Chroniques

[kalibarr]

J’ai tout au long de ma vie parcouru bien des terres, j’ai vu le soleil se lever sur le désert de Pyr, je l’ai vu se coucher sur les cascades des Lacs, j’ai parcouru les Jardins jusqu’à en connaître chaque racine, j’ai vécu sous la terre si longtemps que mes yeux ont oublié les couleurs, et à la fin de ma vie je suis retourné vivre dans la jungle qui m’a vu naître.

Longtemps j’ai observé la culture des étrangers, j’ai vécu chez eux jusqu’à leur ressembler, j’ai mangé à leur table comme ami ou comme ennemi, je me suis gorgé de leur culture et de leur façon de penser d’une manière si profonde qu’elle était une insulte à mon sang, et à tel point qu’on a fini par me confondre avec l’autre race. C’est pourquoi aujourd’hui je peux le dire sans honte : il n’y a pas sur la terre de peuple plus borné et plus stupide que celui des matis.

J’ai fini par comprendre pourquoi les laquais de la Karavan avaient jeté leur dévolu sur cette race là en particulier : jamais ailleurs ont ne rencontre des homins aussi imperméables à la sagesse et à la raison. Là où les fyros acceptent sans comprendre, là où les tryker manquent de maturité pour appréhender la vérité, les matis eux se ferment parcequ’ils ont peur. Trop effrayés par la sagesse prononcée, ils détalent comme des yubos et réduisent toutes paroles à des actes de haine et de folie.

Par deux fois je fus emprisonné et torturé chez eux, par deux fois les fers m’ont été mis alors que je soignais un homin, et les deux fois j’étais venu en réponse à la demande de l’un de mes bourreaux. Mais le matis frappe toujours le porteur de mauvaise nouvelle, et me voyant penché sur un corps malade, avec dans la main une seringue, leur esprit dégénéré voyait en moi l’origine du mal.

Leur honneur leur interdisant tout pragmatisme, et leur veulerie toute intégrité, ils cataloguent les fait de façon monochrome, sanctionnant ce qui leur échappe de la marque de l’infamie au lieu de vouloir le comprendre. La peur que j’inspire parfois est telle, que pour échanger quelques mots il me faut avancer les mains liés, et que même en proposant un marché plus qu’équitable, la frayeur d’une trahison les fait refuser.

Je dis aujourd’hui qu’on ne m’y prendra plus, puissent ces maudits bâtards rester dans leur foret, je suis aujourd’hui convaincu que la beauté d’Yrkanis est due à un malentendu, et si dorénavant j’ai à traiter avec eux, je passerai par un intermédiaire qui aura la patience de leur expliquer chacun des mots de mon discours.


[HRP] PS : ce pamphlet est anonyme, même si certains indices du texte peuvent laisser supposer de l’identité de l’auteur. Il est diffusé à droite à gauche, on ne sait trop comment. [/HRP]