande décision pour sa propre sève, ou celle de ses frère doit être prise, il ny a pas de question qui soit exprimable, formulable en tant que tel. Seule ton âme, petite feuille, peut formuler la question, pas tes mots. Ce que lon appelle sagesse est juste cela : le temps. Rien que le temps.
Si un jour tu te trouve dans cet état, nessaye pas de répondre, dagir, de courir... Comme tes frèrs Matis. Tu nirai que droit à léchec, tu perdrais ta propre route. Assied-toi, calme toi, et attend.
Attend autant quil le faudra... Quoi quil ten coûte. Le prix sera toujours moindre que lerreur dagir. »
Elle était là pour essayer dappliquer ce conseil, de la manière dont elle le pouvait. Ses pensées se perdirent sur tous ses proches. Elle chercha la sagesse quon avait tenté de lui enseigner. Quels autres conseils pouvaient venir à son esprit.
La voix de Thun, Racine originelle des Gardiens de la Sève revint à sa mémoire : « Tu es unique, que tu le sache ou le veuille ou pas. Cest parce que tu les que tes pas tont menés jusquaux Gardiens, et parce que tu les que je pense de notre devoir de te protéger. Je ne sais pas ce qui te rend unique, mais cest simplement un fait ». Il navait jamais rien dit dautre, jamais rien expliqué. Mais navait jamais cessé de veiller sur elle... Et de lui offrir les Gardiens comme famille, comme le premier lieu où elle avait pu trouver un peu de paix.
Dautres souvenirs, dautres lieux, dautres visages. Xerius qui vient la chercher au Refuge, et lui offrit son premier regard sur Atys, et lui apprit à vivre et survivre sur lécorce. Jamais il ne lui avait dis pourquoi il était venu la chercher... etait-ce en fait nécessaire. Il lui avait offert son amitié, et ses connaissances. Elle avait eu le meilleur des professeurs qui soit, son premier ami, son premier guide.
Leonil, qui lavait pris par la main, qui lui fit traverser trois continents pour lamener aux Gardiens. Et leur histoire, née ici même, dans ce lieu magique béni et protégé par les Kamis. Sans lui, elle naurait jamais su choisir, pas plus quelle naurait pu rester en vie bien longtemps. Du jour où il la rencontra, son seul désir fur de protéger ladolescente quil avait tant effrayée quand il était venu à sa rencontre.
Il y avait encore tant dautres visages, qui passèrent, le long des heures qui commençaient à sécouler sans quelle ne le remarque. Thalionir... Yavin... Linlin... Eblahom... Ninya...
Elle se rappela toute lattention et les encouragements des Gardiens. Mais aussi les sourires, et lacceuil de gens quelle ne connaissait pas, qui sarrétaient, la saluaient, la remerciaient sans quelle sache même de quoi.
Sa pensée sarréta sur Florimelle. Un soupir quelle ne pu retenir, une grimace intérieur. Elle se refusait à y penser, pas maintenant, pas maintenant. Elle était sa faute, sa faiblesse, et le pire de tout les risques quelle pouvait prendre.
Mais les souvenirs eux, ne tinrent pas à disparaitre. Elle avait été sa première et seule amie denfance. Elle avait embrassé depuis son plus jeune ange la foi de Jena. Deux routes, pour deux enfants, qui sétait séparés de chaque coté de ce qui était désormais un gouffre.Mais un lien entre elles quelles ne pouvaient rompre, quelle ne voulaient plus rompre. Sa main vint serrer le sol froid et ses ongles senfoncer en terre de colère, de culpabilité, de détresse.
Le silence devient chappe autour de la jeune homine. Le froid était mordant, malgré un ciel limpide. Et cest à sa faim quelle comprit que des heures déjà avaient passées.
Le ciel prenait des teintes dindigo, et le soleil descendait vers lécorce.
Une journée entière venait de couler comme une sève douce, sans que rien ne larrète. Psychée regarda autour delle, toujours assise sur cette butte. Doù viendraient ses réponses. Quelles étaient même les questions ?...
Elle se demanda si elle devait chercher un lieu où dormir, avant de se plonger dans le ciel qui se constellait détoiles tandis que le soleil finissait de seffonder dans lécorce. Pieds-Bleux avait dit « attendre ». Elle était venue pour cela...
Elle sinstalla un peu mieux, essayant de se détendre, et fermer les yeux. La soif et la faim grognaient toutes les deux aux limites de sa conscience, mais elle pouvait facilement lignorer. Elle toucha quand même à sa gourde, seule provision quelle avait emmené, petite présence rassurante. Elle allait jeuner longtemps, elle lavait prévue. Il lui fallait tout faire pour essayer de dépasser ses peurs, aller au delà de tout ce quelle pouvait ressentir.
Ne pas dormir... ne surtout pas dormir.
Le froid glacial lentoura vite avec la nuit. La légère humidité autour delle se changea en gel, qui saccrochait à lherbe quelle avait dégagé de la neige, puis à sa peau et ses cheveux. Elle serra les dents et essaya doublier la glace de lair.
Sommeil...
Elle se reveilla plusieurs fois, après quelques minutes de sommeil quelle ne pouvait contenir. Le hurlement dun gingo au loin, le craquement dune chappe de neige tombant des arbres la rappelait à léveil. Elle se forcait alors à garder les yeux ouverts, fixant un point devant ses yeux, puis un autre quand son regard devenait flou. Ce furent des heures passées à lutter contre le sommeil et lengourdissement du froid.
Il devait bien se passer quelque chose, elle attendait quil se passe quelque chose, mais quoi ? Inconsciente de ce que représente réellement une méditation ascétique, elle tentait de reproduire un rituel personnel qui lui était inconnu, sans en comprendre ni le fondement, ni la finalité.
Une seule chose lui permettait de croire que cela avait un sens, cétait que la solution pouvait se trouver au bout de cette épreuve, elle que ne pouvait partir ou renoncer sans trouver cette solution.
Le jour vint la réveiller, pour la dixième ou vingtième fois elle sétait endormie. Ses cheveux était couverts de givre, comme le sol autour delle, et lair était si froid que son corps émettait de la vapeur à son contact. Elle navait pas pris de couverture, pas dautres vétements que la plus légère de ses tenues. Elle lavait choisi, mais commencait à douter sérieusement davoir la moindre once de sagesse.
Elle bu, longuement, moins pour étancher sa soif que faire taire sa faim. Elle avait mal partout, la peau rendue sensible par le froid glaciale qui sétait acharné sur elle la nuit entière.
Elle se leva, et se mit à marcher, sans réellement de but. Une source, à quelques pas, lui donna loccasion de remplir encore sa gourde, et de se rincer le visage et les bras. La vie séveillait au ralenti, le ciel toujours aussi bleu et glacial, seuls quelques nuages donnaient limpression que quelque chose pourrait changer.
Il fallait encore attendre. La lumière du jour laida à se reveiller, et elle marcha droit devant elle, au travers des grands bosquets arbustifs, sur de longs cycles. Elle ne savait pas où elle allait, mais marcher était encore le plus sûr moyen de ne pas céder au sommeil. Les premiers vertiges commençaient, les premières légères hallucinations aussi. Elle réussit juste à deviner quelle marchait entre le sud et louest, faisant de larges courbes aussi bien involontaires que pour esquiver les prédateurs.
Ses pensées seffilochaient en même temps que la fatigue commencait à la dévorer. Elle pleura sur labsence de Leonil, sur les moments de plus en plus nombreux où il partait au loin, sans que nul ne sache où il pouvait réellement disparaitre. Les heures passant sacharnaient à raviver les plus sombres de ses souvenirs, et la solitude, la solitude comme première blessure, comme premier carnassier dévorant son courage.
Le visage ensanglanté de sa mère, dernier souvenir de sa famille, ne cessait de revenir. Les sarcasmes et les craintes des enfants et adolescents matis à cette albinos rescapée dun massacre, sans nom, sans passé, sans souvenirs. Son isolement, quelle na jamais que décidé elle-même, finalement, refusant de casser le mur entre elle et eux.
Elle navait jamais même réalisé quelle avait décidé, à quelques cernes à peine, quelle nétait pas eux, quelle ne serait jamais eux, quelle reniait son peuple. Elle avait toujours cru être une victime, pas une responsable.
La chaleur de ses larmes sur sa peau gelée lui fit presque mal, tandis quelle marchait comme un automate... Tandis, tout simplement, quelle fuyait.
Au dessus delle, le ciel devenait aussi sombre que ses pensées et sa détresse, et tandis que le soleil chutait une fois de plus derrière lécorce, elle longeait une falaise, en courant, sans plus savoir doù elle venait, ni où elle allait.
Fantomes.
Elle narréta pas de marcher, tandis que le ciel réunissait toute la colère dAtys dans les airs.
Elle était entourée de fantomes connus et inconnue, le doigt pointé vers elle, une immense arène imaginaire de procès à toutes ses fautes. A tout ce quelle a fait ou na pas fait, à tout ce quelle a pensé, ou pas pensé, à tout ce quelle a dit, ou na pas dit.
Pas une seconde de répit, chaque regard dans une direction, dans lobscurité de la nuit, donne naissance à un fantome, nouvel accusateur cruel qui refuse de rendre verdicte, mais annonce chaque accusation. Elle brûle de fièvre, malade, mais ne le sait pas, elle en a perdu conscience, et ne réalise même plus quand elle chute au sol, sur chaque faux pas de son chemin sans destination.
Une dernière chute la précipita dans une mare dont le poids de son corps brisa la glace. Le froid lui rendit conscience le temps de sen extraire, et ramper dans la neige. Elle saffala à labri dun tronc, recrovillée en chien de fusil. Les ombrs accusatrices allaient et venaient : ses parents, ses camarades denfances, Florimelle, Xérius, Pieds-Bleux, le marchand qui lavait nommée Nemesis, lenvoyé de la Karavan qui la poursuivait dans ses rèves, les Kamis, Leto, Eto, Saganaem, Thun, Thalionir, Ninya... Leonil.
Trahison, faiblesse, lâcheté, fuite... Tous avaient les mêmes mots, les mêmes accusations. Tous, morts, vivants, lointains pour proches, laccusant davoir fui tout choix, toute implication, de navoir jamais pu choisir, un camp, une décision.
Elle hurla plusieurs fois, recrovillée dans la neige, pleura, et pleura encore, avant que la fièvre ne se calme tandis que le froid de la nuit devenait morsure. Elle ne sut jamais si la nuit passa en cauchemars eveillés ou endormis... Quand elle rouvrit les yeux, elle était couverte de neige, et celle-ci tombait encore dun ciel qui ne cessait de devenir plus lourd.
Etais-ce cela que les Zoraï pouvaient rechercher dans cette épreuve ?... Etais-ce cette confrontation avec leur terreur ? Elle navait pas de réponse à ces accusations qui lassaillaient. Elle avair cherché à essayer de suivre un destin quelle croyait tracé envers et contre toutes ses décisions, mais cest elle qui avait traçé cette voie, même si elle nen avait pas eu conscience.
« Vous ne maccusiez pas... vous tous, vous ne maccusez pas, cest moi qui me sens coupable devant vous, mais coupable de quoi ?... Davoir peur de ce que je fais, de ce que je suis, de ce que je dois faire, ou devenir ? Je nai pas le droit davoir peur, et je ne veux plus, je ne veux plus !... Quoi quil se passe, il y a une réponse... jai fais tout cela parce que je croyais que je devais le faire, parce que je croyais ne pas avoir le choix. Mais je ne lai pas ! Cest moi qui me trahit ! Si je renonce, cest moi qui me trahit ! »
Mais renoncer à quoi... Elle erra encore, tournant en rond, oubliant même de boire, incapable de trouver à quoi elle risquait de renoncer, ce quelle cherchait, ce quelle voulait, devait comprendre !... Tout était devant elle, elle savait tout, mais comme les pièces dun puzzle, elle devait comprendre comment tout réunir...
La fièvre revint dans la journée, lépuisement aussi. Elle finit par saffaler contre un rocher... et la nuit appela la tempète, alors quelle perdait conscience...
Le ciel devenait fou, Atys enragée, la pluie et la neige fondue trempaient Psychée depuis des heures. Elle était paralysée de froid, malade, incapable de bouger. La peau abimée et gelée par endroits par le froid, les cheveux collés de crasse et de fièvre. Son regard se portait sur lhorizon obscurci. Elle attendait le retour des fantomes, le crâne secoué de douleurs terribles, le corps perclu de souffrance, et se réalisait même plus les moments où elle perdait conscience avant de rouvrir les yeux, trempés par la pluie.
Dans le flou de son regard enfievré, elle revit les kittins, debouts autour delle, secouant leurs mandibules, dans des hurlements inhomins. Ils lentouraient de nouveau, à demi-iréels. Elle se demanda si ils étaient revenus pour la tuer, attirés par lodeur de sa mort, mais ils disparurent dans la brume de sa fièvre.
Ce fut ensuite la même scène avec des tueurs de la Karavan, puis avec tout ce quelle pouvait compter dennemis et dadversaires imaginaires, venus la regarder, en silence, et repartir... Elle essaya de leur parler, mais elle ne pu prononcer un son, essaya de fuir, mais ne sut pas se relever, et oublia que ce netaient que des images...
La tempète ne cessait pas, mélant ses trombes aux illusions qui semblaient naitre et se dissiper des eaux elles-mêmes. Elle entendait leur respiration, leurs bruits, mais même ceux qui parlaient le faisaient dans le plus total silence.
Ils revenaient, encore et encore, sapprochant toujours plus, restant toujours plus longtemps, comme sils se concertaient, se demandant quel sort reserver à cette homine mourante et désarmée. Mais ils repartaient toujours, pour être rémplacés par dautres, parfois se confondant avec des visages amis, avec des sourires, la présence des êtres qui lui étaient si chers, leur odeur parfois... celle de Leonil, et celle de Florimelle, si rassurantes toutes les deux.
Elle savait quelle délirait encore, mais plus aucune pensée ne pouvait dissiper le délire, ou lui permettre de le rendre iréel... cetait comme contempler un théatre mouvant sans pouvoir y échapper...
Et les Kamis vinrent. En premier lieu, un petit, noir, aux yeux lumineux, comme curieux de voir ce quil avait devant lui. Il sapprochà presque à la toucher, et resta devant elle. Il était venu comme le reste, né des trombes noirs de la tempète, née dans les chimères de sa fièvre... mais impossible de ne pas le croire réel...
Il resta là... dandinant de la tête, émettant sifflements et bruits étranges, regardant lhomine glacée appuyée à son rocher.
Puis un autre vint, plus grand, plus massif, immense, le torse et les bras complètement hypertrophiés. Il marchait sur ses jambes minuscles dun pas lourd, faisant le tour du rocher, les membres supérieurs balants, traçant des sillons dans la neige, insensible au froid glacial de la pluie et du vent.
Il se posta devant Psychée... remuant les bras, comme hésitant à achever la vie de lhomine quil toisait de six têtes. Il commenca un étrange dialogue avec le petit Kami, tournant sa tete aux yeux immenses et stéllaires vers lui, emettant des sons étranges et féerique.
Les deux Kamis semblaient discuter du sort de lhomine... ou de leur surprise à la trouver là.
Psychée gardait les yeux ouverts, cherchant à percer lillusion de son délire, à comprendre le sens de cette dernière vision. Elle essuyait ses yeux de la pluie, encore et encore, mais ils ne se dissipaient pas...
« Que voulez-vous ? » Ele ne sut même pas si elle avait pu prononcer ces mots, ou si elle les avait pensé. Elle avait essayé de faire jaillir ses sons de sa gorgre brûlante, et elle nentendit pas sa propre voix dans le vacarme de la tempète.
Mais ils tounèrent la tête vers elle, comme surpris de lentendre. Elle tenta de répéter sa phrase, mais narracha quune quinte de toux qui la fit grimacer de douleur. Elle tendit la main vers le plus petit des deux... essayant de se prouver quelle révait.
Il la saisit, doucement, comme curieux du geste...
Elle frissona... impossible de savoir ce quelle tenait en main, si cetait réel ou pas... Elle ne le saurait jamais. Mais elle pouvait le toucher. Il serra sa toute petite main autour de deux de ses doigts, comme voulant lui-même sassurer de la réalité de la scène. Elle essaya de se redresser, et il ne recula pas. Le plus grand des deux se pencha en avant, , regardant la scène avec curiosité, la têe penchée sur le coté.
« Vous etes des illusions, nest-ce pas ?... Comme le reste, comme tout le reste, vous netes pas là, cest moi qui délire. Vous ne voulez pas me toucher, vous netes pas venu me chercher, vous nexistez pas. »
Les deux Kamis ne bougeaient pas, le plus petit navait pas lâché sa prise, mais se mit encore à discuter avec son immense collègue, surpris, le regard emettant presque une incompréhension. Ils la dévisageaient à tour de rôle, avant de repartir dans leur discussion quasi- psychédélique.
« Cest vous que je suis venue voir, cest vous qui saviez !... Et je ne comprend rien ! Je suis venue savoir pourquoi jai fais tout cela, quest-ce que je dois faire, est-ce que jai le droit de le faire ?!! Répondez-moi !!! » Sa voix se brisa dans sa toux.
Les deux Kamis parurent une fois de plus surpris, et la regardèrent, tout les deux... avant de se fondre dans le paysage, comme désirant redevenir les illusions quils navaient cessé dêtre.
Mais au fur à mesure que leur présence sétiolait, ils se mirent à pousser un cri... Leurs deux cri appelant des milliers de voix, sélévant au dessus de Psychée, du rocher, de lair, du ciel. Elle perdit toute conscience de la réalité, pour devenir la musique même du ce chant, lâme déchiquetée en morceaux par ce que nul ne devrait entendre. Chaque sève faisant couler le sablier du temps devenait une voix, grossie par celle des vivants et des morts, des naissances, des agonies, de lherbe mourante au guerrier affrontant son dernier adversaire. Les racines devenaient des veines, la vie devenait sa sève, le temps devenait les palpitations dun coeur, et lhomine perdait toute réalité.
Des voix naissant de toutes part sajoutaient à un concert inssuportable, approchant à la folie même. Elle mourrait et vivait milles vies en une seconde, hurlait à la douleur de la naissance et de la mort repetée à chaque battement dun coeur fou et monstrueux. Elle voyait sa propre sève exploser en larmes rouges, et renaitre dans tellement, tellement dautres vies, sans cesse... plus de début, plus de fin, plus de voie de retour. Elle voulait savoir, mais nentendait plus rien, sauf ce hurlement indescriptible qui donnait naissance aux vies, aux morts, à toutes les âmes, à toutes les sèves, à la folie, aux désirs, aux choix, aux reniements.
Le rocher se brisa, puis le sol, puis la réalité. Plus dimages dautres que celles de leurs deux pairs dyeux, et la folie qui semparait delle, et détruisait tout ce quelle avait jamais pu être. Elle essaye de demander pitié, mais son hurlement devint une part insignifiante de toutes les vies qui à cette seconde imploraient leur vie. Elle essaya de se révolter, mais des millions de révoltes répondirent pour écraser ses pensées... Elle voulut abandonner, fondre dans la folie, mais tellement de folies hurlèrent de toutes parts quelle en fut chassée. Elle pouvait compter chaque cellule de son corps devenu une partie de ce chant, hurlant toutes leur agonie dans une douleur qui navait plus dexpression ou de normes.
Le silence vint de lui-même, comme sil navait jamais cessé dêtre. Elle ne vit rien, nentendis rien, ne ressentit rien, sauf la vacuité la plus totale du vide le plus indesciptible qui soit. Elle avait voulu savoir, elle avait été au bout de ce quelle avait pu endurer de fièvre et de délire, et savait que cela aurait du être son délire... mais il ne létait pas. Il ny avait rien, pas de moyens de comprendre cette seconde là. Juste le moyen de laccepter.
Dans le vide, ils parlèrent, tous. Elle ne sut jamais ce que les millions et les millions de vies pouvaient dire, mais elle entendait, sa propre voix dans le concert de cette folie qui navait ni bruit, ni existence.
Elle vit juste ses yeux. Et en eux, des milliers détoiles... la sève, les âmes, le futur, la folie, leurs morts à tous, lespoir, labandon, il était tout cela, sans aucun choix dêtre ce quil pouvait désirer.
Elle pensa... si même, ici, elle ignorait ce que ce mot voulai dire : « Tu ne désire pas, tu na jamais désiré, tu existe, sans autre choix... » Une voix, la sienne, lui répondit ; «Tu na jamais désiré, tu existe sans autre raison que de le faire. Le choix est ce qui attend toute vie avant que ta sève ne pourrisse... Tu choisi, tu as déjà choisi, tu voulais juste lentendre. Plus de retour en arrière, car il ny en a jamais eu... Que ta route soit, parce quelle était déjà avant que tu naisse... parce que ton premier choix, tu las fais bien avant de pousser ton premier cri ».
Elle plongea dans ses yeux. Le temps sarréta. Plus de retour en arrière possible, cetait ce quelle avait choisi, et ce quelle choisissait à cette seconde... Elle ne sut jamais ce qui arriva. Peut-être rien, tout simplement.
Peut-être juste un délire... le dernier...
Le jour se levait. Elle ouvrit les yeux... la fièvre avait cessé... Son corps était meurtri, elle souffrait de partout, elle était sale, et épuisée. Le rocher avait pu la protéger un peu, finalement.
Elle devinait presque dans cet orage le printemps qui venait se glisser dans lhiver, et se leva.
Il ny avait plus de peurs, il ny avait plus de doutes. Un sourire, rien quun sourire. Et dans sa main, quelques poils noirs encore collés à sa peau...
Psychée claquait des dents de froid.
Autour delle le ciel nocturne avait dissimulé jusquaux astres et à la géante gazeuse qui, toujours, guidait les voyageurs tardifs. Ne reste quune chappe si sombre que son épouvantable absence de couleurs semblait vouloir contaminer lécorce même.
Des éclairs fous zébraient la tempète, comme des doigts divins que la colère aurait aveuglé, déchirant les trombes deau et de neige trempée que les vents fouettaient avec une telle force que les rares feuilles que le froid hivernal avait épargné vivaient leurs dernières minutes avant dêtre déchiquetées.
Et ce nétait encore que le début de la nuit.
Et elle navait trouvé aucun abri.
Elle se serra encore plus fort sur elle-même, dos au rocher qui seul, avait semblé lui offrir un peu dabri, ou au moins limpression de ne pas être complètement nue et seule sous la tempète. Mais labri était illusoire. Leau coulait sur son corps fouetté par la pluie et trempé par les ruissellements du rocher, et le vent se chargeait de faire disparaitre le peu de chaleur quelle essayait de conserver.
Il ny avait plus de pensées. Elle sentait parfaitement ce qui lui arrivait, mais toute pensée construite avait déjà fui depuis longtemps son esprit. Ne restait quune seule étincelle, encore brillante, dans son âme épuisée : une résolution farouche, presque inconsciente, à résister, et résister jusquau bout.
Un éclair frappa si près quelle fut aveuglée et assourdie par limpact, hurlant de surprise et de peur. Ses pensées revinrent à la surface, en même temps que la souffrance, le froid, la faim.
Elle se surprit à réaliser quelle ne pensait pas à la mort. Elle avair dépassé ce moment là.
Cela faisait combien de temps, maintenant ?
Elle essaye de se plonger dans ses souvenirs pour oublier son corps glaçé, la pluie cinglante, sa faim, et la faiblesse qui envahissait son corps un peu plus chaque heure.
Elle avait cassé le ticket, pour se retrouver quelques instants dabsence plus tard devant le Kami. Il avait porté un regard vers elle, un seul, portant tout le poids de sa répprobation à sa présence avant de lignorer, comme toujours. Ses sons, ses appels et paroles permanentes ne lui était pas adressé. Il parlait au mon, à Atys, aux autres Kamis, sans quelle ne comprenne rien, mais ne lui avait accordé que ce seul regard chargé de reproches.
Elle était resté un instant devant lui, essayant de trouver une prière silencieuse pour le remercier de lavoir laissé venir près de lui. Avant de réaliser que personne ne lui avait jamais appris comment prier un Kami, quelle ne connaissait ni le moindre geste sacré, ni le moindre psaume quelle puisse réciter.
Il ne posa plus un seul regard sur elle.
Mais elle devait maintenant trouver ce quelle était venue chercher. Le lieu où elle pourrait sassoir, et attendre. Cetait toute la seule stratégie quelle se voyait capable de faire. Elle étair venue ici car il sagissait de lun des lieux les plus sacrés quelle connaisse, lun des plus isolés aussi. Aussi loin que je regard pouvait porter, il ny avait ici que linfluence des Kamis, au plus profond, au plus isolé des Jardins Majestueux.
Là, où, deux cernes plus tôt, Leonil lavait guidée dans sa recherche de sa propre foi. Et où celle-ci était née au contact de ce lieu et de son aura. Devant ces deux Kamis protecteurs de ces lieux, qui jamais ne lavaient regardé autrement quun bref instant de répprobation et de curiosité.
Autour delle vivait dans lhybernation de ce manteau de neige toute la vie et la sève dAtys, protégée comme par miracle de la folie lointaine du monde. Aucun homin ne mettait les pieds ici, sauf les gardiens serviteur de ce grand Kami embassadeur quelle était déjà si souvent venue saluer.
Elle commencait à se détendre. Les gingos étaient loins, les javings aussi, et elle pouvait marcher dans la neige sans trop de craintes, jusquà une clairière où elle avait passé des moments immenses avec son Prince. La clairière était toujours la même, quelques souches, un rocher au loin, les immenses arbres du Jardin Majestueux grimpant au loin à lhorizon, et un grand noeud dune racine aérienne flirtant avec le ciel dans le lointain.
Elle chercha une petite butte dans la clairière, et deblaya un peu la neige, pour sy assoir. Et se demanda que faire... La première chose quelle cherchait était devant elle : la paix. Le silence de lhiver se noyait en elle et calmait toutes ses tension. Ca devait être sans doutes la première étape, mais après ?
Elle pensa à son premier mentor, à lhomin qui, le premier, avait tenté de lui apprendre toutes les valeurs qui lavaient guidée jusquici. Elle aurait aimé connaitre son véritable nom. Ce voyageur et marchand zoraï aimait le sobriquet que les Matis lui donnaient : Pieds-Bleux.
Cetait un bon moment pour penser à lui... un bon moment pour penser à tout le monde, finalement. Netait-elle pas venue ici pour cela ?... Penser, réflechir, essayer de trouver une réponse. Même sil elle ignorait quelle question...
Cest ce que lui avait raconté Pieds-Bleux :
« Quand un Zoraï ne puis plus compter sur sa sagesse ou son calme pour répondre à toutes les questions qui lassaillent, il se retire. Cest pour cela que nous prenons le temps de répondre, autant de temps que nécessaire. Nous nous isolons, loin de nos frères et de nos routes et villes bruyantes, et nous attendons, dans le calme, la sérénité, et la méditation la réponse à nos questionnements.
Et parfois, la question même nous échappe. Quand une grande décision pour sa propre sève, ou celle de ses frère doit être prise, il ny a pas de question qui soit exprimable, formulable en tant que tel. Seule ton âme, petite feuille, peut formuler la question, pas tes mots. Ce que lon appelle sagesse est juste cela : le temps. Rien que le temps.
Si un jour tu te trouve dans cet état, nessaye pas de répondre, dagir, de courir... Comme tes frèrs Matis. Tu nirai que droit à léchec, tu perdrais ta propre route. Assied-toi, calme toi, et attend.
Attend autant quil le faudra... Quoi quil ten coûte. Le prix sera toujours moindre que lerreur dagir. »
Elle était là pour essayer dappliquer ce conseil, de la manière dont elle le pouvait. Ses pensées se perdirent sur tous ses proches. Elle chercha la sagesse quon avait tenté de lui enseigner. Quels autres conseils pouvaient venir à son esprit.
La voix de Thun, Racine originelle des Gardiens de la Sève revint à sa mémoire : « Tu es unique, que tu le sache ou le veuille ou pas. Cest parce que tu les que tes pas tont menés jusquaux Gardiens, et parce que tu les que je pense de notre devoir de te protéger. Je ne sais pas ce qui te rend unique, mais cest simplement un fait ». Il navait jamais rien dit dautre, jamais rien expliqué. Mais navait jamais cessé de veiller sur elle... Et de lui offrir les Gardiens comme famille, comme le premier lieu où elle avait pu trouver un peu de paix.
Dautres souvenirs, dautres lieux, dautres visages. Xerius qui vient la chercher au Refuge, et lui offrit son premier regard sur Atys, et lui apprit à vivre et survivre sur lécorce. Jamais il ne lui avait dis pourquoi il était venu la chercher... etait-ce en fait nécessaire. Il lui avait offert son amitié, et ses connaissances. Elle avait eu le meilleur des professeurs qui soit, son premier ami, son premier guide.
Leonil, qui lavait pris par la main, qui lui fit traverser trois continents pour lamener aux Gardiens. Et leur histoire, née ici même, dans ce lieu magique béni et protégé par les Kamis. Sans lui, elle naurait jamais su choisir, pas plus quelle naurait pu rester en vie bien longtemps. Du jour où il la rencontra, son seul désir fur de protéger ladolescente quil avait tant effrayée quand il était venu à sa rencontre.
Il y avait encore tant dautres visages, qui passèrent, le long des heures qui commençaient à sécouler sans quelle ne le remarque. Thalionir... Yavin... Linlin... Eblahom... Ninya...
Elle se rappela toute lattention et les encouragements des Gardiens. Mais aussi les sourires, et lacceuil de gens quelle ne connaissait pas, qui sarrétaient, la saluaient, la remerciaient sans quelle sache même de quoi.
Sa pensée sarréta sur Florimelle. Un soupir quelle ne pu retenir, une grimace intérieur. Elle se refusait à y penser, pas maintenant, pas maintenant. Elle était sa faute, sa faiblesse, et le pire de tout les risques quelle pouvait prendre.
Mais les souvenirs eux, ne tinrent pas à disparaitre. Elle avait été sa première et seule amie denfance. Elle avait embrassé depuis son plus jeune ange la foi de Jena. Deux routes, pour deux enfants, qui sétait séparés de chaque coté de ce qui était désormais un gouffre.Mais un lien entre elles quelles ne pouvaient rompre, quelle ne voulaient plus rompre. Sa main vint serrer le sol froid et ses ongles senfoncer en terre de colère, de culpabilité, de détresse.
Le silence devient chappe autour de la jeune homine. Le froid était mordant, malgré un ciel limpide. Et cest à sa faim quelle comprit que des heures déjà avaient passées.
Le ciel prenait des teintes dindigo, et le soleil descendait vers lécorce.
Une journée entière venait de couler comme une sève douce, sans que rien ne larrète. Psychée regarda autour delle, toujours assise sur cette butte. Doù viendraient ses réponses. Quelles étaient même les questions ?...
Elle se demanda si elle devait chercher un lieu où dormir, avant de se plonger dans le ciel qui se constellait détoiles tandis que le soleil finissait de seffonder dans lécorce. Pieds-Bleux avait dit « attendre ». Elle était venue pour cela...
Elle sinstalla un peu mieux, essayant de se détendre, et fermer les yeux. La soif et la faim grognaient toutes les deux aux limites de sa conscience, mais elle pouvait facilement lignorer. Elle toucha quand même à sa gourde, seule provision quelle avait emmené, petite présence rassurante. Elle allait jeuner longtemps, elle lavait prévue. Il lui fallait tout faire pour essayer de dépasser ses peurs, aller au delà de tout ce quelle pouvait ressentir.
Ne pas dormir... ne surtout pas dormir.
Le froid glacial lentoura vite avec la nuit. La légère humidité autour delle se changea en gel, qui saccrochait à lherbe quelle avait dégagé de la neige, puis à sa peau et ses cheveux. Elle serra les dents et essaya doublier la glace de lair.
Sommeil...
Elle se reveilla plusieurs fois, après quelques minutes de sommeil quelle ne pouvait contenir. Le hurlement dun gingo au loin, le craquement dune chappe de neige tombant des arbres la rappelait à léveil. Elle se forcait alors à garder les yeux ouverts, fixant un point devant ses yeux, puis un autre quand son regard devenait flou. Ce furent des heures passées à lutter contre le sommeil et lengourdissement du froid.
Il devait bien se passer quelque chose, elle attendait quil se passe quelque chose, mais quoi ? Inconsciente de ce que représente réellement une méditation ascétique, elle tentait de reproduire un rituel personnel qui lui était inconnu, sans en comprendre ni le fondement, ni la finalité.
Une seule chose lui permettait de croire que cela avait un sens, cétait que la solution pouvait se trouver au bout de cette épreuve, elle que ne pouvait partir ou renoncer sans trouver cette solution.
Le jour vint la réveiller, pour la dixième ou vingtième fois elle sétait endormie. Ses cheveux était couverts de givre, comme le sol autour delle, et lair était si froid que son corps émettait de la vapeur à son contact. Elle navait pas pris de couverture, pas dautres vétements que la plus légère de ses tenues. Elle lavait choisi, mais commencait à douter sérieusement davoir la moindre once de sagesse.
Elle bu, longuement, moins pour étancher sa soif que faire taire sa faim. Elle avait mal partout, la peau rendue sensible par le froid glaciale qui sétait acharné sur elle la nuit entière.
Elle se leva, et se mit à marcher, sans réellement de but. Une source, à quelques pas, lui donna loccasion de remplir encore sa gourde, et de se rincer le visage et les bras. La vie séveillait au ralenti, le ciel toujours aussi bleu et glacial, seuls quelques nuages donnaient limpression que quelque chose pourrait changer.
Il fallait encore attendre. La lumière du jour laida à se reveiller, et elle marcha droit devant elle, au travers des grands bosquets arbustifs, sur de longs cycles. Elle ne savait pas où elle allait, mais marcher était encore le plus sûr moyen de ne pas céder au sommeil. Les premiers vertiges commençaient, les premières légères hallucinations aussi. Elle réussit juste à deviner quelle marchait entre le sud et louest, faisant de larges courbes aussi bien involontaires que pour esquiver les prédateurs.
Ses pensées seffilochaient en même temps que la fatigue commencait à la dévorer. Elle pleura sur labsence de Leonil, sur les moments de plus en plus nombreux où il partait au loin, sans que nul ne sache où il pouvait réellement disparaitre. Les heures passant sacharnaient à raviver les plus sombres de ses souvenirs, et la solitude, la solitude comme première blessure, comme premier carnassier dévorant son courage.
Le visage ensanglanté de sa mère, dernier souvenir de sa famille, ne cessait de revenir. Les sarcasmes et les craintes des enfants et adolescents matis à cette albinos rescapée dun massacre, sans nom, sans passé, sans souvenirs. Son isolement, quelle na jamais que décidé elle-même, finalement, refusant de casser le mur entre elle et eux.
Elle navait jamais même réalisé quelle avait décidé, à quelques cernes à peine, quelle nétait pas eux, quelle ne serait jamais eux, quelle reniait son peuple. Elle avait toujours cru être une victime, pas une responsable.
La chaleur de ses larmes sur sa peau gelée lui fit presque mal, tandis quelle marchait comme un automate... Tandis, tout simplement, quelle fuyait.
Au dessus delle, le ciel devenait aussi sombre que ses pensées et sa détresse, et tandis que le soleil chutait une fois de plus derrière lécorce, elle longeait une falaise, en courant, sans plus savoir doù elle venait, ni où elle allait.
Fantomes.
Elle narréta pas de marcher, tandis que le ciel réunissait toute la colère dAtys dans les airs.
Elle était entourée de fantomes connus et inconnue, le doigt pointé vers elle, une immense arène imaginaire de procès à toutes ses fautes. A tout ce quelle a fait ou na pas fait, à tout ce quelle a pensé, ou pas pensé, à tout ce quelle a dit, ou na pas dit.
Pas une seconde de répit, chaque regard dans une direction, dans lobscurité de la nuit, donne naissance à un fantome, nouvel accusateur cruel qui refuse de rendre verdicte, mais annonce chaque accusation. Elle brûle de fièvre, malade, mais ne le sait pas, elle en a perdu conscience, et ne réalise même plus quand elle chute au sol, sur chaque faux pas de son chemin sans destination.
Une dernière chute la précipita dans une mare dont le poids de son corps brisa la glace. Le froid lui rendit conscience le temps de sen extraire, et ramper dans la neige. Elle saffala à labri dun tronc, recrovillée en chien de fusil. Les ombrs accusatrices allaient et venaient : ses parents, ses camarades denfances, Florimelle, Xérius, Pieds-Bleux, le marchand qui lavait nommée Nemesis, lenvoyé de la Karavan qui la poursuivait dans ses rèves, les Kamis, Leto, Eto, Saganaem, Thun, Thalionir, Ninya... Leonil.
Trahison, faiblesse, lâcheté, fuite... Tous avaient les mêmes mots, les mêmes accusations. Tous, morts, vivants, lointains pour proches, laccusant davoir fui tout choix, toute implication, de navoir jamais pu choisir, un camp, une décision.
Elle hurla plusieurs fois, recrovillée dans la neige, pleura, et pleura encore, avant que la fièvre ne se calme tandis que le froid de la nuit devenait morsure. Elle ne sut jamais si la nuit passa en cauchemars eveillés ou endormis... Quand elle rouvrit les yeux, elle était couverte de neige, et celle-ci tombait encore dun ciel qui ne cessait de devenir plus lourd.
Etais-ce cela que les Zoraï pouvaient rechercher dans cette épreuve ?... Etais-ce cette confrontation avec leur terreur ? Elle navait pas de réponse à ces accusations qui lassaillaient. Elle avair cherché à essayer de suivre un destin quelle croyait tracé envers et contre toutes ses décisions, mais cest elle qui avait traçé cette voie, même si elle nen avait pas eu conscience.
« Vous ne maccusiez pas... vous tous, vous ne maccusez pas, cest moi qui me sens coupable devant vous, mais coupable de quoi ?... Davoir peur de ce que je fais, de ce que je suis, de ce que je dois faire, ou devenir ? Je nai pas le droit davoir peur, et je ne veux plus, je ne veux plus !... Quoi quil se passe, il y a une réponse... jai fais tout cela parce que je croyais que je devais le faire, parce que je croyais ne pas avoir le choix. Mais je ne lai pas ! Cest moi qui me trahit ! Si je renonce, cest moi qui me trahit ! »
Mais renoncer à quoi... Elle erra encore, tournant en rond, oubliant même de boire, incapable de trouver à quoi elle risquait de renoncer, ce quelle cherchait, ce quelle voulait, devait comprendre !... Tout était devant elle, elle savait tout, mais comme les pièces dun puzzle, elle devait comprendre comment tout réunir...
La fièvre revint dans la journée, lépuisement aussi. Elle finit par saffaler contre un rocher... et la nuit appela la tempète, alors quelle perdait conscience...
Le ciel devenait fou, Atys enragée, la pluie et la neige fondue trempaient Psychée depuis des heures. Elle était paralysée de froid, malade, incapable de bouger. La peau abimée et gelée par endroits par le froid, les cheveux collés de crasse et de fièvre. Son regard se portait sur lhorizon obscurci. Elle attendait le retour des fantomes, le crâne secoué de douleurs terribles, le corps perclu de souffrance, et se réalisait même plus les moments où elle perdait conscience avant de rouvrir les yeux, trempés par la pluie.
Dans le flou de son regard enfievré, elle revit les kittins, debouts autour delle, secouant leurs mandibules, dans des hurlements inhomins. Ils lentouraient de nouveau, à demi-iréels. Elle se demanda si ils étaient revenus pour la tuer, attirés par lodeur de sa mort, mais ils disparurent dans la brume de sa fièvre.
Ce fut ensuite la même scène avec des tueurs de la Karavan, puis avec tout ce quelle pouvait compter dennemis et dadversaires imaginaires, venus la regarder, en silence, et repartir... Elle essaya de leur parler, mais elle ne pu prononcer un son, essaya de fuir, mais ne sut pas se relever, et oublia que ce netaient que des images...
La tempète ne cessait pas, mélant ses trombes aux illusions qui semblaient naitre et se dissiper des eaux elles-mêmes. Elle entendait leur respiration, leurs bruits, mais même ceux qui parlaient le faisaient dans le plus total silence.
Ils revenaient, encore et encore, sapprochant toujours plus, restant toujours plus longtemps, comme sils se concertaient, se demandant quel sort reserver à cette homine mourante et désarmée. Mais ils repartaient toujours, pour être rémplacés par dautres, parfois se confondant avec des visages amis, avec des sourires, la présence des êtres qui lui étaient si chers, leur odeur parfois... celle de Leonil, et celle de Florimelle, si rassurantes toutes les deux.
Elle savait quelle délirait encore, mais plus aucune pensée ne pouvait dissiper le délire, ou lui permettre de le rendre iréel... cetait comme contempler un théatre mouvant sans pouvoir y échapper...
Et les Kamis vinrent. En premier lieu, un petit, noir, aux yeux lumineux, comme curieux de voir ce quil avait devant lui. Il sapprochà presque à la toucher, et resta devant elle. Il était venu comme le reste, né des trombes noirs de la tempète, née dans les chimères de sa fièvre... mais impossible de ne pas le croire réel...
Il resta là... dandinant de la tête, émettant sifflements et bruits étranges, regardant lhomine glacée appuyée à son rocher.
Puis un autre vint, plus grand, plus massif, immense, le torse et les bras complètement hypertrophiés. Il marchait sur ses jambes minuscles dun pas lourd, faisant le tour du rocher, les membres supérieurs balants, traçant des sillons dans la neige, insensible au froid glacial de la pluie et du vent.
Il se posta devant Psychée... remuant les bras, comme hésitant à achever la vie de lhomine quil toisait de six têtes. Il commenca un étrange dialogue avec le petit Kami, tournant sa tete aux yeux immenses et stéllaires vers lui, emettant des sons étranges et féerique.
Les deux Kamis semblaient discuter du sort de lhomine... ou de leur surprise à la trouver là.
Psychée gardait les yeux ouverts, cherchant à percer lillusion de son délire, à comprendre le sens de cette dernière vision. Elle essuyait ses yeux de la pluie, encore et encore, mais ils ne se dissipaient pas...
« Que voulez-vous ? » Ele ne sut même pas si elle avait pu prononcer ces mots, ou si elle les avait pensé. Elle avait essayé de faire jaillir ses sons de sa gorgre brûlante, et elle nentendit pas sa propre voix dans le vacarme de la tempète.
Mais ils tounèrent la tête vers elle, comme surpris de lentendre. Elle tenta de répéter sa phrase, mais narracha quune quinte de toux qui la fit grimacer de douleur. Elle tendit la main vers le plus petit des deux... essayant de se prouver quelle révait.
Il la saisit, doucement, comme curieux du geste...
Elle frissona... impossible de savoir ce quelle tenait en main, si cetait réel ou pas... Elle ne le saurait jamais. Mais elle pouvait le toucher. Il serra sa toute petite main autour de deux de ses doigts, comme voulant lui-même sassurer de la réalité de la scène. Elle essaya de se redresser, et il ne recula pas. Le plus grand des deux se pencha en avant, , regardant la scène avec curiosité, la têe penchée sur le coté.
« Vous etes des illusions, nest-ce pas ?... Comme le reste, comme tout le reste, vous netes pas là, cest moi qui délire. Vous ne voulez pas me toucher, vous netes pas venu me chercher, vous nexistez pas. »
Les deux Kamis ne bougeaient pas, le plus petit navait pas lâché sa prise, mais se mit encore à discuter avec son immense collègue, surpris, le regard emettant presque une incompréhension. Ils la dévisageaient à tour de rôle, avant de repartir dans leur discussion quasi- psychédélique.
« Cest vous que je suis venue voir, cest vous qui saviez !... Et je ne comprend rien ! Je suis venue savoir pourquoi jai fais tout cela, quest-ce que je dois faire, est-ce que jai le droit de le faire ?!! Répondez-moi !!! » Sa voix se brisa dans sa toux.
Les deux Kamis parurent une fois de plus surpris, et la regardèrent, tout les deux... avant de se fondre dans le paysage, comme désirant redevenir les illusions quils navaient cessé dêtre.
Mais au fur à mesure que leur présence sétiolait, ils se mirent à pousser un cri... Leurs deux cri appelant des milliers de voix, sélévant au dessus de Psychée, du rocher, de lair, du ciel. Elle perdit toute conscience de la réalité, pour devenir la musique même du ce chant, lâme déchiquetée en morceaux par ce que nul ne devrait entendre. Chaque sève faisant couler le sablier du temps devenait une voix, grossie par celle des vivants et des morts, des naissances, des agonies, de lherbe mourante au guerrier affrontant son dernier adversaire. Les racines devenaient des veines, la vie devenait sa sève, le temps devenait les palpitations dun coeur, et lhomine perdait toute réalité.
Des voix naissant de toutes part sajoutaient à un concert inssuportable, approchant à la folie même. Elle mourrait et vivait milles vies en une seconde, hurlait à la douleur de la naissance et de la mort repetée à chaque battement dun coeur fou et monstrueux. Elle voyait sa propre sève exploser en larmes rouges, et renaitre dans tellement, tellement dautres vies, sans cesse... plus de début, plus de fin, plus de voie de retour. Elle voulait savoir, mais nentendait plus rien, sauf ce hurlement indescriptible qui donnait naissance aux vies, aux morts, à toutes les âmes, à toutes les sèves, à la folie, aux désirs, aux choix, aux reniements.
Le rocher se brisa, puis le sol, puis la réalité. Plus dimages dautres que celles de leurs deux pairs dyeux, et la folie qui semparait delle, et détruisait tout ce quelle avait jamais pu être. Elle essaye de demander pitié, mais son hurlement devint une part insignifiante de toutes les vies qui à cette seconde imploraient leur vie. Elle essaya de se révolter, mais des millions de révoltes répondirent pour écraser ses pensées... Elle voulut abandonner, fondre dans la folie, mais tellement de folies hurlèrent de toutes parts quelle en fut chassée. Elle pouvait compter chaque cellule de son corps devenu une partie de ce chant, hurlant toutes leur agonie dans une douleur qui navait plus dexpression ou de normes.
Le silence vint de lui-même, comme sil navait jamais cessé dêtre. Elle ne vit rien, nentendis rien, ne ressentit rien, sauf la vacuité la plus totale du vide le plus indesciptible qui soit. Elle avait voulu savoir, elle avait été au bout de ce quelle avait pu endurer de fièvre et de délire, et savait que cela aurait du être son délire... mais il ne létait pas. Il ny avait rien, pas de moyens de comprendre cette seconde là. Juste le moyen de laccepter.
Dans le vide, ils parlèrent, tous. Elle ne sut jamais ce que les millions et les millions de vies pouvaient dire, mais elle entendait, sa propre voix dans le concert de cette folie qui navait ni bruit, ni existence.
Elle vit juste ses yeux. Et en eux, des milliers détoiles... la sève, les âmes, le futur, la folie, leurs morts à tous, lespoir, labandon, il était tout cela, sans aucun choix dêtre ce quil pouvait désirer.
Elle pensa... si même, ici, elle ignorait ce que ce mot voulai dire : « Tu ne désire pas, tu na jamais désiré, tu existe, sans autre choix... » Une voix, la sienne, lui répondit ; «Tu na jamais désiré, tu existe sans autre raison que de le faire. Le choix est ce qui attend toute vie avant que ta sève ne pourrisse... Tu choisi, tu as déjà choisi, tu voulais juste lentendre. Plus de retour en arrière, car il ny en a jamais eu... Que ta route soit, parce quelle était déjà avant que tu naisse... parce que ton premier choix, tu las fais bien avant de pousser ton premier cri ».
Elle plongea dans ses yeux. Le temps sarréta. Plus de retour en arrière possible, cetait ce quelle avait choisi, et ce quelle choisissait à cette seconde... Elle ne sut jamais ce qui arriva. Peut-être rien, tout simplement.
Peut-être juste un délire... le dernier...
Le jour se levait. Elle ouvrit les yeux... la fièvre avait cessé... Son corps était meurtri, elle souffrait de partout, elle était sale, et épuisée. Le rocher avait pu la protéger un peu, finalement.
Elle devinait presque dans cet orage le printemps qui venait se glisser dans lhiver, et se leva.
Il ny avait plus de peurs, il ny avait plus de doutes. Un sourire, rien quun sourire. Et dans sa main, quelques poils noirs encore collés à sa peau...
"La Vie est un cadeau"
Psychée Aquilon Alanowë, la Zoraï Blanche, Fille de Liandra d'Alanowë
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Psychée Aquilon Alanowë, la Zoraï Blanche, Fille de Liandra d'Alanowë
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Re: Nemesis: Peurs & silences -1 & 2
Magnifique !
PS : Effectivement, il va falloir relire pour l'orthographe
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Florimelle (delle'Ambra)
Les Eclats de Lune
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Re: Nemesis: Peurs & silences -1 & 2
Grmbl....omorel2 wrote:Magnifique !
PS : Effectivement, il va falloir relire pour l'orthographe
"La Vie est un cadeau"
Psychée Aquilon Alanowë, la Zoraï Blanche, Fille de Liandra d'Alanowë
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Re: Nemesis: Peurs & silences -1 & 2
HRP/ Vraiment superbe !! Bravo !! Et les fautes ne gènent pas trop à la lecture, ne t'inquiète pas Heureux que tu es changé d'avis et soit resté parmi nous Psychée... J'attends avec impatience la dernière partie