*vérifie qu'il n'y a personne sur le forum*
*pose un pavé en plein sur le chemin*
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Spéciale dédicace : bon petit déj, Rewen
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De la justice en général, et de celle des matis en particulier
1. Problématique
- Parmi les thèmes "civilisationnels" souvent utilisés en Roleplay par les joueurs de Ryzom figure tout ce qui touche au droit, à la définition de ce qui est permis ou pas et à la répression des crimes et délits, bref, la justice, qu'elle soit de droit commun (jugement des assassins d'homins de la Graine Verte), politique ("procès" pour haute-trahison de Leto), religieuse (définition du sort des "hérétiques" par les Matis), ou qu'elle touche au droit des gens (droit international, comment juger un homin qui se comporte de façon belliqueuse en temps de paix, par exemple).
- les contraintes imposées par le jeu lui-même en termes d'application (ou non) du background sont très réduites, pour ne pas dire inexistantes, poussant certains joueurs à vouloir incarner des hors-là-loi, ou des "sans-loi" ;
la forte proportion dans la communauté de joueurs de jeu vidéo "pur", pour lesquels la loi comme convention entre homins n'a aucune importance si elle n'est pas imposée par le jeu lui-même ;
le très fort attrait pour toutes les questions judiciaires en elles-mêmes de la part des roleplayers, du fait de la très vaste palette de développements scénariques possibles ;
La présente fiche a pour but d'éclairer la situation actuelle et de proposer des pistes de travaux à mener par les joueurs pour, à terme, répondre à toutes ces attentes, pour ce qui concerne le royaume des Matis.
2. Etat des Lieux
La situation actuelle ressort quasiment de l'anarchie la plus totale. En effet, le droit a une particularité essentielle qui est de n'avoir de valeur que par le fait qu'il soit imposé par le pouvoir (justice royale, par exemple), ou par convention au sein d'une partie de la population qui reconnaît explicitement, par son adhésion à une charte, ce qu'est un comportement accepté et la manière d'agir en cas d'abus ou de violation.
En gros, nous avons donc deux sources de droit :
- Un droit positif, d'origine divine ou politique, qui s'appuie sur des textes publiés par Nevrax (la Game Lore)
Un droit subjectif, d'origine interne à la communauté, qui s'appuie sur des conventions acceptées par certains joueurs (statuts de guilde)
Je prends un premier exemple : le "cas" Leto chez les Matis.
Leto est un Zorai mystérieux, pratiquant une sorte de "médecine parallèle" ainsi que des pratiques plus douteuses comme la manipulation, le mensonge et la trahison, au profit de sa propre interprétation du monde tel qu'il le voit, et des situations telles qu'elles se présentent. Ses interlocuteurs, persuadés d'avoir affaire à un détenteur de grands pouvoirs chamaniques, le craignent ou le haïssent, ce qui lui convient tout à fait (j'imagine
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Second exemple : l'affaire de la Graine Verte.
La tribu de la Graine Verte, située en territoire Matis non loin d'Yrkanis, est constituée de Trykers et de Matis PNJ fidèles au Roi et à la Karavan. De ce fait, elle est la cible de nombreux kamistes, qui pratiquent son massacre régulier afin de se faire bien voir de leurs protecteurs religieux. Considérant que les PNJ sont des homins comme les autres, de plus pacifiques, et donc que leur massacre est évidemment un acte monstrueux en soi, certains Matis se chargent régulièrement de pourchasser les "criminels" afin d'une part de leur faire justice, et d'autre part afin que cesse ce carnage offensant pour n'importe quel Matis respectant cette tribu. Problème : confrontés aux preuves de leur forfait, les criminels arguent du fait que ces massacres leur sont demandés par les Kamis prêcheurs, Kamis "tolérés" par le roi Yrkanis, et que nul ne peut se targuer d'avoir la légitimité pour rendre la justice au nom du Roi, dont c'est le rôle (surtout si l'on parle de peine capitale). De plus, outre le crime lui-même, un joueur un minimum cohérent ne pourra que se poser des questions sur le fait que son roi accepte que sur son territoire, des prédicateurs désignés depuis des générations comme des "démons" malfaisants se permettent d'appeler publiquement au meurtre de ses propres alliés et correligionnaires...
Contre-exemple : la "justice tribale"
A contrario, lorsqu'un personnage a une attitude offensante envers une tribu en particulier, et ce de façon répétée (fame très négative), et qu'il se rend dans le village de cette tribu, il est immédiatement attaqué par celle-ci. On peut y voir un effet d'une "justice" sommaire, et considérer que, selon les "lois" de cette tribu, ce personnage est tellement mal considéré qu'il devient un criminel. Là, au contraire de ce qui est possible au niveau des personnages-joueurs, la justice est réellement intégrée au gameplay.
3. Analyse
Au vu de ces exemples, le constat que je fais me paraît clair : nous n'avons, pour le moment, aucun moyen véritable de "rendre la justice" en utilisant le droit positif ou la puissance politique (la justice du roi), nous devons donc nous contenter d'agir par convention.
Oui, mais cela pose en soi deux problèmes :
- Le fait qu'une convention suppose de mettre d'accord les joueurs entre eux, sur ce qui constitue le droit et les sanctions qui s'y appliquent ; en effet, une convention ne s'applique qu'à ceux qui y adhèrent, elle peut (et sera) contestée par les autres ;
Le fait que constituer un tel droit conventionnel en l'absence totale de droit positif revient en fait à substituer (et non compléter) le droit d'essence régalienne. En gros, les juges autoproclamés prennent la place du roi et de sa justice. Et l'exercice de la justice étant un élément essentiel de la légitimité royale (on a plus tendance à considérer comme légitime celui qui a le pouvoir que celui qui est censé l'avoir mais ne l'exerce pas), cela revient à supprimer, de facto, la monarchie matis.
Donc, comment sortir de ce casse-tête ? Il y aurait deux moyens, je pense :
- Une implémentation en jeu de la fonction de juge, voire de la fonction législative, avec validation officielle des lois.
Une prise en main par les joueurs eux-mêmes : en gros, la constitution d'une sorte de "conseil des anciens" (terme générique) qui, du haut de leur grande sagesse reconnue par leurs pairs, pourraient traiter des cas posant problème ;
- Préservation, pour le moment où la constitution d'organes politiques sera possible en jeu, de l'autorité du Roi, de la Karavan et de Jena : personne ne parle en leur nom.
Les Matis intéressés se groupent en une sorte de comité, agissant pour son propre compte mais "dans l'intérêt de leur peuple". Constatant (comme les criminels, d'ailleurs) l'absence de justice royale, ils prennent généreusement en main la défense de leurs compatriotes et de leurs alliés, et se dotent des organes nécessaires pour cela.
Autocensure de ce comité sur les questions les plus épineuses, notamment celles touchant au droit international (pas de déclaration de bannissement perpétuel, ou de personae non gratae dans le royaume, par exemple...)
Le jour venu (mise en place des instances officielles), ces tribunaux de fortune se dissolvent et cèdent la place aux institutions d'origine royale.
5. Un exemple concret : le duel judiciaire
Oui, mais...
"Euh, c'est bien gentil tout ça, de dire qu'on peut s'en charger au feeling, mais comment empêcher un homin de massacrer des Graines Vertes, vu qu'on n'a pas de PvP dans le Jardin Majestueux à part l'Arène ?"
Comme l'a proposé le seigneur Alaezyon, des Lumières d'Atys, on pourrait tout à fait mettre en place une profession de "duelliste professionnel", de "champion de justice", qui se chargerait d'appliquer au criminel pris en flagrant délit ou reconnu comme tel (par aveu, témoignage d'un Matis digne de foi, etc, nécessité fait loi), la "justice" de la force brute, d'une façon honorable, conforme aux valeurs matis (il s'agit d'une exécution, pas d'un duel pour l'honneur, mais la force revendiquée par le champion est telle que, pour un Matis, cela revient au même
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L'avantage de ce système est multiple :
1) il offre une possibilité de s'impliquer en RP à des joueurs intéressés par le PvP
2) il offre un spectacle public qui renforce le RP du serveur (épreuves de sélection)
3) il permet d'éviter d'avoir à traîner le criminel à l'Arène
4) il permet d'éviter d'avoir à le massacrer à 6 contre 1 (tout le monde déteste les pelotons d'exécution, et d'abord les membres du peloton en question...)
5) il permet de donner un début de corps à l'exercice d'une "justice matis", sans empiéter sur la storyline
Cette fonction pourrait, de plus, être mise sur pied sans délai important, ne nécessitant pas d'améliorations du jeu lui-même.
6. Conclusion générale
Tel que c'est parti, et c'est fort logique en y regardant bien, les questions judiciaires sont au coeur de la problématique sensible de constitution d'une identité matis. Savoir qui peut faire quoi, qui risque quoi en faisant tel ou tel choix, et ce, au-delà du simple système de renommée et de ses conséquences, est essentiel pour un joueur intéressé par le roleplay. Il n'y a pas de raison, en particulier, pour qu'une tribu de sauvages ait la possibilité d'attaquer un noble Matis sur sa mauvaise mine (fame) là où, ailleurs, le même noble Matis ne peut infliger la correction qu'il mérite à un criminel qui vient de se livrer au massacre d'une bonne douzaine d'homins innocents.
De plus, les travaux liés à la justice permettent de renforcer le principe voulu par Nevrax qui fait de nous un peuple sans racines, ou en train de les redécouvrir : nécessité faisant loi, nous devons nous organiser pour survivre, et pas tout attendre du système de jeu pour ce qui est de notre organisation sociale. Le seul élément à respecter est de ne pas "fermer" le développement de ces institutions, de les créer d'emblée comme évolutives et susceptibles de se fondre sans difficulté dans le moule nevraxien.
Enfin, et c'est à mon avis le plus important, les questions judiciaires sont une très bonne occasion de s'amuser, et offrent une palette de rôles à jouer, rôles qui sont très difficiles à interpréter actuellement. C'est aussi un premier pas vers la définition de principes qui nous serviront plus tard, pour la définition de nos relations internationales : savoir ce qu'est un criminel chez nous, de façon claire, et être capable de le dire haut et fort aux criminels potentiels, permet d'éviter les malentendus futurs qui se mueront forcément en "provocations" et conduiront à des situations inextricables.
PS : Certains me diront peut-être que je place la barre très haut, que ce n'est pas la peine de se prendre la tête avec ça, etc... Si je poste ce genre de réflexions ici, sur le forum général, c'est pour montrer que même si ça ne se voit pas trop IG, les joueurs RP ne font pas que parler un langage désuet
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