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Re: [BG Creenshaw : 2ème Partie] Né et Mort dans la douleur

Posted: Mon Jul 25, 2005 6:53 am
by snark
La mort… Je me réveille en sursaut. Combien de temps me suis-je assoupie ? Le soleil était haut dans le ciel lorsque je me suis endormie. Une violente douleur me cloue au sol. Hagarde, j’essaie de se relever. La douleur vient de mon flanc. Instinctivement je regarde la cicatrice que je porte au flanc…

« Creen ! »

J’ai le sentiment d’avoir hurlé son nom, mais aucun son n’est sorti de ma gorge sèche. Les passants ne se sont même pas retournés.
Je me suis relevée et me suis mise à courir. Je ne pense pas, ne réfléchit pas. Je me retrouve bientôt dans le désert. Je cours désarmée, mes pas me portent devant le ravin qui descend au Canyon. Une violente douleur à la poitrine me fauche. Je m’effondre, le souffle coupé, à genou dans la sciure. Il me semble que mon cœur s’arrête. Comme un écho à mes propres pensées me parviennent les dernières émotions de Creenshaw. Ses dernières pensées se mêlent aux miennes rendant plus insupportable la disparition de mon amour. Puis c’est le silence…

Je gémi « Creen… »

Je rampe, puis arrive à me relever, titubante, je poursuit mon chemin. Là-bas à l’entrée du canyon un corps. Le cri que je pousse est animal. Il disperse les gingos occupés à dévorer leur proie. Creenshaw est étendu là, sa sève s’est répandue dans la sciure. Les gingos ont commencé à dévorer ses entrailles mais surtout là où était son cœur, il n’existe plus qu’une cavité sanguinolente.

Je tombe à genou, je prends dans mes bras mon tendre amour, mes larmes se mêlent à sa sève. Et je hurle encore une fois. Convulsivement je serre son corps, je l’embrasse, il me semble que peut-être je pourrais le faire revenir à la vie. Les images se brouillent dans ma tête, le Canyon devient la Loria et le corps que je tiens est celui d’un très jeune tryker…

Une douleur violente au mollet me ramène à la réalité. Les gingos sont revenus et entreprennent de me dévorer vivante. La tentation est grande, se laisser glisser, rejoindre Ma-Duk. Pour la première fois je suis fatiguée de vivre.

Une morsure dans la cuisse, je sens ma sève couler, et je voudrais que ma vie s’écoule avec. Ce serait si simple….

Ce n’est pas une douleur, juste une sorte de pincement, une sensation étrange que j’ai apprise depuis peu à connaître, qui me fait réagir. Là dans mon ventre qui s’est arrondi, la preuve vivante de notre amour me ramène à la vie. Je décoche un violent coup de pied au gingo, la douleur me fait crier mais j’arrive à me mettre debout. J’empoigne ma masse et d’un coup je fracasse la tête de l’animal. Le reste de la meute m’entoure mais une rage meurtrière s’est emparée de moi. Et ma masse s’abat de nouveau.

Lorsque je reprends conscience, c’est à peine si dans les masses sanglantes à mes pieds on peut reconnaître les cadavres de gingo. Je suis couverte de sève de la tête aux pieds. Je m’agenouille et fini de me barbouiller d’un masque sanglant.

Comme dans un rêve je reviens à l’étable chercher mon mektoub, la nuit est tombée maintenant. Je suis rapidement de retour au Canyon. Je charge sur mon mektoub la dépouille de Creenshaw. Après avoir remonté le couloir je m’enfonce dans le désert. Il fait nuit noire quand j’arrive au campement de la tribu. Ils voient le cadavre sur le mektoub, mon visage maculé de sève séchée. Nul besoin de mots.

Ils couchent Creenshaw dans une hutte et discrètement se retirent pour me laisser le veiller. Pour ne pas me perdre dans le désespoir qui m’habite, je me suis agenouillée les mains sur mon ventre. De temps en temps je sens mon bébé, donner des coups de pieds et seul ce contact me permet de ne pas sombrer. L’aube vient, une femme entre dans la hutte, elle regarde mon ventre et me prends par la main. Sans force je me laisse faire, elle me déshabille, me lave comme une enfant, me couche et je m’enfonce dans un sommeil sans rêve.

Lorsque plusieurs heures plus tard je me réveille, la femme me conduit à la hutte où gît Creenshaw. Ils ont nettoyé sont corps, l’ont embaumé, entouré de bandages ses blessures. Mon esprit est moins confus, alors je décide de retourner à Pyr chercher une armure dans l’appartement de Creenshaw.

Le corps de Creenshaw est maintenant prêt. Je me tiens debout à son chevet. Mes yeux sont secs, j’ai épuisé toutes mes larmes. Il me semble que mon cœur est mort.

J’écris un mot à Clepto :
Clepto

Je n’ai pas su sauver l’homin que j’aimais, je n’ai pas su le protéger, je n’ai pas su trouver les mots qui auraient pu tout changer. Lui qui tant de fois me répété qu’il voulait finir ses vieux jours avec moi. Il n’en aura pas eu la chance et je n’aurais pas assez de larmes pour le pleurer.

Tu comprendras qu’après ce qui s’est passé, je ne puisse venir en personne. Je ne pourrais répondre de ce qui se passerais si je voyais devant moi quelqu’un portant le blason des Légions Fyros.
Tu as été son ami, il t’a confié ses enfants, je te confie son corps. La tribu auquel je l’ai confié te mènera à lui. Ils l’ont embaumé. Lorsque j’en aurais la force nous lui rendront le dernier hommage qu’il mérite.

Pardonnes moi, mais je ne peux aujourd'hui regarder Tessa et Salvator en face, ni leur annoncer que leur père n’est plus. Mais saches que je ne les oublie pas et que maintenant que Creenshaw n’est plus, je ne suis plus liée par la promesse que je lui avais faite.
Toutes les questions qu’ils se posaient sur leur père, il m’est possible d’y répondre, ainsi ils pourront savoir qui il était vraiment et combien il les aimaient.

Avant de partir Creenshaw m’a fait le plus beau cadeau qui soit : je porte son enfant. En écrivant ce mot, mes larmes coulent à nouveau, mon regard se brouille, et je distingue mal ce que j’écris car mon tendre amour n’auras même pas eu le bonheur de le savoir.

Je dois m’en aller quelques temps. Je vais retourner au pays des Lacs car c’est là que je veux que notre enfant naisse.

Je te confie le corps de Creenshaw. Gardes le jusqu’à ce que je reviennes.

Melowen
Compagne de Creenshaw
Après avoir confié ma lettre à un des membres de la tribu, je serre une dernière fois Creenshaw dans mes bras et déposes un baiser sur ses lèvres :
« Pardonnes-moi mon amour »

Puis je brise un pacte entre mes doigts.

Re: [BG Creenshaw : 2ème Partie] Né et Mort dans la douleur

Posted: Mon Aug 01, 2005 7:21 am
by snark
Je me retrouve à Windermeer. Je m’éloigne rapidement du village, ne voulant rencontrer aucune personne de connaissance. Je me dirige vers les Landes Obscures. J’ai l’intention de séjourner non loin du village des Corsaires.

Arrivée au village, j’explique en quelques mots ma situation à Ba’Nacry Codgan. Devant ma détresse, il sourit tristement et ordonne à quelques homins de m’accompagner. Je les emmène dans cet endroit que je considère comme le plus beau d’Atys, près de cette magnifique cascade. Un peu à l’écart de la cascade et dominant le lac, ils me construisent une petite cabane. Là je serais tranquille. Les Corsaires viendront me ravitailler de temps et voir si tout va bien. Je les remercie vivement et les regarde s’éloigner.

La pénombre envahit les Lacs, le soir est calme, assise devant ma cabane, j’entends le murmure de la cascade. Mais la beauté des lieux n’arrive à me distraire de mon chagrin.

Quelques jours ont passé. Depuis la mort de Creenshaw, j’ai à peine prononcé quelques paroles, juste les mots strictement nécessaires. De toute façon que m’importe, le seul être à qui je voudrais parler n’est plus.

Je trouve ce jour le courage d’écrire à Salvator et Tessa, la lettre est pénible à rédiger. Chaque mot ravive la plaie qu’est devenu mon cœur, mais je leur dois la vérité.
Mes enfants

Votre père n’est plus. Je voudrais être auprès de vous en ces difficiles moments, mais je n’aurais pas la force de me retrouver en face d’un Légionnaire, fut-ce un ami comme Clepto.
Comme Clepto a du vous le dire, j’ai recueilli sa dépouille et lorsque le temps sera venu nous rendrons à votre père l’hommage qu’il mérite.

Mais ce n’est pas pour cela que je vous écris. J’ai du mal à écrire cette lettre, ne voulant pas ajouter à votre peine celle de trop vifs regrets. Mais je me dois de rétablir l’honneur de votre père.

Non il n’était pas un traître. Au contraire il n’y avait pas plus fidèle serviteur de l’Empire. Lorsque je l’ai connu à Yrkanis, il résidait à l’ambassade Fyros. Un soir il m’a dit toute la vérité. Votre père servait l’Empire dans l’ombre. Les missions qu’on lui confiait étaient dangereuses, mais surtout elles nécessitaient le secret absolu. Il avait fait vœu de silence concernant ses activités. Pour moi il avait rompu ce vœu. S’il ne vous a rien dit, s’il était souvent éloigné de vous c’est qu’il ne voulait pas vous mettre en danger, vous auriez pu être un moyen de pression facile et il ne redoutait rien sauf qu’il vous arrive quelque chose.

C’est ainsi que Kobal l’a surpris un jour avec le chef d’une guilde ennemie. Il a cru que votre père complotait avec lui alors qu’il cherchait à lui soutirer des renseignements.
Votre père a préféré passer comme traître aux yeux de son meilleur ami plutôt que de risquer être découvert. C’est pour cela qu’il l’a poignardé en faisant bien attention à ne pas le tuer. Mais comme un message silencieux il lui a laissé le médaillon qui contient vos deux portraits. Médaillon qui ne le quittait jamais. Il est triste que Kobal n’ai pas décrypté le sens de ce message. La suite vous la connaissez.

Durant toute sa détention, alors qu’un seul mot de sa part pouvait l’innocenter, il a gardé le silence. Pour moi c’était de la folie, mais j’aime votre père et je lui avais juré le silence… Honneur et Discipline : il est resté fidèle jusqu’au bout à ces mots.

Si vous doutez de ces révélations, je pense qu’un certain Kaëlan pourra vous confirmer mes dires. Creenshaw a prononcé une fois son nom devant moi, et il me semble qu’il servait l’Empereur sous ses ordres.

Je suis retournée dans les Lacs, les Corsaires m’ont construit une petite cabane et s’occupent de moi. Lorsque je reviendrais à Pyr, je ne serais pas seule, car dans mon ventre grandit votre petit frère ou votre petite sœur. Alors si vous le souhaitez nous pourrons vivre ensemble et former la famille que votre père souhaitait.

Voilà, je retourne à la solitude et au silence dont j’ai besoin maintenant. Je vous embrasse.

Melowen
Compagne de Creenshaw.
Ensuite je reprends ma plume et entreprends d’écrire un mot aux Libres Frontaliers
Mes amis

Il est dit que je ne pourrais connaître le bonheur de façon durable.
Creenshaw est mort et je n’ai pas su faire quoi que ce soit pour empêcher cela. L’idée de le suivre m’est venue, mais je porte son enfant et renoncer aurait été le trahir mais trahir aussi la confiance que vous m’avez fait en m’accueillant.
J’ai besoin de paix et de silence. Je suis retournée dans les Lacs, les Corsaires m’ont construit une petite cabane et s’occupent de moi. C’est là que je veux que l’enfant de Creenshaw qui grandit en moi naisse. Après je reviendrais parmi vous et j’aurais besoin de votre amitié et de votre protection pour que cet enfant grandisse dans la paix et l’amour.

Je ne vous dis donc pas au revoir mais à bientôt

Melowen
Compagne de Creenshaw
Je confie les deux lettres au Corsaire venu me ravitailler et je retourne à mon silence.

Re: [BG Creenshaw : 2ème Partie] Né et Mort dans la douleur

Posted: Wed Aug 03, 2005 11:42 am
by snark
Sept jours se sont déjà écoulés. Qu’ai-je fais durant ces jours ? Je ne sais, je survis, j’essaie de ne pas perdre la notion du temps. Je me nourris, mais je n’ai pas faim. J’essaie de ne pas penser car mes pensées me ramènent toujours à ce soir maudit.
Je suis assise, le dos à ma cabane, la tête à l’ombre, les mains posées sur mon ventre. Je sens mon ventre se déformer sous les petits coups de pieds du bébé, je ne réagis pas, l’esprit vide. Les coups deviennent plus insistants. Dans le brouillard de ma pensée, j’ai l’impression que l’enfant cherche à attirer mon attention. Alors mes mains viennent à la rencontre de ses membres et d’un coup je sens toute la détresse du petit être que je porte en moi. Même si j’étais inquiète pour Creenshaw, il n’avait jusqu’ici connu que des pensées affectueuses, des pensées d’espoir mais depuis sept jours c’est un esprit dévasté qui communique avec lui. Sa souffrance me touche de plein fouet et me bouleverse. Je n’ai pas le droit de me laisser aller, de le faire souffrir ainsi. Alors je lui parle.

Ma voix résonne étrangement comme étrangère à mes oreilles. Etrange comme on peut s’habituer en si peu de temps à ne plus parler. Des mots simples sortent de ma bouche, des mots d’amour pour ce petit être à venir. Puis je me mets à lui parler de son père, je refoule les larmes qui me viennent aux yeux, dénoue le nœud de ma gorge et je lui raconte Creen. Puis je lui chante une chanson, je sens alors son esprit s’apaiser, il s’endort….


D’autres jours se sont écoulés, l’été est sur les lacs. Je ne peux résister au plaisir d’aller me promener, mes pas me dirigent vers la cascade. Des souvenirs anciens me reviennent, d’un temps où j’étais insouciante. Je prends le chemin qui passe sous le rideau d’eau. Je reste un moment dessous, laissant la brume me rafraîchir. J’aperçois une fleur qui a poussé entre deux rochers, elle est d’un rouge délicat. Je me baisse pour la cueillir et je fonds en sanglot. Jamais plus Creenshaw ne m‘offrira des fleurs. A genou devant la fleur, je sanglote.

La nostalgie m’étreint et les regrets aussi. Jamais je n’aurais du cacher à Creenshaw que j’étais enceinte. Je me dis que si j’avais pu lui faire comprendre, alors il aurait sans doute réagi différemment avec les Légions Fyros. Mais je n’ai pas voulu lui rajouter un poids supplémentaire.
Les Légions Fyros n’avaient pas voulu me laisser le voir mais j’avais trouvé un moyen de communiquer avec lui.

Je ne sais pas exactement quand j’ai pris conscience du lien que j’avais avec Creenshaw. Je pense que cela remonte aux jours qui ont suivi le don de sève que je lui avais fait. Lorsque ses émotions étaient particulièrement fortes, je pouvais les ressentir sans qu’il me parle. Mais même lorsque Creenshaw était au loin je continuais à les ressentir. Nul besoin des kamis pour cela. J’étais heureuse car ainsi même absent, il était présent auprès de moi.

Lorsque Creenshaw fut emprisonné, je sus ainsi confusément ce qui se passait pour lui et c’est ainsi qu’un soir aux Chutes Mystiques j’eus l’idée d’aller plus loin et de tenter de rentrer en communication avec lui. L’exercice se révéla épuisant mais possible. Je pus ainsi pénétrer l’esprit de Creenshaw, mais lui ne pu jamais pénétrer réellement le mien . Il aurait pu ainsi savoir que je n’étais plus seule et qu’un autre être partageait mon corps, peut-être que cela aurait tout changé… Mais je ne lui ai pas permis…

Re: [BG Creenshaw : 2ème Partie] Né et Mort dans la douleur

Posted: Thu Aug 11, 2005 6:13 am
by snark
Plus de trente jours ont passé. Mon ventre est maintenant bien rond, je me déplace moins facilement. Quand un être aimé disparaît c’est un lent effacement de la mémoire qui s’opère. En premier lieu disparaît la voix, puis les traits du visage deviennent incertains et flous, enfin les souvenirs deviennent imprécis, leur chronologie incertaine. Malgré mes efforts, je m’aperçois que ce lent travail a commencé, alors pour tenter de contrer l’oubli, je me mets à écrire l’histoire de Creenshaw.

Nous parlions beaucoup tous les deux et Creenshaw ne m’avait rien caché de son passé. Même s’il reste des blancs, je peux reconstituer son histoire. Ainsi quand il sera plus grand notre enfant pourra savoir qui était son père. Je me mets au travail et tous les jours je passe un long moment à écrire.

Je me suis endormie tard, mais la grossesse avançant mon sommeil est plus léger, un léger bruit me réveille. Dans l’encadrement de la porte une silhouette familière se découpe, mon cœur se mets à battre. L’homin avance d’un pas et l’astre de la nuit me révèle les traits de son visage.

« Creenshaw ! »

Creenshaw sourit, éperdue je bafouille :

« Je…. »

Mais il mets son index sur sa bouche et je me tais

« J’ai une surprise pour toi, fermes les yeux »

J’obéis

« Tu peux rouvrir les yeux »

Il tient dans ses mains un splendide bouquet de fleurs blanches qu’il m’offre.

« Elles sont magnifiques, mais moi aussi j’ai une surprise pour toi »

Je montre mon ventre. Un grand sourire anime la face de Creenshaw. Il s’assit près de moi et pose ses deux mains sur mon ventre. Je sens l’enfant bouger et s’agiter. Il vient au contact des mains de son père.

« Mais mon amour, comment se fait-il ? »
« Rien n’est impossible à ceux qui s’aiment »
« Creenshaw, pardonnes moi, je n’aurais pas du te cacher que j’attendais un enfant, je n’aurais pas du m’endormir, j’aurais du entendre ton appel… »

J’ai les larmes aux yeux. Creenshaw passe doucement son pouce sur mon visage comme il l’a fait tant deux fois, il essuie les larmes aux coins de mes yeux.

« Tu n’as rien à te faire pardonner mon amour, c’était mon destin… »

Son visage s’approche du mien, je ferme les yeux et je sens ses lèvres se poser sur les miennes pendant que je noue mes bras autour de sa nuque.

Je me réveille, l’aube naît, je suis seule, mais le rêve était si réel que j’ai encore le contact des lèvres sur les miennes. Je me lève, en passant le pas de la porte mon pied nu heurte un doux objet. Je me penche pour le ramasser, c’est une fleur blanche…

Les jours qui suivent, j’ai sans arrêt la sensation de la présence de Creenshaw. Où que j’aille, il m’accompagne. Parfois je crois sentir le frôlement de sa main ou son souffle dans mon cou. Il m’arrive même de l’entendre murmurer. Est ce que je deviens folle ?

Un soir, alors que je regarde le crépuscule sur les lacs, sa présence est particulièrement forte. Je me déshabille, je m’avance dans l’eau et me laisse flotter sur le dos. Je ralentis ma respiration, vide mon esprit et me laisse couler. Alors je tends mon esprit vers Creenshaw. Son âme est bien là, la mort de son corps ne l’a pas anéantie et elle n’a pas rejoint le feu originel d’Atys. Pourtant je ne peux rentrer en contact avec elle, elle est comme endormie et semble s’être refermée sur elle-même. Je m’enfonce toujours plus profond dans l’eau et tente encore de toucher l’âme de Creenshaw mais n’y arrive pas. Mon pied heurte le fond, alors comme à regret je remonte, ma tête sort de l’eau et j’aspire goulûment de l’air.

Epuisée, je regagne le rivage et m’affale sur la plage. Je m’allonge sur le dos et je souris pour la première fois depuis longtemps. Quelque chose de Creenshaw est encore vivant…

Re: [BG Creenshaw : 2ème Partie] Né et Mort dans la douleur

Posted: Wed Aug 17, 2005 11:21 am
by snark
Le temps a continué de s’écouler paisiblement dans les Lacs. J’ai presque fini le récit de la vie de Creenshaw. J’ai eu bien du mal à rédiger la fin, mais même si ma douleur est aussi forte qu’au premier jour, je me sens plus apaisée et plus sereine quand je l’évoque.

La solitude ne me pèse pas. Je ne vois que de temps en temps le Corsaire qui vient me ravitailler et cela me suffit. Je préfère rester avec Creenshaw et mes souvenirs et puis je ne suis pas seule. L’enfant que je porte en moi est devenu mon confident de tous les moments.

Mon ventre et mes seins sont devenus bien lourds. Je ne devrais pas tarder à accoucher. Je me déplace difficilement, alors je passe de longs moments à me baigner. Dans l’eau mon corps est plus léger, je me laisse flotter, mon regard se perdant dans le ciel…
______

Je me suis levée tôt : c’est encore l’aube. A peine je fais quelques pas, qu’un liquide chaud inonde mes jambes. Je souris, notre enfant va bientôt naître. Un peu anxieuse, je fais quelques pas le long de la plage, une violente contraction me courbe en deux et me coupe la respiration. Je la laisse passer et m’allonge sur la sciure. Un temps assez long se passe avant que ne survienne une deuxième. J’essaie de respirer lentement, de ne pas me laisser me déborder par la douleur.

J’aimerais tant que Creenshaw soit à mes côtés. D’une certaine manière, il l’est et toute mon âme est dirigée vers lui. Peut-être que ce qui subsiste de la sienne entendra le premier cri de notre enfant…

Je me suis mise nue et me suis accroupie dans l’eau. Les contractions sont régulières. Quand l’une d’elles survient, j’inspire un grand coup, je bloque ma respiration et je pousse. J’ai perdu la notion du temps. Quand la douleur est trop forte, je crie un grand coup. Tout d’un coup j’ai l’impression que mon ventre a éclaté. Je regarde entre mes jambes et je vois sa tête sortir. Je souris entre mes larmes et bientôt son corps est entièrement sorti de mon ventre. Je sors notre enfant de l’eau. C’est une petite fille. Je m’allonge sur la plage et la prends sur mon ventre et elle pousse son premier cri sur moi.

« Ma puce… »

Je suis épuisée, mais je trouve la force de laver et de couper le cordon qui la relie encore à moi. Je rentre dans ma cabane, la sèche et je m’enveloppe avec elle dans ma couverture. Elle cherche mon sein et se mets à téter. Cette fois, je pleure des larmes de je joie. Je la caresse, lui parle. Elle s’endort, je me mets à somnoler, puis elle se réveille de nouveau et cherche mon sein. On doit être l’après-midi d’après le soleil. Je la détaille avec attention, elle a les cheveux noirs comme son père, ils sont très drus. Ses yeux me paraissent mauves comme les miens, elle a tout d’un bébé tryker même si je la trouve un peu grande. Je sais comment je vais l’appeler : Gally, comme la mère de Creenshaw…
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Sept jours ont passé. Jours d’intense émotion où je vis en symbiose avec ma fille. Pas un instant, elle ne me quitte, lorsque je vais faire quelques pas, je la transporte sur mon ventre dans un tissu noué autour d’elle et de moi. Je ne me lasse pas de la regarder, de la caresser, de la sentir.

Je sais que je ne vais pas rester ici indéfiniment. Notre fille est née, pour elle j’ai surmonté le deuil de Creenshaw, il va me falloir reprendre le cours de ma vie et quitter ma cabane. Assise sur la plage, ma fille contre moi qui s’endort en tétant, je regarde les étoiles et je me sens heureuse. Bientôt je reviendrais à Pyr