Je me nomme Ho-Cha Win-Cho.
40 lunes d’hiver ont ridé les paumes de mes mains.
Ce matin le dard d’un kirosta a perforé les chairs de ma jambe.
Depuis son poison se répand lentement dans mes veines, le disputant aux drogues que regorgent mon corps.
Mon cœur bat anormalement vite, ma tête est embrumée, ma gorge est sèche et je me déshydrate sous mon armure de gardien zoraï.
Maintenant je lève mon épée Ma-Ka pour saluer le soleil, comme mes compagnons le font en cet instant.
Eux aussi sont empoisonnés. Eux aussi revendiquent le titre de «*Danseur de guerre.*»
Nul soin pour nous tant que le rituel n’est pas fini.
Il ne reste qu’à accomplir le «*Har-Ka des protecteurs*», une parade martiale qui achève notre temps de formation.
Il faut tenir jusqu’à son terme.
Tenir deux jours et une nuit.
Tenir…
Tenir…
LE SALUT.
Ainsi ordonne la voix du «*Tonneur*» aux danseurs de guerre de Ma-Duk :
«*Haï Go Tchok*! »
«*Nous avançons notre jambe gauche de biais*»
… Sbraaammm !
«*Hin Go Tchok !*»
«*Nous avançons de quart et nous frappons le sol d’un pas lourd*»
… SbRRRRrrAAAmm !
… «*Hencheï Tchok !*»
«*Nos bras s’élancent, nos épée dardent le vide, nos jambes droites se joignent à nos jambes gauches, nos têtes obliquent de droite, nos boucliers se saluent*»
… SBRAAAAMMM !!!
Au milieu de la poussière en volutes, des ombres se figent.
«*Hé Gaï Tchok !*»
Cent clameurs répondent à l’appel !
«*HA- TAAA- HUUU !!!*»
Cent boucliers sont martelés !
BLAM ! BLAM ! BLAM !
«*Haï Go Tchok !*»
Encore. Le deuxième mouvement maintenant.
La voix grondante du «*Tonneur de l’orage*» ordonne aux danseurs de guerre :
«*J’avance ma jambe droite de biais*»
Tous… Tous les guerriers Zoraïs exécutent d’un même ensemble le deuxième temps du «*Har-ka*».
… Sbraaammm !
«*Hin Go Tchok* !*»
«*Nous avançons de quart et nous frappons le sol d’un pas lourd*»
… SbRRRRrrAAAmm !
«*Hencheï Tchok*»
*«*Les crocs du dragon*», nos lames se croisent et s’entrechoquent parant au visage.
Les douleurs à ma jambe recommencent à m’élancer. La drogue perd de son intensité. La blessure sort de son coma léthargique et moi de mon abrutissement cathartique…
«*La frappe des farouches*», nous nous élançons dans les airs un rang sur deux, nous tourbillonnons et nos épées fauchent l’air à quelques centimètres au-dessus des têtes de nos compagnons qui amorcent leur prochaine figure.
L’impulsion m’a fait l’impression qu’on m’arrachait un lambeau de chair à vif. L’armure de notre garde est si lourde en cet instant. Une seule de mes jambes s’efforce de tenir le rythme de notre danse de guerre.
«*Le baiser de la foudre.*» Un sur deux nous retombons au sol alors qu’à leur tour l’autre moitié des hommes d’armes s’envolent. Leur lance courte éventre par trois fois le vide juste au dessus de nos épaules alors que nous nous feintons de corps, les jambes écartées, nos cuisses s’arc-boutant.
Les muscles tendus empoignent les nerfs reliés à ma jambe et les vrillent brutalement. Je redoutais le moment de ma retombée au sol, en fait c’est le pas chassé qui m’arrache un grognement de douleur.
«*Hunng !*»
Le tonneur me lance un regard froid, incisif. Il n’a qu’un mot à dire pour que cesse mon calvaire. Mon cri de douleur lui a déplut, il ne me lâche pas, il ne me lâchera plus. Il attend que je vacille, que je m’effondre dans les volutes de poussière que nos pas soulèvent.
«*Sers les dents Ho-Cha…*», Hecate-Na-Swin gronde un murmure à mon attention. Je suis le plus ancien de la troupe, elle est la plus jeune. Pour la prochaine passe d’armes, c’est elle ma partenaire. Elle frappera fort, je lui ai demandé de ne pas retenir ses coups, à elle comme aux autres : elle est le martel de l’orage, je suis l’arbre noble et fier de la jungle dressé contre la virulence de l’intempérie… et Hecate est une furie…
Nos boucliers se saluent.
BLAAAAAMMM !!!
«*Haïga Cho !*»
«*MI-TA-HUUUUUU !!!*»
Les piques de guerre déchirent l’air et fracassent leur lame contre les pavois de racines et d’écorces entremêlées. Tout mon corps tremble sous la violence des impacts. Hécate frappe, frappe, frappe… sa pique n’est plus, elle manie une masse lourde chargée d’électricité tellurique.
Je m’arc-boute , j’ai un temps pour récupérer ma respiration. Les apprentis danseurs de guerre maniant leur masse tournent et virevoltent autour des porteurs de pavois sans les toucher. Impassibles… non, tous les apprentis défenseurs ont souffert et beaucoup accusent le coup la tête dodelinante d’épuisement…
Hécate feule. Elle est belle cette jeune zoraï dont la peau bleutée est effleurée de la myriade de perles de sueur qui nimbent la guerrière d’un habit de lumière.
Si fine, si vive, si gracile…
...Trop fine pourrait-on dire la voyant se courber pour soulever cette masse lourde...
...Trop vive pour moi, je sais qu’elle ne m’a pas porté une estoc peut-être deux même de sa pique lorsque ma garde était ouverte...
...Trop gracile… mes yeux se troublent par la fatigue accumulée, elle est un roseau dans mon champs de vision qui bouge au rythme d’un vent déchaîné, je n’arrive pas à la suivre…
Elle a empoigné sa masse de guerre à deux mains, à l’instar de tous les danseurs de guerre.
Le dernier assaut verra le genou ployé des défenseurs ou la masse brisée de leurs assaillants sur leur bouclier écorché.
… J’ouvre grand mes bras et j’embrasse l’air offrant ma poitrine à l’attaque de ma partenaire…
Alors… Mon rugissement du soldat Kincher la cueille, je l’ai immité à la perfection je le sens à travers tout mon corps ! Le hurlement de la bête la plus meurtrière d’Atys dans ma gorge déployée, un cri où sonne le glas de l’enfer !!! Mes connaissances de «*vieillard*» face à la fougue de la jeunesse…
Le roseau vacille de frayeur.
Hécate a hésité et emporté par sa masse son pied d’appui se dérobe sous elle.
Mon bouclier s’interpose devant son visage couché au sol. Le souffle court elle soulève une fine pellicule de poussière de terre battue dans un hoquet mêlé de stupeur et de douleur.
Elle a perdu son droit de devenir danseuse de guerre. Je deviens le premier défenseur du temple.
… Elle sourit lorsque je la relève, son regard trahissant un respect le disputant à une fierté malmenée.
Je crois qu’elle m’a laissé gagné. Elle ne me le dira jamais.
Ma performance est saluée.
«*Ma-Duk, je m’en remets à toi, ma vie pour servir Atys et tes oeuvres*»
Une vie, celle d’un zoraï parmi les siens, dans le secret des jungles mystérieuses de la planète végétale :
Atys.
(il s’agissait du dernier texte que je voulais envoyer sur Ryzom, je ne l’ai pas achevé, l’histoire de Ryzom perdurant dans nos cœurs et dans nos souvenirs, cela sonne bien… Salut à vous les résistants)
La parade Zoraï
Moderator: Chroniques d'Atys
La parade Zoraï
Last edited by shantag on Wed Dec 12, 2007 10:38 pm, edited 1 time in total.
Re: La parade Zoraï
hrp// merci pour tous les textes qui nous ont fait vibrer, pleurer et sourire merci //hrp
Re: La parade Zoraï
[HRP]
Un grand bravo pour ton texte Shantag ! Aussi beau que les précédents, avec celui-ci les Zoraï ne m'en paraissent que plus grands ! Grand merci
Un grand bravo pour ton texte Shantag ! Aussi beau que les précédents, avec celui-ci les Zoraï ne m'en paraissent que plus grands ! Grand merci
Re: La parade Zoraï
hrp/ Mille fois bravo pour ce magnifique texte et pour les autres . Dommage de perdre un narrateur comme toi ! Merci encore /hrp
Tomelin
Appât à Slucer des Lames d'Aeden
"Je n'existe pas parce que je clique, j'existe parce que je réfléchis." (Lao-Tseu, VIè siècle av. JC)
Appât à Slucer des Lames d'Aeden
"Je n'existe pas parce que je clique, j'existe parce que je réfléchis." (Lao-Tseu, VIè siècle av. JC)
Re: La parade Zoraï
hrp/ idem gros merci msieur shantag, ouvrir un topic posté par shantag c'est comme ouvrir un paquet cadeau, on est tout febrile en se demandant les merveilles qu'on va y trouver /hrp
Trixie officier des seigneurs de l'aube