Le voyage d'une vieille zoraï

Moderator: Chroniques d'Atys

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kryssie
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Le voyage d'une vieille zoraï

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Cela faisait bien des années qu'Alia Akaba, l'Ancienne, vadrouillait sur Atys.
Après le Grand Essaim, l'implantation du clan dans un village de fortune, et enfin sa dispersion lors de la découverte des Nouvelles Terres, la vieille zoraï avait préféré la solitude. Elle avait parcouru le Vide en long et en large, piochant et recueillant des ressources, confectionnant des poisons et leur remède, elle avait médité aux Chutes avec toutes sortes d'homins et avait été parfois un guide dans la conduite de leur destin. Mais toujours elle s'en était retournée, seule, loin des bruits de guerre, à l'abri dans sa grotte.

Mais depuis qu'elle avait fait ce pèlerinage dans les lacs en mémoire de Chrys, elle ne cessait de rencontrer des homins. Une escorte conséquente l'avait raccompagnée dans son pays. Konshu le jeune fyros ne l'avait pas quittée d'une semelle pendant le voyage, et Melowen avait dirigé fièrement la troupe. La traversée avait été sans histoires grâce à la vaillance de tous ceux qui étaient là.

Akaba avait dit adieu aux lacs et aux Primes : à présent elle ne quitterait plus la jungle. En arrivant au Bosquet de l'Ombre, elle embrassa la terre de son peuple recouverte de neige, et son coeur fut rempli de joie.

En arrivant à Min-Cho, elle fit signe au Capitaine des Libres de s'arrêter aux Chutes Mystiques. Voulant remercier la petite troupe, n'ayant ni biens ni argent, elle leur proposa tout ce qui lui restait : dire un conte de sa tribu, gravé dans sa mémoire depuis son enfance et qui avait bercé bien des fils Haïkim.
Dans les profondeurs de la jungle, en un temps reculé où nous tous n'étions pas encore nés, vivait une meute de fiers ragus. Ils sillonnaient les Anciennes Terres chaque jour à l'affût d'une nouvelle proie. Un jour naquit parmi eux Ra'kan, et ce ragus ne ressemblait à aucun autre. Ra'kan était vif, alerte, rapide, et il n'avait pas son pareil pour suivre une piste. Mais Ra'kan ne faisait pas la fierté de la meute. Non, car il détestait le moment de la mise à mort. Ce qu'il détestait par-dessus tout, c'était la chasse à l'homin. Chez les ragus, la chair de l'homin est un met de choix. La chair homine leur est tendre et délicieuse, et c'est un honneur de pouvoir y goûter.

Ra'kan, la première fois qu'il y planta ses crocs, fut pris d'un dégout indicible. Il se jura de ne plus jamais y toucher. La meute, petit à petit, le considéra comme un paria. Ils le laissaient trottiner à bonne distance, mais non participer aux fêtes du bodoc, ils l'empêchaient de toucher aux femelles, et ne manquaient jamais de le mordre jusqu'au sang pour la moindre querelle. Ra'kan n'était pas digne d'être un carnivore.

Un jour, il décida de continuer sa route seul. La distance qui le séparait de la meute s'allongeait toujours plus, mais personne ne vint le chercher. Ra'kan était devenu un ragus solitaire. Il lui devint de plus en plus difficile de trouver sa pitance, et quand l'hiver arriva, Ra'kan menait son échine décharnée de par la jungle et hurlait à la faim. C'est ainsi qu'il tomba sur un capryni plus fort que lui. Les sabots de l'herbivore le piétinèrent.

Tandis que Ra'kan perdait conscience, il aperçut les jambes d'un homin qui s'avançait vers lui. C'est la fin, pensa-t-il, l'homin vient m'achever. Triste mort pour un ragus. Et ses yeux se fermèrent.

Mais la fin n'était pas encore venue. L'homin l'avait soigné, bandé, et veillait sur lui. Les flammes d'un feu de camp éclairaient son masque tatoué de vives couleurs. Ra'kan ne pouvait bouger. Mais il sentit bientôt qu'il était intile de fuir, car l'homin à la peau bleue ne lui voulait aucun mal.

Ra'kan se prit d'amitié pour l'homin, car il avait compris en son coeur qu'il ne toucherait jamais à l'un de ses cheveux. Les deux compaires suivirent leur route. L'homin était lui aussi un chasseur solitaire, et il profitait des grandes qualités de Ra'kan pour pister les meilleures bêtes. Ils ne se quittèrent plus.

Mais entendez quelle fut leur fin, car Ma-Duk leur réservait un curieux destin. Un beau soir de printemps, Ra'kan fut troublé lorsqu'il huma l'air environnant. Quelque chose lui rappelait son passé. Il renifla des traces, et bientôt, il n'eut plus de doute : la meute était là, toute proche, son ancienne famille. Mais les traces lui disaient aussi que la meute était là pour les tuer. La meute les guettait, Ra'kan et l'homin étaient leur prochaine proie.

Le silence était lourd en ce soir de printemps. Ra'kan réveilla l'homin d'un coup de langue, et les deux se tinrent sur le qui-vive. Bientôt, dans la nuit, on vit briller les prunelles des ragus tout autour du feu de camp, encore à bonne distance. Mais ils étaient encerclés sans espoir de s'enfuir.

Ra'kan les voyait tous, ses anciens compagnons, et plus imposant que les autres, le chef de la meute. Alors son coeur se déchira. Il leur dit dans sa langue rugueuse qu'il ne porterait pas les crocs sur ses frères, même traîtres, mêmes lâches. Il ne porterait pas non plus les crocs sur l'homin qui lui avait sauvé jadis la vie. Renoncez, mes frères, et partez loin d'ici. Seul un hurlement lui répondit. Au matin, l'homin et le ragus gisaient tous deux sur le sol détrempé de la jungle, unis par le sort jusque dans la mort...

Car il est dit chez nous : "Plutôt mourir sacrifié dans l'honneur que renier sa foi."
Lorsqu'elle eut terminé, elle sentit l'émotion qui gagnait les homins assis près d'elle. Puis tout alla très vite. Tandis que le jeune tryker Amatsu à l'oeil unique restait planté sous la chute, gelé de froid, ne voulant pas sortir et se faisant houspiller par ses compagnons, Melowen, l'air absente, entra dans une transe cataleptique. La trykette poussa un cri et tomba inanimée sur le blanc manteau de la jungle. Ne pouvant s'occuper de tout, Akaba se tourna vers elle et commença à la soigner. Le visage de ses amis prenait la teinte de l'inquiétude.

Alayah, le pouvoir du passé!

La petite venait sans doute de revivre quelque expérience qu'elle avait eue ici même. Il était impossible de la réveiller pour le moment. Son pouls était faible, son souffle imperceptible. Akaba brûla quelques herbes odorantes pour la calmer, entonna quelques incantations, puis pris rapidement sa décision. Il fallait l'emmener au temple. On la transporta jusqu'à Min-Cho, puis on prévint Zora. La trykette serait pour l'instant hors de danger. Les prêtres de Zora sauraient mieux qu'elle que faire pour la petite.

Alia Akaba sentait tout autour d'elle les maléfiques influences de la douleur et de la tristesse. Le damné, même absent, continuait de répandre confusion et horreur sur les homins qu'il avait cotoyé. Oui, elle le savait, l'effroyable Leto, dont toute trace avait disparu d'Atys, n'était pas étranger à tout cela. Se disant, elle prit le chemin de Zora qu'elle devait rejoindre à pied. Le chemin était encore long vers le repos...

[HRP] Le texte du conte n'est pas à la ligne près celui qui fut dit IG car j'ai omis de faire /chatlog, mais il correspond quasi parfaitement. [HRP]

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Aila-Shi, petite-fille d'Alia Akaba
Feu Chrys O'Dravan
Last edited by kryssie on Sat Mar 24, 2007 4:12 pm, edited 1 time in total.
kryssie
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Re: Le voyage d'une vieille zoraï

Post by kryssie »

Zora... Où il suffit de se baisser pour ramasser l'ambre dorée. La capitale se dressait devant Alia, au terme de plusieurs heures de marche. Mais elle n’était pas venue pour visiter. Elle fila droit au temple, de son pas tranquille, car la vieillesse sait à quelle vitesse marche le temps.

J’arrive, enfin. L’atmosphère du petit temple kami était paisible. Quelques adeptes priaient devant le Maître, et Alia s’inclina à son tour. A ses pieds, emmitouflée dans des couvertures, dormait de son étrange sommeil la fille des lacs aux cheveux roux. Tiens bon, petite, il n’est pas venu le jour où Alia verra mourir ce petit fruit. La trykette toussait dans son sommeil agité, et ses lèvres bougeaient imperceptiblement.

Le plus urgent était de soigner le mal physique : elle était transie. Akaba se mit à lui frictionner vigoureusement la poitrine, tout en lui parlant, comme elle l’aurait fait à un enfant. Voyant que son visage reprenait de la couleur, elle commença à mélanger des herbes, des écorces et des lamelles de champignons dans un bol où elle versa de l’eau chaude. Le breuvage devait être salutaire. Mais, en ouvrant la chemise de Melowen pour que la petite respire mieux, elle aperçut, parmi d’autres colliers, un pendentif en cuir tanné. Le talisman était de la main même d’Akaba. Comment était-il arrivé là ? Mystère. Sans doute Aila, sa petite fille désormais Libre Frontalière, en avait-elle fait cadeau à son capitaine.

Par Ma-Duk ! Ce pendentif est complètement inutile ! Il lui manque quelque chose.

Akaba, tremblant légèrement, coupa avec soin une mèche de la tignasse rousse de Melowen. Elle avait confectionné des dizaines de ces pendentifs. Bénis par la prière kamie, ils protègent leur porteur de toute influence maléfique. Mais sans la mèche de cheveux de son propriétaire, ils n’étaient que de simples colifichets valant à peine quelques dappers. Alia ajusta la mèche, puis dit une prière. Une lueur bleue éclaira le cuir et disparut. Alia remit le pendentif au cou de la trykette, et sa respiration se fit moins oppressante. Elle lui fit boire quelques gorgées du breuvage préparé. Un remontant efficace, qu’elle utilisait souvent lors d’expéditions hivernales.

Mais la petite dormait toujours. Alia ne parvenait pas à entendre ce qu’elle murmurait. Seuls quelques noms s’échappaient de ses lèvres, reconnaissables: Chrys, Creenshaw, Psychee, Leto… Il fallait la sortir de ce passé qui la tenait enfermée avec elle-même.

Dans le silence du temple, Alia se grattait la tête, fouillant sa mémoire. Oui, elle avait connu Chrys, et celle-ci lui avait raconté sa propre aventure au temple, et la façon dont elle avait été éveillée par le chant d’une fleur rouge. Alia n’avait jamais rencontré les autres homins de cette histoire. Mais la voix enfantine de Chrys restait à jamais gravée dans ses souvenirs. Alors, elle tenta l’expérience. Contrefaisant la voix de Chrys, elle murmura à l’oreille de la petite.

Melowen, souviens-toi du Cœur-Qui-Parle, car dans ton cœur, il n’a cessé de chanter. En cet endroit j’ai été réveillée par un doux chant, en cet endroit toi aussi tu t’éveilleras. Souviens-toi de cette mélodie que nous fredonnions lorsque nous nous promenions au bord des lacs. Rejoins-moi, car nous devons encore rire ensemble.

Et la vieille zoraï de chantonner de sa voix grelottante, mimant les accents trykers et le sourire de ces timbres. Et Melowen, elle aussi, chanta. Elles parlèrent longtemps dans le temple des kamis.

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Aila-Shi, petite-fille d'Alia Akaba
Feu Chrys O'Dravan
Last edited by kryssie on Mon Mar 26, 2007 1:09 pm, edited 1 time in total.
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