Jour de honte

[laralen]

Une honte sans nom s'était abattue sur la Tryker tout juste ressucitée par les Kamis. Son coeur resterait mortifié à vie, alors qu'elle se remettait doucement. Elle avait rapidement succombé sous les coups des pro-Karavans, mais ce n'était pas à eux qu'elle en voulait. Après tout, elle les avait sciemment provoqués en venant forer à côté d'eux, car ils gardaient jalousement le monopole des sources de sève et d'ambre. Ce n'était d'ailleurs pas la première fois qu'elle était confrontée à cet état de fait qu'elle avait refusé et la Tryker avait déjà fait déloger ces profiteurs.

Ce matin-là, grâce à ses pouvoirs de protection, elle avait réussi une première fois à fuir à une attaque. Certes, ils l'avaient prévenue par un ultimatum et elle avait alerté les siens. Mais elle ne pouvait restée à l'écart sans réagir et était revenue avant d'être achevée. Elle assumait donc totalement sa mort.

Or, le résultat n'avait été que honte. Honte pour ses alliés sans réaction qui s'écrasaient devant des ennemis onnis qui revendiquaient un terrain pour eux-seuls lors d'un trêve tacite. Mais une trêve, qu'elle soit officielle ou non, doit être égale pour les deux camps, sinon elle n'est pas une trêve.

Les pro-kamis avaient fini par se réveiller et déloger leurs ennemis du centre de la région pour un long moment. Mais c'était trop tard. La Tryker avait pris conscience dans son coeur que le peuple qu'elle soutenait ne méritait pas les temples. Les fiers Fyros s'étaient laissés faire devant l'arrogance des Matis. Ils s'étaient trahis eux-mêmes. Ils ne méritaient pas la reconnaissance des Kamis.

Le véritable ennemi n'est pas la Karavan. Le véritable ennemi est l'égoïsme. L'égoïsme pour être le meilleur. L'égoïsme pour être le plus honorable. L'égoïsme pour voir son nom affiché le plus haut sur une stèle. L'ennemi, c'est celui qui fore à côté de moi, celui qui confectionne les briques du bâtiment à ma place, celui qui achève ma cible, celui qui ne me soigne pas assez tôt.

Après de durs combats pour reprendre le terrain et de longues patrouilles pour assurer la protection des foreurs, la Tryker avait pris sa décision.

Sylve ne participerait plus à cet édifice érigé par l'égoïsme et recouvert de honte.