Nemesis: Le voile
Posted: Tue Nov 02, 2004 10:09 am
Ils n'attaquaient pas...
Ils étaient là, narguant le ciel de leur taille gigantesque, hurlant leur puissance avec un bruit qui dépassait toutes les capacités de l'oreille à comprendre, à interpréter. N'importe quel animal qui eut été face à ces organes vocaux serait déjà mort, le corps rendu fou et définitivement détruit par ce son.... Comment jamais imaginer l'imiter?
Six kinchers.
Leurs mandibules fouettaient l'air en sifflant, leurs pattes repositionnant leurs corps de mécanique biologique parfaite dans des mouvements rotatifs incessants, leurs yeux fixant un petit point adossé aux parois caverneuses des immenses Primes Racines.
Six géants dont la puissance le dispute à la férocité, six monstres à la violence si inhumaine qu'on ne peut que leur dénier toute pensée, ou émotion. Juste l'instinct de gigantesques machines bio-mécaniques à la perfection inégalée, crées pour tuer tout ce qui est homin sur leur passage traçé avec une telle régularité que l'on croirait de parfaits jouets à engrenages.
Leur seule vie?... Six pairs d'yeux, au reflet presque mort, derrière une couche de chitine translucide, mais des mouvements rapides, qui ne peuvent que certifier qu'ils voient, qu'ils observent, qu'ils analysent, qu'ils savent. Et savoir, prendre conscience, c'est vivre...
Ces six monstres, mécaniques parfaites pourtant bien vivantes fixaient une homine piegée à leur regard.
Mais ils n'attaquaient pas.
Psychée avait pu trouver le chemin des Primes Racines. Aidée par son cher promis Leonil, elle avait pu rejoindre un bien étrange et spectral Kami, au sein des immenses salles de silence et d'obscurité des Racines, et ainsi trouver le moyen de se téléporter seule, quand elle le désirait.
Cet endroit avait une magie trop attirante pour y résister. Dès qu'elle le pouvait, elle y retournait, même seule, pour goûter au calme de ce paysage dont la seule lumière était celle des végétaux qui éclairaient leur monde de leurs organes photo-lumniscents. Le bruit semblait banni de ces cavernes et, malgré les dangers que Leonil lui avait repété, et repété encore, elle ne pouvait résister à ce lieu... A cette paix. La même paix que celle qui brulait au fond de son coeur. La paix d'un monde voulant faire croire que la lutte, la survie, la guerre, la colère, la haine, et la faim pouvaient être bannis et oubliés.
Les Racines étaient tout de même non habitées, mais visités. Les meilleurs prospecteurs venaient y récolter les plus remarquables matières premières d'Atys, et les lieux n'etaient jamais privé de présence homine.
Et c'est un cri d'un prospecteur zorai qui avait alerté Psychée...
- "Kitiiiiins!!"
Aussitot, les prospecteurs abandonnaient leur travail, et courraient se réfugier dans les boyaux les plus étroits... ces boyaux même où Psychée, Osmoz, et Leonil avaient trouvé de la Goo... même ici.
Les prospecteurs connaissaient bien leurs coins de cavernes, et restaient alors de longues minutes, écoutant les cliquetis et les hurlements des monstres, guettant, cachés, leur départ.
Psychée, elle, se retrouva piegée à sa méconnaissance des lieux. Elle était loin des prospecteurs, incapable de les suivre dans les bonnes cachettes.
Elle courrait, sans voir les monstres, essayant de se guider aux appels des homins dans le lointain.
Et se trouva face à eux.
Six kinchers, marchant comme une horde mécanique et implacable.
Droit vers elle.
Elle se mit à courir, espérant les distancer assez pour appeler les Kamis, et se faire téléporter. Quinez seconde... il lui fallait quinze secondes.
Les kinchers ne les lui laissèrent jamais.
Ils accélérèrent, paniquant l'adolescente matis, la faisant trébucher, encore et encore, le coeur rendu fou de terreur, tandis que les monstres filaient à une vitesse effrayante, arrachant et faisant voler autour d'eux des mottes de terre de la taille d'un bodoc adulte. Elle heurta une paroi de la grande caverne au point de s'assomer, et eut, dans le brouillard de l'etourdissement, juste le temps de se retourner, pour voir, flou, six sillouettes titanesque venir se jeter sur elle, les tarses ravisseuses levées pour l'attaque, pour le carnage.
Elle hurla, la terreur à son paroxysme, au milieu du tumulte monstrueux de la charge des kinchers.
Un flash, le temps qui s'arrètte sous la terreur de sa mort imminente.
Un retour en arrière, à son huitième cerne, à son enfance.
Elle tient la main de sa mère. Elle se nomme Elenaa, le nom de sa propre grand-mère, donnée par sa maman.
Elle n'avait jamais pu retrouver son propre nom.
Sa mère est inquiète, et regarde partout. La petite fille lève les yeux.
Le convoi est grand, près de cinquantes personnes, autant, sinon plus, de mektoubs. Pas de vieillards, mais plus d'une vingtaine d'enfants.
Elle se souvient qu'elle avait demandé si papie et mamie allaient venir. Papa avait répondu, un voile dans les yeux, que non... Elle n'avait pas compris pourquoi. Pas plus que cette fuite d'Avalae, en pleine nuit, avec ces gens qui les avaient rejoint.
Elle avait juste entendu: "les zorai, eux seuls nous aideront". Elle ne savait pas qu'etaient les zorai.
Un hurlement.
De femme.
Dans sa vision.
"Kitins!!"
Tout le monde se mit à courir, tandis que son père embrassait sa mère, tebnant une immense épée à deux mains, et courrait à l'arrière du convoi. Les mektoubs affolés étaient laissés à leur sort, et sa mère la souleva de terre pour la porter dans ses bras. Psychée pleurait de terreur et d'incompréhension, comme tout les enfants portés soudain par leurs parents.
Un bruit, que jamais Psychée n'avait entendu.
Le hurlement des kinchers, s'abattant sur la queue de la colonne. Les hurlements homins en réponse, le déchainement des mages, et des guerriers, leur ultime résistance pour sauver leurs enfants, leurs femmes, pour une seule chance. Le hurlement de sa mère, son propre hurlement, ses larmes.
Elle n'eut même pas de mots pour prévenir sa mère quand le kincher se dressa, six mètres au dessus d'elles, pour s'abattre sur les femmes et les enfants.
Sa mère ne la lachà pas, même quand près d'un mètre d'éperon traversa son abdomen.
une chute au sol, une fureur aveuglante, tout ce qui vivait ici fut massacré en quelques secondes.
Psychée ouvrit les yeux, sa mère ne l'avait pas lachée, dans son dernier souffle, dans son dernier geste avant la mort.
Le kincher regardait sa proie, la dernière en vie, la dernière trace homin à tuer. Ses tarses relevés, il pouvait découper l'enfant d'un geste.
Il regardait. Il regarda longtemps...
Puis, il se détourna, dans un bruit de cliquetis mécanique, et de glissement de muscles.
Psychée perdit connaissance...
Le temps reprit sa course.
Psychée ouvrit les yeux, le dos à la caverne.
Ils étaient là...
Les six kinchers s'étaient arrétés devant elle, et attendaient. Ils regardaient. Impossible de rien lire d'humain, ou même d'animal dans leurs yeux.
- "Pourquoi?..." murmura-t-elle. "Pourquoi n'attaquez-vous pas?"
Les monstres restèrent sans réponse, et comment même deviner dans ces choses le moindre language des yeux ou du corps?... Comment trouver la moindre empathie pour ces créatures si étrangères?
- "Mais dites-moi!!!"
Elle avait hurlé. Un kitin s'etait redressé, comme surpris. Il avança le corps vers elle, dans un souffle, et psychée détourna le regard, les yeux fermés, saisi par une peur terrifiante.
Le kitin la dévisagea. Si jamais il en était capable.
Puis il se redressa et de son incroyable mouvement rotatif de mécanique parfait, s'écarta, pour reprendre sa patrouille, suivi des cinq autres.
Psychée resta seule, prostrée, recrovillée sur elle-même, dans la lumière blafarde des Racines. Cela dura longtemps. Elle ne pouvait plus, désormais, effacer les images de ce souvenir d'enfant si longtemps relegué au fond de son esprit. Le visage de sa mère, un masque presque extatique de mort tandis qu'elle s'effondrait, le dernier regard de son père, empli d'amour, et en même temps de terreur, avant de rejoindre ceux qui essayèrent de résister. Sa vie, épargnée par ce monstre... et tout les autres, tout les autres.
Elle pleura, assise dans l'herbe, elle pleura, sans pouvoir rien arréter...
Ils étaient là, narguant le ciel de leur taille gigantesque, hurlant leur puissance avec un bruit qui dépassait toutes les capacités de l'oreille à comprendre, à interpréter. N'importe quel animal qui eut été face à ces organes vocaux serait déjà mort, le corps rendu fou et définitivement détruit par ce son.... Comment jamais imaginer l'imiter?
Six kinchers.
Leurs mandibules fouettaient l'air en sifflant, leurs pattes repositionnant leurs corps de mécanique biologique parfaite dans des mouvements rotatifs incessants, leurs yeux fixant un petit point adossé aux parois caverneuses des immenses Primes Racines.
Six géants dont la puissance le dispute à la férocité, six monstres à la violence si inhumaine qu'on ne peut que leur dénier toute pensée, ou émotion. Juste l'instinct de gigantesques machines bio-mécaniques à la perfection inégalée, crées pour tuer tout ce qui est homin sur leur passage traçé avec une telle régularité que l'on croirait de parfaits jouets à engrenages.
Leur seule vie?... Six pairs d'yeux, au reflet presque mort, derrière une couche de chitine translucide, mais des mouvements rapides, qui ne peuvent que certifier qu'ils voient, qu'ils observent, qu'ils analysent, qu'ils savent. Et savoir, prendre conscience, c'est vivre...
Ces six monstres, mécaniques parfaites pourtant bien vivantes fixaient une homine piegée à leur regard.
Mais ils n'attaquaient pas.
Psychée avait pu trouver le chemin des Primes Racines. Aidée par son cher promis Leonil, elle avait pu rejoindre un bien étrange et spectral Kami, au sein des immenses salles de silence et d'obscurité des Racines, et ainsi trouver le moyen de se téléporter seule, quand elle le désirait.
Cet endroit avait une magie trop attirante pour y résister. Dès qu'elle le pouvait, elle y retournait, même seule, pour goûter au calme de ce paysage dont la seule lumière était celle des végétaux qui éclairaient leur monde de leurs organes photo-lumniscents. Le bruit semblait banni de ces cavernes et, malgré les dangers que Leonil lui avait repété, et repété encore, elle ne pouvait résister à ce lieu... A cette paix. La même paix que celle qui brulait au fond de son coeur. La paix d'un monde voulant faire croire que la lutte, la survie, la guerre, la colère, la haine, et la faim pouvaient être bannis et oubliés.
Les Racines étaient tout de même non habitées, mais visités. Les meilleurs prospecteurs venaient y récolter les plus remarquables matières premières d'Atys, et les lieux n'etaient jamais privé de présence homine.
Et c'est un cri d'un prospecteur zorai qui avait alerté Psychée...
- "Kitiiiiins!!"
Aussitot, les prospecteurs abandonnaient leur travail, et courraient se réfugier dans les boyaux les plus étroits... ces boyaux même où Psychée, Osmoz, et Leonil avaient trouvé de la Goo... même ici.
Les prospecteurs connaissaient bien leurs coins de cavernes, et restaient alors de longues minutes, écoutant les cliquetis et les hurlements des monstres, guettant, cachés, leur départ.
Psychée, elle, se retrouva piegée à sa méconnaissance des lieux. Elle était loin des prospecteurs, incapable de les suivre dans les bonnes cachettes.
Elle courrait, sans voir les monstres, essayant de se guider aux appels des homins dans le lointain.
Et se trouva face à eux.
Six kinchers, marchant comme une horde mécanique et implacable.
Droit vers elle.
Elle se mit à courir, espérant les distancer assez pour appeler les Kamis, et se faire téléporter. Quinez seconde... il lui fallait quinze secondes.
Les kinchers ne les lui laissèrent jamais.
Ils accélérèrent, paniquant l'adolescente matis, la faisant trébucher, encore et encore, le coeur rendu fou de terreur, tandis que les monstres filaient à une vitesse effrayante, arrachant et faisant voler autour d'eux des mottes de terre de la taille d'un bodoc adulte. Elle heurta une paroi de la grande caverne au point de s'assomer, et eut, dans le brouillard de l'etourdissement, juste le temps de se retourner, pour voir, flou, six sillouettes titanesque venir se jeter sur elle, les tarses ravisseuses levées pour l'attaque, pour le carnage.
Elle hurla, la terreur à son paroxysme, au milieu du tumulte monstrueux de la charge des kinchers.
Un flash, le temps qui s'arrètte sous la terreur de sa mort imminente.
Un retour en arrière, à son huitième cerne, à son enfance.
Elle tient la main de sa mère. Elle se nomme Elenaa, le nom de sa propre grand-mère, donnée par sa maman.
Elle n'avait jamais pu retrouver son propre nom.
Sa mère est inquiète, et regarde partout. La petite fille lève les yeux.
Le convoi est grand, près de cinquantes personnes, autant, sinon plus, de mektoubs. Pas de vieillards, mais plus d'une vingtaine d'enfants.
Elle se souvient qu'elle avait demandé si papie et mamie allaient venir. Papa avait répondu, un voile dans les yeux, que non... Elle n'avait pas compris pourquoi. Pas plus que cette fuite d'Avalae, en pleine nuit, avec ces gens qui les avaient rejoint.
Elle avait juste entendu: "les zorai, eux seuls nous aideront". Elle ne savait pas qu'etaient les zorai.
Un hurlement.
De femme.
Dans sa vision.
"Kitins!!"
Tout le monde se mit à courir, tandis que son père embrassait sa mère, tebnant une immense épée à deux mains, et courrait à l'arrière du convoi. Les mektoubs affolés étaient laissés à leur sort, et sa mère la souleva de terre pour la porter dans ses bras. Psychée pleurait de terreur et d'incompréhension, comme tout les enfants portés soudain par leurs parents.
Un bruit, que jamais Psychée n'avait entendu.
Le hurlement des kinchers, s'abattant sur la queue de la colonne. Les hurlements homins en réponse, le déchainement des mages, et des guerriers, leur ultime résistance pour sauver leurs enfants, leurs femmes, pour une seule chance. Le hurlement de sa mère, son propre hurlement, ses larmes.
Elle n'eut même pas de mots pour prévenir sa mère quand le kincher se dressa, six mètres au dessus d'elles, pour s'abattre sur les femmes et les enfants.
Sa mère ne la lachà pas, même quand près d'un mètre d'éperon traversa son abdomen.
une chute au sol, une fureur aveuglante, tout ce qui vivait ici fut massacré en quelques secondes.
Psychée ouvrit les yeux, sa mère ne l'avait pas lachée, dans son dernier souffle, dans son dernier geste avant la mort.
Le kincher regardait sa proie, la dernière en vie, la dernière trace homin à tuer. Ses tarses relevés, il pouvait découper l'enfant d'un geste.
Il regardait. Il regarda longtemps...
Puis, il se détourna, dans un bruit de cliquetis mécanique, et de glissement de muscles.
Psychée perdit connaissance...
Le temps reprit sa course.
Psychée ouvrit les yeux, le dos à la caverne.
Ils étaient là...
Les six kinchers s'étaient arrétés devant elle, et attendaient. Ils regardaient. Impossible de rien lire d'humain, ou même d'animal dans leurs yeux.
- "Pourquoi?..." murmura-t-elle. "Pourquoi n'attaquez-vous pas?"
Les monstres restèrent sans réponse, et comment même deviner dans ces choses le moindre language des yeux ou du corps?... Comment trouver la moindre empathie pour ces créatures si étrangères?
- "Mais dites-moi!!!"
Elle avait hurlé. Un kitin s'etait redressé, comme surpris. Il avança le corps vers elle, dans un souffle, et psychée détourna le regard, les yeux fermés, saisi par une peur terrifiante.
Le kitin la dévisagea. Si jamais il en était capable.
Puis il se redressa et de son incroyable mouvement rotatif de mécanique parfait, s'écarta, pour reprendre sa patrouille, suivi des cinq autres.
Psychée resta seule, prostrée, recrovillée sur elle-même, dans la lumière blafarde des Racines. Cela dura longtemps. Elle ne pouvait plus, désormais, effacer les images de ce souvenir d'enfant si longtemps relegué au fond de son esprit. Le visage de sa mère, un masque presque extatique de mort tandis qu'elle s'effondrait, le dernier regard de son père, empli d'amour, et en même temps de terreur, avant de rejoindre ceux qui essayèrent de résister. Sa vie, épargnée par ce monstre... et tout les autres, tout les autres.
Elle pleura, assise dans l'herbe, elle pleura, sans pouvoir rien arréter...