[Loello et Ellula] Une vie qui commence

Moderator: Chroniques d'Atys

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malfas
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[Loello et Ellula] Une vie qui commence

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Loello dormait mal, comme toutes les nuits il se tournait et se retournait, en sueur, dans un sommeil agité, peuplé de cauchemars...

- Dis papa, pourquoi on ne voit jamais de Kamis ?

Un masque ébréché se pencha sur le jeune zorai. Involontairement il laissa échapper un petit soupir de lassitude face à cette question, posée au moins une fois par semaine depuis quelques années. Il répondit d’une voix rauque :

- Parce que nous sommes loin de tout, en territoire sauvage. Et, ici, les Kamis sont eux aussi sauvages. On ne les voit pas beaucoup mais ils sont la, ils sont toujours la.

Ils sont toujours la…

Cette phrase résonnait dans l’esprit de Loello, un écho sans fin qui roulait comme le tonnerre, menaçant de faire voler son crâne en éclats. Il se repaissait jusqu'à la douleur de la voix de son père.

D’un seul coup, il fut sur le haut d’une grosse racine, regardant sa sœur faire des passes avec une épée en bois. Elle criait après un Kitin imaginaire, esquivant et parant des mandibules invisibles. Sans la quitter des yeux, Loello gravait doucement un bout de bois sec avec une pointe en os.
Tout autours d’eux s’étendait l’épaisse jungle d’Atys. Des arbres immenses s’élevaient vers la canopée, des lianes épaisses et solides pendaient et servaient à grimper et à descendre de leur perchoir. Partout, on entendait les petits bruits, grattements, cris et sifflements des animaux vivants autours d’eux.
Derrière lui, en contrebas, se trouvait la grande cabane en bois qui servait de foyer à sa famille. Il entendait ses parents discuter en préparant un petit yubo sauvage pour le repas du soir. L’odeur du sang montait jusqu’à lui, très légère.
Si loin de tout, ils se sentaient unis, en sécurité. Pour ce qu’ils en savaient, l’étrange Karavan et les infâmes Kitins, dont parlaient parfois leurs parents, auraient pu vivre sur un autre monde.

Soudain, un petit grattement derrière eux les firent se retourner. Les deux enfants restèrent pétrifiés, leurs yeux rivés sur une petite créature noire comme la nuit, aux griffes acérées, dents pointues et yeux si blancs qu’ils en étaient brillants. Sans rien dire, en secouant ses bras vers les lianes, le Kami leur fit signe de monter.
Loello et Ellula n’eurent même pas l’idée de refuser, ils grimpèrent avec l’agilité et la souplesse nés de l’habitude. Une peur irréelle leur serrait les tripes. Toutes les fois ou le jeune zorai s’était imaginé sa première rencontre avec un Kami il avait vu de la joie, de l’allégresse, de l’excitation et des centaines d’autres émotions, mais jamais il n’avait imaginé cette peur qui pétrifiait ses membres, faisait couler une sueur froide et épaisse le long de son dos… On aurait dit que le Kami irradiait une angoisse sans nom.
Un craquement ignoble, comme si on enfonçait de terribles pieux dans les troncs et les racines, retentit aux alentours de leur maison. Les deux enfants poussèrent des cris de frayeur et manquèrent de lâcher leur liane. Une voix si profonde qu’elle semblait provenir du centre même d’Atys murmura derrière eux : « Ne vous arrêtez pas. Montez. Montez. Il n’y a rien d’autre à faire. »
Obéissant, Loello continuait de grimper derrière sa sœur. Il voulu résister mais ne put s’empêcher de regarder en dessous de lui. Le Kami avait disparu, mais, au moment ou il jetait un coup d’œil, une énorme et terrifiante créature se jetait sur la maison de leurs parents.
Il vit avec une netteté impossible les nombreuses pattes aiguisées labourer le sol avec violence, les mandibules claquer dans l’air comme si elles étaient impatientes de lacérer de la chair homin. Avec horreur il aperçu deux silhouettes, floues, mais qui ne pouvaient appartenir qu’à leurs parents, sortir de la maison et se jeter sur la créature. Ils n’eurent pas le temps de faire quoique ce soit. La hache de leur père ricocha sur l’épaisse carapace et les sortilèges de soin de leur mère ne suffirent pas à refermer la plaie béante ouverte par une mandibule. En quelques secondes, en quelques hurlements, ce fut fini.
Loello était pétrifié sur sa liane, ne pouvant détacher son regard de la créature en train de dévorer ses parents. Ce fut la voix de sa sœur, nouée et étouffée par les larmes, qui le ramena à la réalité. Comme le Kami elle l’exhortait à reprendre son ascension.
Ils grimpèrent encore pendant un temps qu’ils n’auraient jamais pu estimer. Ils nageaient dans un brouillard de douleur, sans dire un mot, leurs esprits incapables de comprendre et d’accepter ce qu’il venait de se passer. Enfin ils arrivèrent sur une branche suffisamment haute et se laissèrent tomber, épuisés, vaincus par la fatigue plus sûrement que par n’importe quel monstre.


Ils ne redescendirent que trois jours plus tard, poussés par la faim. Avançant avec précaution, plus par peur de tomber sur les restes de leurs parents que sur le Kitin. Leur maison avait été presque entièrement rasée par la furie de la créature, aucun corps de restait mais quelques taches de sang sur le sol étaient des témoins suffisants pour animer les pires images dans l’esprit des deux enfants.
Ils pleurèrent longtemps, ils prièrent pour le retours du Kami, espérèrent un miracle quelconque, mais seule la pluie se mit à tomber, lavant le sang et les débris. Ce fut Ellula qui partit chasser la première, revenant quelques heures plus tard avec un Yubo bien gras qui fut dévoré cru.
Après une nuit de sommeil agité ils commencèrent à réparer la maison. Leurs mouvements étaient mécaniques, ils ne se parlaient presque pas, mais le labeur aidait à se raccrocher à la vie. Petit à petit, la maison reprit forme et les deux jeunes zorai recommençaient à vivre.


- Faut qu’on s’en aille ! Il faut qu’on retrouve notre peuple ! Il a sûrement besoin de nous, on ne peut pas rester la comme ça à ne rien faire !
- Et pourquoi donc ? Tu crois vraiment qu’on changera quoique ce soit ? Au moins ici on est chez nous…
- Jusqu’à ce que débarque un autre Kitin ! Et il n’y aura peut être pas de Kami pour nous sauver cette fois !

Ellula, presque adulte maintenant, était folle de rage, comme à chaque fois que revenait ce sujet. Elle criait pour ne pas pleurer et son frère tentait difficilement d’oublier la peur de voir revenir le Kitin. Des années s’étaient écoulées et pourtant il ne pouvait s’empêcher de se demander quand est-ce que le monstre reviendrait les voir.

- Qui te dit qu’un autre Kitin va revenir hein ?
- T’as raison ce sera peut être le même ! Est-ce que ça aura servit à quelque chose de ne pas mourir ce jour la si c’est pour se faire tuer par le même monstre quelques années plus tard ?!

Les larmes commençaient à perler dans leurs yeux respectifs, Loello regardait fixement le sol pendant que sa sœur faisait rageusement les cents pas.
Le jeune zorai avait tout aussi peur du retours du Kitin que de la rencontre avec son peuple. Son peuple ? Il n’était même pas sûr d’être accueilli en tant que tel, après tout ils avaient grandit si loin...

- Qui te dit qu’on sera acceptés ? Demanda-t-il piteusement.
- Et bien on ne le saura pas avant d’avoir essayé ! Et franchement ça m’étonnerait qu’on soit rejetés si on arrive pour les aider ! Faut donner un sens à notre vie ! Faut donner un sens au sacrifice de nos parents !

Ce coup la elle pleurait pour de bon, Loello n’osait même plus relever les yeux. Il déglutit difficilement et prononça les mots qu’il aurait du prononcer il y a longtemps.

- Bien, on partira demain si tu veux… J’aimerais au moins laisser un piège... s’Il revient...
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