Le manuscrit sur la porte...

[fredeken]

La scène se passe à Pyr. La lumière légère du matin qui nimbe les murs de Pyr d'un halo poussièreux laisse entrevoir la future chaleur accablante du milieu de journée. Les rues sont quasi désertes hormis la présence d'un Tryker à l'air facétieux qui se promène sans but apparent, en quête sans doute d'une bonne rigolade.

Alors qu'il passe non loin de la Confrérie du Grand Dragon, il entend sa porte principale grincer et voit un Fyros portant l'insigne de la confrérie qui en sort, visiblement absorbé dans ses pensées, si bien qu'il ne le remarque pas. Il se dit que la situation est trop belle et qu'il pourra sans doute poser une peau de fruit de shooki sous les pas du distrait pour le faire chuter et il décide donc de le suivre à quelques pas.

C'est alors qu'il remarque un parchemin roulé sortant de la poche de la robe de mage du Fyros, et semblant à deux doigts d'en tomber. Précisément, peu de temps après, il tombe et s'échoue dans la sciure sans bruit. Le Tryker s'en empare laissant le Fyros s'en aller avec ses pensées, puis le déroule et le lit sans bruit avec un sourire grandissant sur le visage. Il retourne alors sur ses pas et, finalement avec un petit air moqueur, placarde le manuscrit sur la petite porte annexe de la confrérie, si bien que les passants matinaux purent lire ce jour-là un texte inachevé qui ne leur était certainement pas destiné :

Certains connaissent de moi un visage austère
Mais l'exode en mon coeur, l'émotion a fait taire
Pourtant je te vis, et cette journée si belle
Dans ma mémoire forgea une marque éternelle

Qu'un frère subisse les assauts d'un vil cute
Pas une fois ton esprit n'est frappé par le doute
Au mépris du danger, preste tu le relèves
Donnant, généreuse, sans compter de ta sève

Ta belle noblesse, ta grâce m'ont touché
Ta lumière en mes yeux par toi dessillés
Déverse en mon âme une chaleur apaisante
Et soudain ! Que la vie me semble bienveillante

Las, je pourrai tout braver jusqu'à l'anathème
Pour un jour te dire face au monde que je ....

[fredeken]

Le lendemain, la rue est cette fois déserte quand le même Fyros repasse devant la confrérie. Il est arrêté à la vue de son manuscrit perdu, mais ne semble agité d'aucune émotion à l'idée que cet écrit manifestement personnel ait été exhibé ainsi à la vue de tous par quelque coup du sort. Il tend la main et décroche lentement la feuille de son emplacement incongru.

Un demi-sourire à la fois tendre et désabusé semble passer sur son visage, comme une brume légère rapidement dissipée par la pluie, alors qu'il relit ses mots. Puis toujours avec lenteur, il se met à déchirer mécaniquement son texte jusqu'à ce qu'il ne forme plus qu'un petit tas dans sa main.

Il lève alors la main en l'air et libère les morceaux tels une offrande au vent tourbillonnant qui soulève la poussière dans la ruelle. Et il reste ainsi longtemps après que le vent ait pris le dernier....

[kiwix]

- Qui est-elle ?

Voilà l'unique question que je me posais depuis la vieille. Je ne pouvais attendre, il fallait que je relise le manuscrit qui était accroché sur une des portes annexe de la confrérie.

Rien, il n'y avait plus rien. Je ne comprenais pas pourquoi le manuscrit avait été affiché et à qui il était adressé. Avec un sentiment d'incompréhension je rejoins la porte principale de la confrérie, me dirigea vers la grande bibliothèque et continua mes travaux en cours.

[fredeken]

...Encore un peu plus tard, la luminosité décline avec le soir approchant. Assis seul dans son bureau de la confrérie, le Fyros cherche visiblement l'oubli en se plongeant dans son travail, mais ses efforts semblent vains comme le prouve son regard distant, perdu dans le vide.

Une bourrasque de vent du désert, plus forte que les précédentes, pousse le battant de sa fenêtre. La première surprise passée, il remarque un objet qui vient d'entrer en voletant et qui est en train d'achever sa course au dessus de lui. Haussant un sourcil, il attrape au vol ce qui est manifestement un petit morceau de parchemin, le scrute de chaque côté, et ses yeux s'agrandissent tandis qu'il lit ces bribes : "...usqu'à l'anathème", "...n jour te dire face au monde que je..."

Qui sait ce qu'il a pu penser alors ? Peut-être cela lui apparaît-il comme un présage ? Un signe du destin ? Nul à part lui ne le saura jamais. Cependant son regard s'éclaire enfin d'un chaud sourire, ressemblant fort à ce mot dont ses proches savent qu'il compte tant dans sa vie : "espoir !".

[fredeken]

Plusieurs semaines ont passé. A l'heure où le gingo fait entendre son cri juché sur sa dune, à l'heure où l'ombre des astres teinte en bleu la sciure au pied des shookis, il s'éveille soudainement d'un sommeil troublé.

Il paraît tiraillé entre une joie nouvelle pour lui, et la crainte que tout cela ne soit qu'un songe. Ca s'est peut-être passé la veille, avant que la torpeur ne le prenne, mais, même s'il veut le croire, il n'ose se l'assurer à lui-même. La perspective d'une déception le glace.

Il essaie de revivre ces instants car ils l'animent d'une fragile et chancelante lueur qui chasse les ombres qui l'habitent. Ca doit être ce qui s'approche le plus de la félicité si une telle chose peut exister pour lui. Cependant, même le vivant souvenir de ce doux sentiment reste brouillé par un voile de mélancolie. Ce voile dont elle seule peut le libérer. Et pourtant s'il n'a pas rêvé, alors peut-être...