Au détour du chemin...

Moderator: Chroniques d'Atys

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shantag
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Au détour du chemin...

Post by shantag »

Il est de beau matin qui commence quand les rayons de l’aurore se baignent à la surface du bassin d’eau dans lequel nous nous ébattions la veille.
Les rampes de lumière solaire se font de silencieuses frégates dont la proue ricoche sur les vaguelettes mues par la trombe d’une cascade cristalline.
Ces lieux pulsent de vie, à croire que l’on entend battre le cœur de notre mère Atys quand, allongé sur notre couche d’herbe moelleuse nous entendons le doux grondement des profondeurs…

Je l’admire. Elle le faisait bien avant moi…
Mon épouse me couve du regard chaud de l’ambre qui repousse le frimas d’une rosée perlée. L’énigme, dans ses yeux, alors posée : « Est-ce Elle qui me regarde, Eleanide, mystérieuse homine… ou bien est-ce Atys qui, au travers de chacune de nos aimées, nous envoûte et nous confond avec la perception que notre planète vit en toute chose ? Et si le regard de celles qui nous aiment était le reflet de l’âme de notre mère planète… »

Je l’enlace et la serre un instant contre moi. Je lui fais le don d’une chaleur persistante des flammeroles couvées sous les braises encore ardente du feu de notre amour nocturne.

L’heure plus clémente, nous nous vêtîmes d’habits légers et nous nous élancions plus loin dans les méandres du labyrinthe des lutins.
Ici, la nature est des plus sauvages. L’écosystème n’est pas altéré par la présence de peuplade homine sédentaire. C’est la contrée des grands fauves et, paradoxalement, le havre de paix des grands herbivores. C’est un lieu unique tant la diversité des espèces y est riche.

Des rires ! Des chansons poussées par le vent, dont les aiguës sont montées en trille et les basses sont de multiples gammes de gazouillis, viennent à nous au détour d’une racine colossale. Chants et conversations rieuses se mêlent dans un rythme harmonique caractéristique d’un peuple facétieux et joyeux…
Les trykers déboulèrent devant nous comme une vague déferlante et se répandirent tout autour de nous. Ils nous contournèrent vivement sans ralentir leur allure et des salutations fusèrent de toute part…

« Enchanté ! Bonjour ! Salut les amoureux ! Salut les blanchâtres ! Shen… toujours aussi famélique ? *rires* Salut ! Salut ! *petite chansonnette au refrain taquin sur les matis lancé par trois trykers* Bonne route ! Eleanide si tu veux un homin musclé fais moi signe ! *rires*Au revoir ! A bientôt ! Bonne « pérénigrance » comme on dit par chez vous ! « Ha ? Ca se dit pas »… Attention aux cuttlers ! « Comment ça y en reste plus on a tout saccagé… nan y avait encore un p’tit… Ce qui reste un vrai challenge pour un matis ! » A bientôt… »

… 35 secondes, et la troupe braillarde disparut par le corridor qu’avait emprunté peu avant le couple.

Eleanide souriait et avait eu le temps de convenir d’une prochaine rencontre avec un des artisans qui composait la troupe des trykers, de réfuter les avances de deux d’entre eux, de donner des nouvelles succinctes de son amie Tregian…
Shen avait cette mine hébétée de celui pour qui tout était allé trop vite et il était resté à « salut les blanchâtres » avant que le flot de paroles n’emportent sa raison.

« De la supériorité des homines sur les homins pour le bavardage » (et toc :p ).

L’humeur joyeuse de son épouse sortit Shen de sa catatonie…
« Je ne savais pas que l’école maternelle avait autorisation de s’aventurer par ici… »
« Shen ! Voyons… »

Complices, main dans la main ils trouvèrent un tumulus accueillant pour se reposer un instant. Quelques mets préparés le jour de leur départ sustentèrent leur fringale de voyageur.
La dernière rasade d’eau mêlée d’arôme de fleur au parfum capiteux, une décoction désaltérante inventée par l’alchimiste, et ils furent prêt à repartir…

Soudain un frisson courut tout le long de leur échine.
L’écho d’un hurlement mêlé de souffrance et de rage bâillonna tout le petit peuple animalier.
Un homin était en danger et ses secondes comptées.

Les matis s’élancèrent dans le chemin tortueux d’où survint un second râle dont les notes sinistres étaient glaçantes. Si l’une était poussée par l’instinct d’aide à son prochain, l’autre passait sa priorité sur la préservation de sa moitié qui courrait au devant d’une forme inconnue de danger… l’homin à secourir était secondaire.

Dévalant une petite pente, ils surplombaient une sorte de clairière dégagée où seules quelques herbes folâtres donnaient une touche de couleur qui dénotait avec l’ocre terne de la terre battue.

Le spectacle était fantastique… Eleanide eu un temps d’arrêt, une fraction de seconde suffisante pour que Shen lui rattrape la main et l’interdise de poursuivre plus avant.

La corne du torbak avait éventré la chair d’un Fyros qui retenait de ses bras musculeux le reste de la gueule du fauve empêchant celle-ci de pousser son aiguillon mortel plus loin. L’animal fouaillait les entrailles pour chercher d’instinct le cœur. Le hurlement d’agonie du fyros vint transpercer l’âme des deux Matis. Eleanide voulut dégager sa main de son époux qui semblait se « délecter » de la scène. Jamais son aversion pour le peuple du désert ne serait éteinte. Il resserra plus fort son étreinte.

Le torbak donna des coups de butoir s’étant arc-bouté sur ses puissantes pattes arrière : il avait fini de jouer avec sa proie, il voulait maintenant la dévorer, sa faim lui conférant un surcroît de force.

« Shen ! lache moi ! Je dois l’aider ! »

« Qui ? Le torbak ? » Il eut un sourire qu’elle détestait voir sur son visage. Il suffisait qu’il fasse usage de ses puissants sortilèges comme le serpent de jade pour que cesse le calvaire du fyros, mais elle sût qu’il n’en ferait rien.

Il avait compris ce qui se tramait en voyant ce qu’elle ne voyait pas.
« C’est un rite initiatique Eleanide. » Il lâcha ces mots au moment où le fyros repoussa la lourde tête ensanglantée de la bête sur le côté. La bête heurta la terre et souffla en mugissant au milieu de la poussière soulevée.

« Que ma vie afflue à travers mes veines ». Les blessures du guerrier se résorbèrent alors qu’il avait invoqué un pouvoir ancestral accordé à chaque homin né. Le pouvoir de la régénérescence des chairs.

Le torbak gratta le sol de sa patte lourde. Il allait charger à nouveau.

Shen pointa du doigt une direction. « Regarde Eleanide ».
Plus en contrebas trois fyros, dont les armures couleur de sciure les camouflait dans l’ocre ambiant, observaient leur quatrième « frère » qui combattait la puissante bête.
Dans son aveuglement à porter secours, elle ne les avait pas remarqué.
Shen senti la tension se faire moindre dans la main de son aimée.

« Que le vent du désert se répande en moi ». Tous les mouvements du fyros furent décuplés, tant et si bien qu’il esquiva la charge d’estoc du gros animal. Il passa sur les flancs du prédateur. Une lance courbe chut à ses pieds. Un des « observateurs » avait jeté une arme au sol. Le fyros se baissa prestement et empoigna le manche. Le torbak griffa l’air, la hampe de l’arme fut fichée dans ses entrailles par trois reprises.

La carcasse de l’animal s’affala dans une position grotesque. Le dernier coup mortel assené par le fyros avait arraché à la bête un jappement de jeune chiot. Le sinistre tueur n’était plus.

Levant haut au-dessus de lui sa lance, le guerrier eut une clameur de triomphe relayée par ses trois frères d’arme.
Shen entraina Eleanide au loin. L’humeur belliqueuse des fyros chauffée par le combat restreignait les conversations diplomatiques et il n’était pas de meilleur augure que de séjourner en leur présence. Si Eleanide ne risquait rien en raison de leur honneur et de leur intuitivité à déceler chez autrui la bravoure qui animait les bonnes âmes, Shenshantag risquait au contraire de connaître le même sort que le torbak.

Le couple s’en fut, sans bruit.

Et ainsi la journée égrena ses heures en tableaux merveilleux, en rencontres magiques et parfois en scènes tragiques. Chaque lieu donnait à penser, à philosopher, et si le couple avait la discrétion des voyageurs respectueux de la litanie de la nature, ils furent eux-même espionner un bref instant par un homin à la peau bleue. Le zoraï venu se recueillir n’avait point eu à se cacher quand les amoureux empruntèrent un passage vallonné bordé d’un petit lac et de grandes racines luisantes de vert émeraude. L’immobilisme de sa méditation lui conférait l’aspect d’une des nombreuses ombres projetées de parts et d’autres de l’endroit.

Eleanide et Shen Shantag, ne le remarquèrent point, leur ravissement pour tout ce qui est beau s’arrêtant sur les eaux du lac où un soleil crépusculaire dardait ses rayons orangés au cœur des flots. Atys préservait ses sages des aléas des rencontres distrayantes. Toutefois, le grand zoraï eut un sourire bienveillant en pensant à l’amour des êtres.

Ils campèrent bien plus en amont des lieux, et eurent pour seul feu l’ardeur de l’étreinte de leur corps et de leur âme aimante.

Demain serait un autre jour. Atys pourvoirait à leur inextinguible curiosité.

Demain Atys sera.
Last edited by shantag on Thu Dec 21, 2006 3:10 pm, edited 1 time in total.
gauthero
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Re: Au détour du chemin...

Post by gauthero »

[HRP] Merci Shentag pour ce beau récit qui nous transporte sur l'ecorce et nous fait voyager dans un monde qui prend de plus en plus de profondeur... Juste une question, où mon personnage peut-il lire ce texte ? a la bibliothèque d'Yrkanis ? ou nul part c'est juste pour le divertissement du lecteur ? [/HRP]
shantag
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Re: Au détour du chemin...

Post by shantag »

/hrp. Je ne saurais dire. Peut-être un conte narré auprès de l'âtre car l'écrit ne s'y prête pas en tant que tel. C'est surtout pour offrir un point de vue romancé d'un joueur :) /hrp/
monwalker
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Re: Au détour du chemin...

Post by monwalker »

(hrp) magnifique ! (/hrp)
Oscar de l'Ormeray
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beathnic
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Re: Au détour du chemin...

Post by beathnic »

/Hrp Texte très sympat, toujours aussi fan Shen /Hrp
Beathnic

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Que les collines tremblent face à votre Gloire, jeunes guerriers d'Atys, et vous serrez des nôtres."
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dalyko
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Re: Au détour du chemin...

Post by dalyko »


[ HRP: Superbe texte ! Un de mes préférés parmi ceux lus précédemment du même auteur :) ]

Dalyko Fuong-Ji
Aventurière Zoraï
Graines de Kami - Les Cercles Zoraï - Saga of Atys
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suenzi
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Re: Au détour du chemin...

Post by suenzi »

[hrp]Très beau texte, oui, plein de romantisme :) [/hrp]
Amatsu O'Nehly, Vieux tryker borgne des Lacs
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shantag
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Re: Au détour du chemin...

Post by shantag »

(pas le temps d'écrire, donc je fossoie ^^)
S'essayant dans une histoire sans fin Le Cinquième Peuple

Inspiré par ce recueil

Et fan de ce cher JonLajoie
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