Les chroniques des rôdeurs d'Atys
Posted: Thu Feb 26, 2009 8:25 am
Derrière mon épaule sont posés plusieurs regards,
Et je sens leur souffle au fur et à mesure que crisse ma plume sur le parchemin de psykopla...
Ils sont là, dans l'ombre de cette grotte, attendant que je finisse d'écrire pour narrer mon texte, espérant pour certains voir leur nom apparaître au détour d'un combat, pour d'autre voir sublimé le grand géniteur, d'autres encore attendent juste la fin de la pluie et la fin de l'exil !
Dire que cet écrit n'est que la suite d'une longue série de chroniques serait chose aisée pour que vous puissiez vérifier la véracité de mes propos.
Hélas le temps et l'exil ont effacés les mémoires des rôdeurs.
Vous devrez donc me faire totale confiance ou voir en moi le plus fieffé des menteurs, dans tous les cas ma tache reste la même :
narrer l'histoire des rôdeurs d'Atys, chose peu aisée au demeurant !
Rares sont ceux qui se souviennent du retour sur l'écorce, ceux qui revinrent sur un monde dévasté, conquis par les kitins, livré aux griffes des varinx et autres créatures féroces.
Les premiers homins survivants eurent pour mission de redécouvrir leur monde et d'en tracer les nouvelles voies :
Ainsi naquirent les rôdeurs ; une fraternité de combattants arpentant sans relâche l'écorce !
Ils devaient leur nom à leur formation de base:
une fois entré dans l'âge des batailles ils étaient chassés de la protection des cités et devaient affronter seuls, dans un monde hostile, des périls inconnus. Ils vivaient en vagabonds, en coureurs des bois et des steppes, toujours angoissés et solitaires, pillant et tuant pour trouver leur subsistance.
Non seulement ils étaient en butte aux monstres divers qui peuplaient l'écorce et pour qui la chair des homins était le mets le plus délicieux qui se pût concevoir, mais, en plus, ils devaient échapper à leurs propres congénères, soldats de Jena ou fantassins trytonnistes qui avaient ordre de les mettre à mort aussitôt qu'ils les apercevaient.
Quand leur temps d'errance était achevé le grand géniteur, l'immense et chaleureux ventre souverain les rappelait.
A nouveau ils pouvaient pénétrer dans le rassurant dédale des cités mères et recevoir soins et bénédictions des kamis.
Certes beaucoup ne revenaient pas mais ceux qui revenaient avaient été si terriblement aguerris par leurs aventures qu'il était inutile de leur apprendre à combattre; ils savaient tout de la survivance.
Longtemps les rôdeurs brillèrent sur Atys, devenant progressivement une guilde de guerriers redoutables,
maîtres de nombreux avant postes acquis par la force, la ruse ou la diplomatie;
ils ronronnaient fièrement sous les soleils de l'écorce...
trop peut être...
Par la suite, en repensant à cette période atroce, les survivants seront secoués par la précision de certains souvenirs:
la jungle qui n'était plus que boue glacée, les arbres à demi dénudés qui ruisselaient; leurs silhouettes paraissant reliées aux nuages par du liquide; les nuances d'ardoise du ciel et la puanteur de la sève, celle de la terre; écorce délavée par les trombes incessantes !
Seuls s'entendaient les râles des mektoubs dont la peau laissait s'exhaler des nappes de brume.
Les quelques silhouettes d'allure hominique évoquaient plus des épouvantails pliés par les bourrasques.
Aucune parole ne troublait ce martellement des gouttes sur les ruines de ce temple oublié.
Pourtant les cris de douleurs devenaient plus fréquents,
ils s'intensifiaient tant que le grand bleu décida de se mouvoir de sa torpeur glacée pour s'approcher du seuil de l'unique bâtiment encore couvert d'un toit.
C'est dans les entrailles de ce temple abandonné, au cœur de la jungle Zoraï,
que l'une de ses plus valeureuses combattantes luttait à présent dans le froid pour tenter de donner la vie à un nouvel homin.
Avec une intendante de palais pour sage femme et une racine de psykopla entre les dents pour unique soutien de souffrance.
Tous ses compagnons d'armes étaient là,
hagards,
muets,
entourant cette petite tente de fortune montée au milieu de l'ancienne nef pour apporter un semblant d'intimité à la future mère.
Alors qu'encore quelques jours auparavant cette troupe vivait dans l'opulence et la gloire,
voici qu'à présent ils erraient dans la jungle,
chassés, bannis, reniés par leurs pairs suite à une terrible discorde.
Le grand bleu lança un regard inquiet à la jeune matis gestionnaire, celle ci s'efforça de sourire avant de se tourner vers la souffreteuse qui peinait à donner la vie.
Le tapis brodé, dernier vestige de leur gloire passée, se couvrait peu à peu d'un sang que les soins donnés ne tarissaient pas.
- Pousse ! Pousse, ça vient !
Bientôt la matis aida à émerger un petit corps chétif des entrailles de l'homine ;
celle ci, soulagée, recracha la racine d'entre ses dents pour sourire à celui qui arrivait,mais le regard de la matis brisa ce sourire, ainsi que le silence trop long...
- j'entends rien Drania, pourquoi il crie pas ?
Les regards se croisèrent, lourds de compréhension entre Kalbatcha et la matis.
-C'est le froid et l'humidité; il y a de quoi tuer n'importe qui alors une si minuscule chose, comment veux tu...
dit elle en entourant la petite dépouille d'un linge avant de l'emporter dehors tandis que plusieurs guerriers s'emparaient de leurs pioches pour aller creuser sa tombe.
- Reposes toi ! dit le grand bleu.
- Tu les laisseras pas le jeter dans la boue ? Promets moi !
- On lui fabriquera une petite boite...
En sortant, le Zoraï attrapa un tonnelet de shooki qu'il ouvrit à l'aide d'une pierre avant d'y introduire le corps enveloppé de son linceul.
Pendant que deux guerriers fyros creusaient la boue sous les torrents de pluie pour préparer une tombe quand l'un d'eux butta sur un obstacle étrange, enfoui dans l'écorce molle.
- t'as fait une bonne trouvaille Damakian ! dit Tazmuul
- On dirait un cube d'ambre des temps anciens ! constata le guerrier brun.
- venez voir vous autres, cria Tazmuul, Dama a trouvé un cube d'ambre !
Tous les homins s'approchèrent pour voir les deux fyros extirper du trou creusé cette relique haute d'une demi toise et luisant d'un éclat insolite sous ce déluge !
- En effet, c'est un trésor d'avant le grand essaim, il parle d'un culte dédié à Ma-Duk,
s'exclama le fyros brun en déchiffrant le texte...des guerriers noirs dévoués au grand géniteur !
- C'est rien d'autre qu'un tas de merde d'Arma oui ! jura Sterdz le géant !
Le lieutenant brun, devant cet affront, commençait à s'éloigner avec son cube lorsque Le grand bleu s'avança, tenant toujours le tonnelet entre ses mains !
- Il se trouve que Ma-Duk est notre dieu, nous lui devons tous d'être ici !
Descendant dans le trou creusé par les foreurs il brandit le tonneau devant le cube avant de le laisser choir dans la fosse.
Tous les homins se rassemblèrent en cercle autour du trou et se recueillaient en silence lorsque Damakian entra comme en transe et s'exclama :
- J'y vois la main des kamis !
Je vois un enfant mort que l'on porte en terre et un culte oublié qu'on sort à sa place !
Je vois le culte noir surgissant des ténèbres et je vois Kalbatcha, le chef des rôdeurs, devenir guerrier noir et,
s'enfonçant dans ces mêmes ténèbres, faire de nous les héritiers du culte noir et les prédicateurs de la vraie parole des kamis !
- Tout cela paraît incroyable, qu'en penses tu Kal ?demanda Alweenna
Soutenant le regard de Sterdz, Kalbatcha s'écria :
- Damakian a raison, c'est un signe; la voix de Ma-Duk !
- Des conneries tout ça, brailla le géant roux, Ma-Duk n'a rien à voir là dedans, c'est jamais qu'un vieux cube pourri qu'un imbécile aura enterré là un soir de beuverie...
Le guerrier n'eut pas le temps de finir de parler qu'une lame le transperçait de part en part, lame brandie par Damakian lui même.
- nom d'un yubo, mais qu'est ce qui t'a pris de faire ça ! hurla Chiana
- Il n'avait pas la foi, il n'était pas des nôtres et celui qui n'est pas avec nous est contre nous
et celui qui est contre nous, finira tout comme Sterdz au bout de cette épée !
les hérétiques qui nous ont poussés à partir vont payer,
nous sommes désormais les guerriers noirs de Ma-Duk et nous vivrons dans les ombres, par les ombres, comme des ombres
et ce jusqu'à ce qu'enfin prêts nous revenions pour faire triompher la foi véritable !
Une clameur monta des rangs de cette petite troupe tandis que la pluie cessait enfin de tomber et qu'un rayon de soleil éclairait timidement la tombe ouverte où désormais reposaient deux corps attendant d'être ensevelis.
C'est le lendemain que la troupe prit le chemin vers les primes racines, emportant le précieux cube avec eux et abandonnant leur ancien blason pour s'absorber dans une illumination sacrée qui compenserait leur abandon du ciel pour s'immerger dans les profondeurs de l'écorce.
A partir de ce jour le grand bleu porta un regard différent sur son lieutenant,
non qu'il fut complètement convaincu par les discours péremptoires et incandescents de Damakian,
mais du moins voyait-il certains avantages à ce culte ressurgi des ruines.
Tout d'abord il permettait aux idéaux des rôdeurs de se poser sur quelque chose de tangible,
des symboles vivants,
barreaux d'une échelle qui montait vers les univers supérieurs.
Car la spiritualité kami était avant tout une philosophie, une sagesse, une conception de la vie et de l'écorce.
Il lui manquait ce qui aurait pu établir son succès définitif auprès des peuples dominés par la karavan,
il lui manquait la chair,
c'est à dire les rites,
c'est à dire les spectacles,
c'est à dire les lieux sacrés et les gardiens assumés de ces temples, défenseurs de la vraie foi et exterminateurs d'infidèles.
Le culte noir fournissait cela et bientôt le comportement du grand bleu changea;
lui qui au début dédaignait les moments de recueillement et les prières devint bientôt le premier prêcheur avant d'exhorter tous les rôdeurs restants à psalmodier avec lui !
Bientôt les primes racines devinrent un temple géant dédié au grand géniteur !
Et les rôdeurs devinrent ses prêtres les plus dévoués!
Rôdeurs qui n'étaient plus que des ombres terrées sous l'écorce mais dont la foi irradiait tant quelle éclairait leur exil !
C'est à cette période que je les rejoint, comme de nombreux autres kamistes,
trouvant en ce culte un baume à mon cœur meurtri par les guerres intestines du désert et la perte de ma tendre promise.
Lorsque je questionnai le grand bleu sur le pourquoi de l'exil, voilà ce qu'il me répondit :
"Des rôdeurs sont devenus avides de pouvoir et ont voulu mener la guilde dans de sombres projets.
Ils étaient devenus fous,
oubliant les préceptes kamis,
orgueilleux et égoïstes,
ils sont désormais des sans fois ni lois combattants toux ceux qui peuvent nuire à leur soif de richesse.
Ils se nomment désormais les Meidjai !
Profitant de cette rupture, de nombreuses guildes impérialistes qui se disaient kamistes par défaut,
sans réelle conviction,
ne défendant que les intérêts fyros face à la nation matis,
se sont liguées pour nous évincer politiquement du désert où nous jouions le rôle des défenseurs des intérêts kamis
Nous préférâmes quitter nos palais plutôt que de couvrir de sang la sciure du désert !
Préférant l'exil à la perte de nos valeurs !
Nous devînmes donc les ombres des rôdeurs,
des proscrits se terrant dans les primes pour faire de nos esprits des armes affutées contre le mensonge et les artifices des hérétiques."
Le danger était constant en ce lieu, mais c'est dans ces conditions que devait renaitre le culte noir !
Par la lecture assidue des préceptes du cube et la pratique de la prière associée aux entrainements martiaux,
les ombres aiguisèrent leur volonté
et Damakian devenait petit à petit celui qu'on nommerait par la suite le "confident des ombres"
On le surprenait parfois parlant seul au détour d'une galerie, comme surpris en plein discussion avec un auditeur invisible.
Puis peu à peu des rumeurs se firent d'une silhouette noire aperçue rôdant autour du camp.
Certains parlèrent même d'une vieille zoraï au masque comme du charbon qui s'entretenait avec les kamis !
Cependant les nouvelles de la guerre dans le désert estompèrent vite ces rumeurs, fondées ou non,
pour que désormais tous les regards se tournent vers le grand bleu avec une seule question brulant toutes les lèvres : "quand ?"
Oui quand cesserait l'exil ?
Au fil du temps les ombres s'enflammaient ;
la proximité du cube sacré embrasait leurs regards et les échos des combats de la surface résonnaient en leurs cœurs ;
faisant bouillonner la sève jusqu'à l'éruption !
Alors que les meidjai déchiraient l'écorce par leurs assauts répétés et ininterrompus,
rester ainsi terrés devenait un supplice pour cette ancienne élite combattante !
Tant et si bien qu'un jour l'ordre fut donné par Kalbatcha « le grand bleu » de lever le camp et d'harnacher les mektoubs pour qu'enfin les peuples d'Atys puissent contempler le retour des rôdeurs et la puissance des guerriers noirs de Ma-Duk !
Et ainsi, le Quarta, Pluvia 4, 2e CA 2543, les rôdeurs sortirent des ombres et entamèrent leur longue marche jusqu'à Pyr !
Et je sens leur souffle au fur et à mesure que crisse ma plume sur le parchemin de psykopla...
Ils sont là, dans l'ombre de cette grotte, attendant que je finisse d'écrire pour narrer mon texte, espérant pour certains voir leur nom apparaître au détour d'un combat, pour d'autre voir sublimé le grand géniteur, d'autres encore attendent juste la fin de la pluie et la fin de l'exil !
Dire que cet écrit n'est que la suite d'une longue série de chroniques serait chose aisée pour que vous puissiez vérifier la véracité de mes propos.
Hélas le temps et l'exil ont effacés les mémoires des rôdeurs.
Vous devrez donc me faire totale confiance ou voir en moi le plus fieffé des menteurs, dans tous les cas ma tache reste la même :
narrer l'histoire des rôdeurs d'Atys, chose peu aisée au demeurant !
Rares sont ceux qui se souviennent du retour sur l'écorce, ceux qui revinrent sur un monde dévasté, conquis par les kitins, livré aux griffes des varinx et autres créatures féroces.
Les premiers homins survivants eurent pour mission de redécouvrir leur monde et d'en tracer les nouvelles voies :
Ainsi naquirent les rôdeurs ; une fraternité de combattants arpentant sans relâche l'écorce !
Ils devaient leur nom à leur formation de base:
une fois entré dans l'âge des batailles ils étaient chassés de la protection des cités et devaient affronter seuls, dans un monde hostile, des périls inconnus. Ils vivaient en vagabonds, en coureurs des bois et des steppes, toujours angoissés et solitaires, pillant et tuant pour trouver leur subsistance.
Non seulement ils étaient en butte aux monstres divers qui peuplaient l'écorce et pour qui la chair des homins était le mets le plus délicieux qui se pût concevoir, mais, en plus, ils devaient échapper à leurs propres congénères, soldats de Jena ou fantassins trytonnistes qui avaient ordre de les mettre à mort aussitôt qu'ils les apercevaient.
Quand leur temps d'errance était achevé le grand géniteur, l'immense et chaleureux ventre souverain les rappelait.
A nouveau ils pouvaient pénétrer dans le rassurant dédale des cités mères et recevoir soins et bénédictions des kamis.
Certes beaucoup ne revenaient pas mais ceux qui revenaient avaient été si terriblement aguerris par leurs aventures qu'il était inutile de leur apprendre à combattre; ils savaient tout de la survivance.
Longtemps les rôdeurs brillèrent sur Atys, devenant progressivement une guilde de guerriers redoutables,
maîtres de nombreux avant postes acquis par la force, la ruse ou la diplomatie;
ils ronronnaient fièrement sous les soleils de l'écorce...
trop peut être...
Par la suite, en repensant à cette période atroce, les survivants seront secoués par la précision de certains souvenirs:
la jungle qui n'était plus que boue glacée, les arbres à demi dénudés qui ruisselaient; leurs silhouettes paraissant reliées aux nuages par du liquide; les nuances d'ardoise du ciel et la puanteur de la sève, celle de la terre; écorce délavée par les trombes incessantes !
Seuls s'entendaient les râles des mektoubs dont la peau laissait s'exhaler des nappes de brume.
Les quelques silhouettes d'allure hominique évoquaient plus des épouvantails pliés par les bourrasques.
Aucune parole ne troublait ce martellement des gouttes sur les ruines de ce temple oublié.
Pourtant les cris de douleurs devenaient plus fréquents,
ils s'intensifiaient tant que le grand bleu décida de se mouvoir de sa torpeur glacée pour s'approcher du seuil de l'unique bâtiment encore couvert d'un toit.
C'est dans les entrailles de ce temple abandonné, au cœur de la jungle Zoraï,
que l'une de ses plus valeureuses combattantes luttait à présent dans le froid pour tenter de donner la vie à un nouvel homin.
Avec une intendante de palais pour sage femme et une racine de psykopla entre les dents pour unique soutien de souffrance.
Tous ses compagnons d'armes étaient là,
hagards,
muets,
entourant cette petite tente de fortune montée au milieu de l'ancienne nef pour apporter un semblant d'intimité à la future mère.
Alors qu'encore quelques jours auparavant cette troupe vivait dans l'opulence et la gloire,
voici qu'à présent ils erraient dans la jungle,
chassés, bannis, reniés par leurs pairs suite à une terrible discorde.
Le grand bleu lança un regard inquiet à la jeune matis gestionnaire, celle ci s'efforça de sourire avant de se tourner vers la souffreteuse qui peinait à donner la vie.
Le tapis brodé, dernier vestige de leur gloire passée, se couvrait peu à peu d'un sang que les soins donnés ne tarissaient pas.
- Pousse ! Pousse, ça vient !
Bientôt la matis aida à émerger un petit corps chétif des entrailles de l'homine ;
celle ci, soulagée, recracha la racine d'entre ses dents pour sourire à celui qui arrivait,mais le regard de la matis brisa ce sourire, ainsi que le silence trop long...
- j'entends rien Drania, pourquoi il crie pas ?
Les regards se croisèrent, lourds de compréhension entre Kalbatcha et la matis.
-C'est le froid et l'humidité; il y a de quoi tuer n'importe qui alors une si minuscule chose, comment veux tu...
dit elle en entourant la petite dépouille d'un linge avant de l'emporter dehors tandis que plusieurs guerriers s'emparaient de leurs pioches pour aller creuser sa tombe.
- Reposes toi ! dit le grand bleu.
- Tu les laisseras pas le jeter dans la boue ? Promets moi !
- On lui fabriquera une petite boite...
En sortant, le Zoraï attrapa un tonnelet de shooki qu'il ouvrit à l'aide d'une pierre avant d'y introduire le corps enveloppé de son linceul.
Pendant que deux guerriers fyros creusaient la boue sous les torrents de pluie pour préparer une tombe quand l'un d'eux butta sur un obstacle étrange, enfoui dans l'écorce molle.
- t'as fait une bonne trouvaille Damakian ! dit Tazmuul
- On dirait un cube d'ambre des temps anciens ! constata le guerrier brun.
- venez voir vous autres, cria Tazmuul, Dama a trouvé un cube d'ambre !
Tous les homins s'approchèrent pour voir les deux fyros extirper du trou creusé cette relique haute d'une demi toise et luisant d'un éclat insolite sous ce déluge !
- En effet, c'est un trésor d'avant le grand essaim, il parle d'un culte dédié à Ma-Duk,
s'exclama le fyros brun en déchiffrant le texte...des guerriers noirs dévoués au grand géniteur !
- C'est rien d'autre qu'un tas de merde d'Arma oui ! jura Sterdz le géant !
Le lieutenant brun, devant cet affront, commençait à s'éloigner avec son cube lorsque Le grand bleu s'avança, tenant toujours le tonnelet entre ses mains !
- Il se trouve que Ma-Duk est notre dieu, nous lui devons tous d'être ici !
Descendant dans le trou creusé par les foreurs il brandit le tonneau devant le cube avant de le laisser choir dans la fosse.
Tous les homins se rassemblèrent en cercle autour du trou et se recueillaient en silence lorsque Damakian entra comme en transe et s'exclama :
- J'y vois la main des kamis !
Je vois un enfant mort que l'on porte en terre et un culte oublié qu'on sort à sa place !
Je vois le culte noir surgissant des ténèbres et je vois Kalbatcha, le chef des rôdeurs, devenir guerrier noir et,
s'enfonçant dans ces mêmes ténèbres, faire de nous les héritiers du culte noir et les prédicateurs de la vraie parole des kamis !
- Tout cela paraît incroyable, qu'en penses tu Kal ?demanda Alweenna
Soutenant le regard de Sterdz, Kalbatcha s'écria :
- Damakian a raison, c'est un signe; la voix de Ma-Duk !
- Des conneries tout ça, brailla le géant roux, Ma-Duk n'a rien à voir là dedans, c'est jamais qu'un vieux cube pourri qu'un imbécile aura enterré là un soir de beuverie...
Le guerrier n'eut pas le temps de finir de parler qu'une lame le transperçait de part en part, lame brandie par Damakian lui même.
- nom d'un yubo, mais qu'est ce qui t'a pris de faire ça ! hurla Chiana
- Il n'avait pas la foi, il n'était pas des nôtres et celui qui n'est pas avec nous est contre nous
et celui qui est contre nous, finira tout comme Sterdz au bout de cette épée !
les hérétiques qui nous ont poussés à partir vont payer,
nous sommes désormais les guerriers noirs de Ma-Duk et nous vivrons dans les ombres, par les ombres, comme des ombres
et ce jusqu'à ce qu'enfin prêts nous revenions pour faire triompher la foi véritable !
Une clameur monta des rangs de cette petite troupe tandis que la pluie cessait enfin de tomber et qu'un rayon de soleil éclairait timidement la tombe ouverte où désormais reposaient deux corps attendant d'être ensevelis.
C'est le lendemain que la troupe prit le chemin vers les primes racines, emportant le précieux cube avec eux et abandonnant leur ancien blason pour s'absorber dans une illumination sacrée qui compenserait leur abandon du ciel pour s'immerger dans les profondeurs de l'écorce.
A partir de ce jour le grand bleu porta un regard différent sur son lieutenant,
non qu'il fut complètement convaincu par les discours péremptoires et incandescents de Damakian,
mais du moins voyait-il certains avantages à ce culte ressurgi des ruines.
Tout d'abord il permettait aux idéaux des rôdeurs de se poser sur quelque chose de tangible,
des symboles vivants,
barreaux d'une échelle qui montait vers les univers supérieurs.
Car la spiritualité kami était avant tout une philosophie, une sagesse, une conception de la vie et de l'écorce.
Il lui manquait ce qui aurait pu établir son succès définitif auprès des peuples dominés par la karavan,
il lui manquait la chair,
c'est à dire les rites,
c'est à dire les spectacles,
c'est à dire les lieux sacrés et les gardiens assumés de ces temples, défenseurs de la vraie foi et exterminateurs d'infidèles.
Le culte noir fournissait cela et bientôt le comportement du grand bleu changea;
lui qui au début dédaignait les moments de recueillement et les prières devint bientôt le premier prêcheur avant d'exhorter tous les rôdeurs restants à psalmodier avec lui !
Bientôt les primes racines devinrent un temple géant dédié au grand géniteur !
Et les rôdeurs devinrent ses prêtres les plus dévoués!
Rôdeurs qui n'étaient plus que des ombres terrées sous l'écorce mais dont la foi irradiait tant quelle éclairait leur exil !
C'est à cette période que je les rejoint, comme de nombreux autres kamistes,
trouvant en ce culte un baume à mon cœur meurtri par les guerres intestines du désert et la perte de ma tendre promise.
Lorsque je questionnai le grand bleu sur le pourquoi de l'exil, voilà ce qu'il me répondit :
"Des rôdeurs sont devenus avides de pouvoir et ont voulu mener la guilde dans de sombres projets.
Ils étaient devenus fous,
oubliant les préceptes kamis,
orgueilleux et égoïstes,
ils sont désormais des sans fois ni lois combattants toux ceux qui peuvent nuire à leur soif de richesse.
Ils se nomment désormais les Meidjai !
Profitant de cette rupture, de nombreuses guildes impérialistes qui se disaient kamistes par défaut,
sans réelle conviction,
ne défendant que les intérêts fyros face à la nation matis,
se sont liguées pour nous évincer politiquement du désert où nous jouions le rôle des défenseurs des intérêts kamis
Nous préférâmes quitter nos palais plutôt que de couvrir de sang la sciure du désert !
Préférant l'exil à la perte de nos valeurs !
Nous devînmes donc les ombres des rôdeurs,
des proscrits se terrant dans les primes pour faire de nos esprits des armes affutées contre le mensonge et les artifices des hérétiques."
Le danger était constant en ce lieu, mais c'est dans ces conditions que devait renaitre le culte noir !
Par la lecture assidue des préceptes du cube et la pratique de la prière associée aux entrainements martiaux,
les ombres aiguisèrent leur volonté
et Damakian devenait petit à petit celui qu'on nommerait par la suite le "confident des ombres"
On le surprenait parfois parlant seul au détour d'une galerie, comme surpris en plein discussion avec un auditeur invisible.
Puis peu à peu des rumeurs se firent d'une silhouette noire aperçue rôdant autour du camp.
Certains parlèrent même d'une vieille zoraï au masque comme du charbon qui s'entretenait avec les kamis !
Cependant les nouvelles de la guerre dans le désert estompèrent vite ces rumeurs, fondées ou non,
pour que désormais tous les regards se tournent vers le grand bleu avec une seule question brulant toutes les lèvres : "quand ?"
Oui quand cesserait l'exil ?
Au fil du temps les ombres s'enflammaient ;
la proximité du cube sacré embrasait leurs regards et les échos des combats de la surface résonnaient en leurs cœurs ;
faisant bouillonner la sève jusqu'à l'éruption !
Alors que les meidjai déchiraient l'écorce par leurs assauts répétés et ininterrompus,
rester ainsi terrés devenait un supplice pour cette ancienne élite combattante !
Tant et si bien qu'un jour l'ordre fut donné par Kalbatcha « le grand bleu » de lever le camp et d'harnacher les mektoubs pour qu'enfin les peuples d'Atys puissent contempler le retour des rôdeurs et la puissance des guerriers noirs de Ma-Duk !
Et ainsi, le Quarta, Pluvia 4, 2e CA 2543, les rôdeurs sortirent des ombres et entamèrent leur longue marche jusqu'à Pyr !