Souvenirs de la petite enfance - Les yeux-qui-voient-loin
La plume dIzam tourbillonna de longs instants dans lair avant de se poser, là, tout en bas,
sur le tapis de feuilles qui avait désormais recouvert le sol dAtys.
« Ne la fixe pas! A côté, regarde juste à côté, sinon, elle disparaîtra »
« Tu veux dire comme quand on regarde les étoiles ? »
« Oui Xhyio, comme une étoile qui semble séteindre quand tu ne veux voir quelle
Ramasse une autre plume .recommence »
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« Zingxhe ? »
« Mmm Quoi ? »
Le plus grand des deux enfants sévertuait à percer lénorme Branche-Racine afin den extraire la sève
« Avons-nous toujours vécu ici ? »
« En haut de ces racines ? Non, nous sommes ici depuis lattaque, depuis la fuite et la fin
de notre existence heureuse ! »
Il se détourna pour cacher sa peine et se remit à triturer le bois de plus belle
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« Réveille-toi ! Xhyio ! Vite, debout ! Ils sont là, ils sont revenus ! »
Lenfant Zoraï se redressa, apparut à demi sous lépaisse touffe de mousse qui lui servait de couche.
« Les messagers, ils sont revenus ! »
La voix en partie couverte par le vacarme des battements dailes, mon ami entonna un chant qui fit surgir en moi une bouffée de souvenirs anciens
Des homins et homines Zoraïs, debout dans le soir tombant, le regard tourné vers
lhorizon
Les bras tièdes de ma mère qui menlacent et le son étouffé de sa voix qui
chante cet air tandis que je mendors, la tête blottie contre son ventre
"Grands Izams, Maîtres du vent
Nos paroles dans le soir dété
Ombres ailées sen revenant
Vers nous, fidèles messagers "
Nos paroles dans le soir dété
Ombres ailées sen revenant
Vers nous, fidèles messagers "
« Choisis le plus grand dentre eux et aggripe-toi de toutes tes forces à son cou
Place tes pieds dans les sacoches ! Oui, voilà, tu y es
Nous partons, Xhyio, nous allons peut-être enfin retrouver les nôtres ! »
Telles des ombres bruissantes dans la nuit, les Izams reprirent leur envol, sélevant sans peine dans le ciel dAtys
(
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« Ce sont des Grands Messagers. Leur seule faiblesse est quà cause de leur grande
taille, les Homins les repèrent trop facilement depuis le sol
Ils nous sont pourtant indispensables pour acheminer des colis volumineux »
Il rit
« Mais vous ne pesez pas bien lourd vous deux, pas vrai ? »
Le Zoraï qui avait parlé sappelait Kitogi, il me dit avoir bien connu mes parents.
Il avait fuit à leurs côtés durant lexode
Il me raconta comment il les avait vus tomber, un petit matin alors que les Kittins attaquaient le camp par surprise
Zing-Xhe, assis parmi ses proches, me regardait à peine, détournant souvent les yeux pour ne pas avoir à soutenir mon regard qui se troublait de larmes tandis que Kitogi mapprenait la mort de ma famille
« Nous navons eu que très peu de temps, les Monstres nous ont surpris dans notre
sommeil Nous vous avons confié aux Izams, Zing-Xhe et toi, en espérant quils puissent
vous emmener loin de toute cette terreur »
(
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«Tu me rappelles ton père Xhyio
Lui aussi était capable de veiller de nombreuses heures après que nous soyons tous déjà
depuis longtemps retournés à nos couches
De combien de vols nocturnes a-t-il été le premier à signaler lapproche ?
Il avait acquit cette capacité que peu dentre nous possèdent
A peine un messager avait-il franchit lhorizon quil pouvait distinguer son ombre lointaine,
il disait la voir se détacher le fond de la nuit, masquant une à une les étoiles du ciel
dAtys
Digne fils du clan des Guetteurs du Ciel, tes parents auraient été fiers de toi sils étaient
encore parmi nous en ces jours de paix retrouvée »
(
)
« Tu pars, nous restons, car tel est notre destin.
Le clan sest trouvé un lieu où prospérer à nouveau.
Les familles vont sagrandir et nos enfants apprendront eux aussi à dresser les Izams et
à attendre leur retour, mais les Guetteurs du Ciel ne retournerons pas dans les villes
Notre place la meilleure a toujours été ici, parmi ces terres sauvages qui nous abritent des
Regards, mais la tienne est ailleurs, il faut que nos jeunes partent et rejoignent les cités afin
duvrer à la grande reconstruction »
Je sanglai fermement la lourde sacoche remplie de vivres et des présents de voyage que les membres du clan avaient tenu à moffrir avant mon départ.
Presque à contrecoeur, je tournai le dos au camp.
Les paroles de Kitogi me revinrent à lesprit alors que je faisais le premier pas de cette longue marche qui devait memmener vers les villes grossir le rang des réfugiés
« Puisse ton cur lire dans celui des autres Homins avec le même discernement que ton
regard quand il parcourt le ciel en quête de nos messagers
Ils ont besoin de toi Xhyio, ils ont besoin de toutes les jeunes âmes prêtes à aider, prêtes à
mettre leurs forces au service du renouveau et de la quête de lAge Kamique
Dici, nous pourrons aider le peuple Zoraï, comme nous lavons toujours fait et servir la
cause de nos frères dans la plus grande discrétion.
Je taime comme un fils, tu le sais
Reviens nous si tu le peux. Tu seras toujours accueilli ici avec toute lamitié qui nous lie à
toi
Maintenant pars car il est temps, les orages dété arrivent et ils népargneront pas le
voyageur solitaire »
« Va Que Ma-Duk te garde »
Presque en courant, jescaladai la petite butte qui abritait notre village, luttant contre lémotion, la peine et lappréhension qui menvahissaient à mesure que je méloignais des miens, de ceux que jappelais désormais ma famille
A suivre...