Bagabou
Posted: Thu Jul 19, 2007 3:36 pm
Les contes de la guerre contre les kitins émerveillaient tant le tout venant, étranger de ces évènements, comme ils rappelaient des souvenirs à ceux qui la vécurent.
Cela faisait trois heures que le vieil homin racontait «*le passé*» à une assemblée d’enfants grossie des rangs d’adultes encore plus nombreux que la marmaille.
Sous la tente, Ma-Sung Dhao imita alors la voix d’une trykette… le conte se poursuivit ainsi…
... Une voix haut perchée.
«En regardant vos têtes, je suis obligée de faire ce que je vais faire…»
«Bouga ! Ourgawagagaga ! Hawagagaga !»
«J’invoque le «bagaboubou» !!!, lança la trykette à couettes rousses en levant ses poings vers le ciel.»
- Ha non…
- Non PomPom…
- C’est quoi le Bagabou ?
- On est crevé Pom !
- Vas-y PomPom !, l’encouragea un de ses compagnons trykers.
La frimousse de Pomky virevoltait entre les mines déconfites de chacun des volontaires embarqués pour contrer l’invasion kitin.
Tous les guerriers, mages et soigneurs que comptaient les quatre peuples avaient été envoyés au quatre coins du monde pour stopper les carnages perpétrés par leur ennemi séculaire.
Dans les ruines d’anciens édifices zoraï, une de ces troupes disparates pansait ses blessés et récupérait de la bataille de la nuit.
Ils attendaient la prochaine vague d'assaut de l'Ennemi.
Interpellé par le remue-ménage de Pomky, chaque combattant, oublieux de son animosité pour les autres races, semblait émerger de ses pensées moribondes.
«*BAGABOUBOU !!!*»
Un fyros, colossal, applaudit vivement des mains. Ses yeux emplit de félicité illuminait son visage rustre.
La petite dévergondée fonça sur Dressa une noble guerrière matisse et elle l’attrapa à la taille.
La championne de la cour royale fut prise au dépourvu quand la trykette souffla bruyamment de ses lèvres serrées contre le ventre exposé par l’armure de l‘homine des forêts.
Le long bisou produisit un son discordant mêlé de pétarade mouillée.
Chaque peuple voyait cette pratique commune de parents faisant cela sur le ventre dodu de leur bébé.
*BrrrRRRfffrRRRrFFRrrrr…*
Les yeux écarquillés par une telle familiarité, le geste pour repousser l’impudente chut mollement.
Tant par la fatigue que par le besoin inconscient d’être déconnectée un moment de l’horreur des combats, Dressa n’eut aucune résistance pour contrer le petit piranha qui vampirisait de bisous grotesques son ventre.
«BagaBaba…*BrrrrFFrrrBBRR…*»
Dressa sentit les chatouilles fourmiller ses sens. Sa colonne vertébrale communiqua à son cortex le souvenir d’une sensation d’enfant inoubliée même des décennies après.
C’était incongru ! C’était dégradant… mais ça chatouillait…
La matisse eut un rire contrit !
Sur le visage des autres combattants fleurirent des sourires.
«Arrêtez demoiselle Pomky, ça ne se fait pas…»
«Bagabou ?Bagabou «*Brrr Brrr ?*Toi triste, pas encore assez Bagabou ! »
Les petits doigts crochus grimpèrent et redescendirent aussi vite les cotes flottantes de la guerrière.
*BRRRRRRFFRRRRFFFRRRR……*
- HaaA hihihi ! Arrêtez…Hihahaha !
Les chatouillis eurent raison de la résistance morale de la championne de l’armée royale.
Elle eut carrément un éclat de rire qu’elle s’efforça aussitôt de contraindre tout en essayant de repousser plus fortement la sangsue à deux pattes et à trois couettes.
… Mais les lèvres de la trykette restaient soudées et continuaient de «bagabou-torturer» les chairs devenues électriques de la matisse.
- HO ! HAHAHI !!! Arrêt… HahihiiiihiIII !
Il y eut des rires joyeux en entendant la matisse rire aux éclats.
- *BrrrFRRR* faut dire le mot magique «Bagabouboubrrr » *BRRRRFFFFRRRRfffRRRR*
- HihiHAHAHihii…!
Les fyros connaissant la facétieuse trykette se délectaient du spectacle d’une matisse perdant tous ses moyens et dégringolant de son piédestal de la bienséance altière propre à son espèce.
Le choix particulier de cette matisse là aussi les amusait : Une lieutenant renommée parmi les siens.
La trykette se moquait de qui elle avait affaire. Que l’on fusse le palefrenier de la course des mektoubs ou bien son «impérialissime» majesté Dexton, si Bagabou était décrété, Bagabou serait.
- Baga…Hi hi !… Baga… Haha ! Bagaboubou !!! , hurla Dressa dans un effort surhumain.
*BRRRFFrrr…??*
La tête de Pomky ressurgit. Sourcil haut levé, regard exagérément interrogateur.
- Je souris… Je… stoppe… Plus de… tout va bien… mieux…, se défendit la guerrière essoufflée.
La trykette pinça ses lèvres et plissa ses yeux.
- Soit ! Je vous épargne votre seigneurie ! Vous avez été adoubagaboubisée ! J’adore ton rire !
Tout en souriant à son adresse, Dressa inclina poliment la tête saluant brièvement la trykette.
Le colosse fyros ne cessait de rigoler en tressautant sur son séant.
- Qui que je vais bagabouiser ?, fit Pomky en faisant le tour de l’assemblée en sautillant.
Le fyros rigolard comprima son rire en un gémissement à la note continue entrecoupé de petits hoquets. La tête baissée entre ses gros genoux, ses épaules s’agitaient nerveusement.
La trykette s’approchait…
Comme un enfant, il se mit à regarder les yeux brillants de larmes dans l’expectative d’être torturé à la chatouille. La trykette lui lança un regard de petit scorpion… si tant est que le scorpion lance ce genre de regard.
Les trois couettes s’agitèrent comme des pompons alors que Pomky sautait d’un pied sur l’autre, écartant ses bras et levant les paumes de ses mains prêtent à empoigner les bonnes grosses poignets de gros amour du soldat fyros Othexen.
-… non, pas moi…, dit timidement le colosse entre deux hoquets.
- t’en meurs d’envie ma grosse boule de poils !
- BOUGABOUGA !!!, cria Pomky.
Le gros fyros roula en boule au sol en explosant de rires… sans que la trykette n’eut à le toucher.
Tous les compagnons d’armes rire à la cantonade.
- Lui, je l’adore. BAGABABOUUU !
-HAHAHAhihihiHOINHUNHOIN !!!
Nouveaux rires des lacs, des forêts des déserts et de la jungle. Le rire d’Othexen était inconnu au registre des fous rires déments !
Pomky, approcha à pas de cuttler de sa «victime».
- Alors mon gros bébé joufflu, on broie du kitin avec sa grosse «mamasse» et quand je dis… «BAGABOU» …
- HOINHUNBROINBROIN !!!
- … y’a plus personne…
Les soldats, s’esclaffant, se donnaient des claques sur les cuisses en voyant leur infortuné camarade en proie à une hystérie de rires provoquée par le seul mot magique de la trykette.
- BAGA ?
-HOINHUNHUNHUN !!!, roulade au sol à gauche.
- BA ?
- HOINHUNBROINHUINHUIN !!!, roulade au sol à droite.
Rires collectifs, les larmes aux yeux pour beaucoup. Pomky alla de son propre rire.
En parfaite mascotte de la troupe, la trykette rassérénait toutes ces pauvres âmes endiguées dans leurs croyances, abruties par leurs convictions, aveuglées par leur ignorance.
Epuisés par les combats, démoralisés de la perte des leurs, chaque homin est le même face à la mort. Aucun ne sort indemne d’une expérience du feu, et ça, la trykette le savait. Et si elle-même s’était laissée aller silencieusement, cachée, à pleurer la mort des siens, elle se fit un devoir de redonner de la passion au cœur de ses compagnons.
Othexen était son ange gardien, Dressa une tacticienne hors paire qui avait abandonné son arrogance sur le champs de bataille pour diriger leur troupe traitant d’égale à égale. La compagnie des tireurs trykers avaient maints fois couvert leur replis ou ouvert des brèches… Et les zoraïs... ils voyaient leur jungle saccagée, meurtrie et gorgée de la sève répandue sur son sol de ses fils et de ses filles… Ils avaient prodigué maints soins et réconforts à tous.
Le rire est libérateur, c’était le trésor qu’offrait «PomPom» tel que ses compagnons la surnommait. Elle ne se battait pas très bien, elle n’était pas adroite avec les passes magiques. Tenir une arme à feu s’accompagnait forcément de deux exploits : dans le bon sens, et viser l’ennemi. Mais elle était là, et sa petite touche à elle valait plus que n’importe quel miracle de magie.
Ha ça… les matis disaient qu’elle était "une nuisance heureuse", les zoraïs «un esprit taquin touché par la facétie de Ma-Duk» et ô combien il est facétieux quand il s‘y met, les fyros «la petite sœur des lacs qui n’avait pas son pareil pour descendre le shooky», les trykers «elle est pénible autant qu’une trykette peut l’être mais plus attachante que la plus jolie d’entre elles, une merveilleuse épouse en quelques sortes»
Par le rire naît l’espoir et en ses temps de ténèbres… de ténèbres… tout est soudain noir… et froid… froid...
Pomky regarde le dard ensanglanté qui l’a frappé de dos.
Il a explosé les os de sa cage thoracique.
Sans n’avoir jamais su à quoi cela ressemblait, elle voit sa graine de vie au sol déchirée. Elle reconnaît instinctivement sa source de vie.
Le colosse arrête net de rire, il blêmit à vue d’œil.
La dernière taquinerie de "PomPom" est pour lui.
-… tu vois Othex, -elle déglutit une bile de sève-, je mets mon cœur à tes pieds…
Elle sourit, son regard devenu sans vie.
Le monde devient terne.
Le kipucka suzerain éjecte comme une pièce de boucher du billot le cadavre.
Les hurlements d’horreur fusent !
Les hurlements de rage rugissent à en faire trembler le sol et les arbres !
La vocifération démente du colosse fyros accompagne une masse fracassante explosant la cuirasse du monstre qui vacille et crève brutalement !
Le camps est attaqué. Les kitins déferlent !
Les matis usent de leur sorcellerie machiavélique, leurs pires sortilèges trouvent les kincher débordant les murets. Les bêtes touchées par la noirceur de leurs arcanes se recroquevillent comme de vulgaires insectes déshydratés.
Les zoraïs invoquent l’ire de Ma-Duk dans des tourbillons de magma électrique qui percutent et enveloppent des kinreys dont les yeux explosent, grillés par tant de puissance élémentaire.
Les fyros grondent comme autant de bêtes fauves. Leurs lames comme autant de griffes rencontrent les mandibules et les pinces effilées. A l’impact, rendues sauvages par la perte d’une «petite sœur des lacs», elles déchiquètent et arrachent aux masses de chitine, estropiant presque à chaque attaque dévastatrice.
Les trykers enclenchent le feu de leurs armes de tir et une averse de projectiles coupe, tranche, éclate tout kitin tentant d’approcher par leur côté. Les pantomimes des bestioles fauchées par la marée des balles les font ressembler à autant de pantins désarticulés atteints de violentes convulsions.
La bataille fit rage pendant des heures. Il n’y avait plus de Matis, de Fyros, de Zoraïs ou de Trykers, mais des homins. Un seul peuple, libre et fier guerroyant pour la même cause, sa survie.
Une bouffée d'épaisse fumée blanche s'envole et s'évapore sur le plafond de toile de la tente.
Sur l'assemblée plane un silence mortuaire.
Ma-Sung Dhao reprend d'une voix apaisée.
On ne les retrouva que le lendemain, après que les armées de Dexton eurent fait une grosse offensive sur cette partie des terres entre le désert et la jungle.
Huang-Zha faisait parti des troupes venues secourir les bastions de résistance dans la jungle.
Ma-Sung Dhao pointa de l’embout de sa pipe un zoraï campé contre un des portants de la tente. Toute l’assemblée se tourna vers l’homin. Celui-ci acquiesça d’un penchement de tête.
Le conteur poursuivit :
«Nos éclaireurs ne trouvèrent qu’un seul survivant qui agonisa dans mes bras et il me conta cette histoire sur cette petite trykette. Quand j’eus à fermer ses paupières, il souriait. Je crois même qu’il eut un petit hoquet de rire en se rappelant une espièglerie de celle qu’ils appelaient Pomky.
On n’a pas retrouvé la trykette parmi les homins tombés. Peut-être que les kitins l’ont emmené, poussé par leur instinct à ravir à la lumière ces fleurs que comportent l’hominité. Celles qui portent l’espoir en elles, cette lueur qui fait tant peur à notre Ennemi.»
Ma-Sung Dhao, tapota entre ses mains. Il avait fini son récit.
Les Zoraïs se retirèrent en silence le laissant seul avec sa pipe et le souvenir des visages que son imaginaire façonnait au gré de ses contes.
Certains eurent des gestes d’estime à l’égard du soldat Huang-Zha.
Se retrouvant pour seule compagnie de son calumet, le vieux sage laissa échapper dans un rond de fumée blanche un mot :
«Bagaboubou…brrr»
Il eut un sourire.
Ses yeux firent le tour de ses colifichets. L’un d’entre eux était un long morceau d’une griffe courbe de kincher.
Le conteur inspira profondément en considérant ce qui fut une arme de destruction.
… puis il se gratta dans le dos avec l’aide de la babiole fossilisée en soupirant d’aise.
«… enfin ça reste utile à ça…»
«bagabou…hihihi…»
Cela faisait trois heures que le vieil homin racontait «*le passé*» à une assemblée d’enfants grossie des rangs d’adultes encore plus nombreux que la marmaille.
Sous la tente, Ma-Sung Dhao imita alors la voix d’une trykette… le conte se poursuivit ainsi…
... Une voix haut perchée.
«En regardant vos têtes, je suis obligée de faire ce que je vais faire…»
«Bouga ! Ourgawagagaga ! Hawagagaga !»
«J’invoque le «bagaboubou» !!!, lança la trykette à couettes rousses en levant ses poings vers le ciel.»
- Ha non…
- Non PomPom…
- C’est quoi le Bagabou ?
- On est crevé Pom !
- Vas-y PomPom !, l’encouragea un de ses compagnons trykers.
La frimousse de Pomky virevoltait entre les mines déconfites de chacun des volontaires embarqués pour contrer l’invasion kitin.
Tous les guerriers, mages et soigneurs que comptaient les quatre peuples avaient été envoyés au quatre coins du monde pour stopper les carnages perpétrés par leur ennemi séculaire.
Dans les ruines d’anciens édifices zoraï, une de ces troupes disparates pansait ses blessés et récupérait de la bataille de la nuit.
Ils attendaient la prochaine vague d'assaut de l'Ennemi.
Interpellé par le remue-ménage de Pomky, chaque combattant, oublieux de son animosité pour les autres races, semblait émerger de ses pensées moribondes.
«*BAGABOUBOU !!!*»
Un fyros, colossal, applaudit vivement des mains. Ses yeux emplit de félicité illuminait son visage rustre.
La petite dévergondée fonça sur Dressa une noble guerrière matisse et elle l’attrapa à la taille.
La championne de la cour royale fut prise au dépourvu quand la trykette souffla bruyamment de ses lèvres serrées contre le ventre exposé par l’armure de l‘homine des forêts.
Le long bisou produisit un son discordant mêlé de pétarade mouillée.
Chaque peuple voyait cette pratique commune de parents faisant cela sur le ventre dodu de leur bébé.
*BrrrRRRfffrRRRrFFRrrrr…*
Les yeux écarquillés par une telle familiarité, le geste pour repousser l’impudente chut mollement.
Tant par la fatigue que par le besoin inconscient d’être déconnectée un moment de l’horreur des combats, Dressa n’eut aucune résistance pour contrer le petit piranha qui vampirisait de bisous grotesques son ventre.
«BagaBaba…*BrrrrFFrrrBBRR…*»
Dressa sentit les chatouilles fourmiller ses sens. Sa colonne vertébrale communiqua à son cortex le souvenir d’une sensation d’enfant inoubliée même des décennies après.
C’était incongru ! C’était dégradant… mais ça chatouillait…
La matisse eut un rire contrit !
Sur le visage des autres combattants fleurirent des sourires.
«Arrêtez demoiselle Pomky, ça ne se fait pas…»
«Bagabou ?Bagabou «*Brrr Brrr ?*Toi triste, pas encore assez Bagabou ! »
Les petits doigts crochus grimpèrent et redescendirent aussi vite les cotes flottantes de la guerrière.
*BRRRRRRFFRRRRFFFRRRR……*
- HaaA hihihi ! Arrêtez…Hihahaha !
Les chatouillis eurent raison de la résistance morale de la championne de l’armée royale.
Elle eut carrément un éclat de rire qu’elle s’efforça aussitôt de contraindre tout en essayant de repousser plus fortement la sangsue à deux pattes et à trois couettes.
… Mais les lèvres de la trykette restaient soudées et continuaient de «bagabou-torturer» les chairs devenues électriques de la matisse.
- HO ! HAHAHI !!! Arrêt… HahihiiiihiIII !
Il y eut des rires joyeux en entendant la matisse rire aux éclats.
- *BrrrFRRR* faut dire le mot magique «Bagabouboubrrr » *BRRRRFFFFRRRRfffRRRR*
- HihiHAHAHihii…!
Les fyros connaissant la facétieuse trykette se délectaient du spectacle d’une matisse perdant tous ses moyens et dégringolant de son piédestal de la bienséance altière propre à son espèce.
Le choix particulier de cette matisse là aussi les amusait : Une lieutenant renommée parmi les siens.
La trykette se moquait de qui elle avait affaire. Que l’on fusse le palefrenier de la course des mektoubs ou bien son «impérialissime» majesté Dexton, si Bagabou était décrété, Bagabou serait.
- Baga…Hi hi !… Baga… Haha ! Bagaboubou !!! , hurla Dressa dans un effort surhumain.
*BRRRFFrrr…??*
La tête de Pomky ressurgit. Sourcil haut levé, regard exagérément interrogateur.
- Je souris… Je… stoppe… Plus de… tout va bien… mieux…, se défendit la guerrière essoufflée.
La trykette pinça ses lèvres et plissa ses yeux.
- Soit ! Je vous épargne votre seigneurie ! Vous avez été adoubagaboubisée ! J’adore ton rire !
Tout en souriant à son adresse, Dressa inclina poliment la tête saluant brièvement la trykette.
Le colosse fyros ne cessait de rigoler en tressautant sur son séant.
- Qui que je vais bagabouiser ?, fit Pomky en faisant le tour de l’assemblée en sautillant.
Le fyros rigolard comprima son rire en un gémissement à la note continue entrecoupé de petits hoquets. La tête baissée entre ses gros genoux, ses épaules s’agitaient nerveusement.
La trykette s’approchait…
Comme un enfant, il se mit à regarder les yeux brillants de larmes dans l’expectative d’être torturé à la chatouille. La trykette lui lança un regard de petit scorpion… si tant est que le scorpion lance ce genre de regard.
Les trois couettes s’agitèrent comme des pompons alors que Pomky sautait d’un pied sur l’autre, écartant ses bras et levant les paumes de ses mains prêtent à empoigner les bonnes grosses poignets de gros amour du soldat fyros Othexen.
-… non, pas moi…, dit timidement le colosse entre deux hoquets.
- t’en meurs d’envie ma grosse boule de poils !
- BOUGABOUGA !!!, cria Pomky.
Le gros fyros roula en boule au sol en explosant de rires… sans que la trykette n’eut à le toucher.
Tous les compagnons d’armes rire à la cantonade.
- Lui, je l’adore. BAGABABOUUU !
-HAHAHAhihihiHOINHUNHOIN !!!
Nouveaux rires des lacs, des forêts des déserts et de la jungle. Le rire d’Othexen était inconnu au registre des fous rires déments !
Pomky, approcha à pas de cuttler de sa «victime».
- Alors mon gros bébé joufflu, on broie du kitin avec sa grosse «mamasse» et quand je dis… «BAGABOU» …
- HOINHUNBROINBROIN !!!
- … y’a plus personne…
Les soldats, s’esclaffant, se donnaient des claques sur les cuisses en voyant leur infortuné camarade en proie à une hystérie de rires provoquée par le seul mot magique de la trykette.
- BAGA ?
-HOINHUNHUNHUN !!!, roulade au sol à gauche.
- BA ?
- HOINHUNBROINHUINHUIN !!!, roulade au sol à droite.
Rires collectifs, les larmes aux yeux pour beaucoup. Pomky alla de son propre rire.
En parfaite mascotte de la troupe, la trykette rassérénait toutes ces pauvres âmes endiguées dans leurs croyances, abruties par leurs convictions, aveuglées par leur ignorance.
Epuisés par les combats, démoralisés de la perte des leurs, chaque homin est le même face à la mort. Aucun ne sort indemne d’une expérience du feu, et ça, la trykette le savait. Et si elle-même s’était laissée aller silencieusement, cachée, à pleurer la mort des siens, elle se fit un devoir de redonner de la passion au cœur de ses compagnons.
Othexen était son ange gardien, Dressa une tacticienne hors paire qui avait abandonné son arrogance sur le champs de bataille pour diriger leur troupe traitant d’égale à égale. La compagnie des tireurs trykers avaient maints fois couvert leur replis ou ouvert des brèches… Et les zoraïs... ils voyaient leur jungle saccagée, meurtrie et gorgée de la sève répandue sur son sol de ses fils et de ses filles… Ils avaient prodigué maints soins et réconforts à tous.
Le rire est libérateur, c’était le trésor qu’offrait «PomPom» tel que ses compagnons la surnommait. Elle ne se battait pas très bien, elle n’était pas adroite avec les passes magiques. Tenir une arme à feu s’accompagnait forcément de deux exploits : dans le bon sens, et viser l’ennemi. Mais elle était là, et sa petite touche à elle valait plus que n’importe quel miracle de magie.
Ha ça… les matis disaient qu’elle était "une nuisance heureuse", les zoraïs «un esprit taquin touché par la facétie de Ma-Duk» et ô combien il est facétieux quand il s‘y met, les fyros «la petite sœur des lacs qui n’avait pas son pareil pour descendre le shooky», les trykers «elle est pénible autant qu’une trykette peut l’être mais plus attachante que la plus jolie d’entre elles, une merveilleuse épouse en quelques sortes»
Par le rire naît l’espoir et en ses temps de ténèbres… de ténèbres… tout est soudain noir… et froid… froid...
Pomky regarde le dard ensanglanté qui l’a frappé de dos.
Il a explosé les os de sa cage thoracique.
Sans n’avoir jamais su à quoi cela ressemblait, elle voit sa graine de vie au sol déchirée. Elle reconnaît instinctivement sa source de vie.
Le colosse arrête net de rire, il blêmit à vue d’œil.
La dernière taquinerie de "PomPom" est pour lui.
-… tu vois Othex, -elle déglutit une bile de sève-, je mets mon cœur à tes pieds…
Elle sourit, son regard devenu sans vie.
Le monde devient terne.
Le kipucka suzerain éjecte comme une pièce de boucher du billot le cadavre.
Les hurlements d’horreur fusent !
Les hurlements de rage rugissent à en faire trembler le sol et les arbres !
La vocifération démente du colosse fyros accompagne une masse fracassante explosant la cuirasse du monstre qui vacille et crève brutalement !
Le camps est attaqué. Les kitins déferlent !
Les matis usent de leur sorcellerie machiavélique, leurs pires sortilèges trouvent les kincher débordant les murets. Les bêtes touchées par la noirceur de leurs arcanes se recroquevillent comme de vulgaires insectes déshydratés.
Les zoraïs invoquent l’ire de Ma-Duk dans des tourbillons de magma électrique qui percutent et enveloppent des kinreys dont les yeux explosent, grillés par tant de puissance élémentaire.
Les fyros grondent comme autant de bêtes fauves. Leurs lames comme autant de griffes rencontrent les mandibules et les pinces effilées. A l’impact, rendues sauvages par la perte d’une «petite sœur des lacs», elles déchiquètent et arrachent aux masses de chitine, estropiant presque à chaque attaque dévastatrice.
Les trykers enclenchent le feu de leurs armes de tir et une averse de projectiles coupe, tranche, éclate tout kitin tentant d’approcher par leur côté. Les pantomimes des bestioles fauchées par la marée des balles les font ressembler à autant de pantins désarticulés atteints de violentes convulsions.
La bataille fit rage pendant des heures. Il n’y avait plus de Matis, de Fyros, de Zoraïs ou de Trykers, mais des homins. Un seul peuple, libre et fier guerroyant pour la même cause, sa survie.
Une bouffée d'épaisse fumée blanche s'envole et s'évapore sur le plafond de toile de la tente.
Sur l'assemblée plane un silence mortuaire.
Ma-Sung Dhao reprend d'une voix apaisée.
On ne les retrouva que le lendemain, après que les armées de Dexton eurent fait une grosse offensive sur cette partie des terres entre le désert et la jungle.
Huang-Zha faisait parti des troupes venues secourir les bastions de résistance dans la jungle.
Ma-Sung Dhao pointa de l’embout de sa pipe un zoraï campé contre un des portants de la tente. Toute l’assemblée se tourna vers l’homin. Celui-ci acquiesça d’un penchement de tête.
Le conteur poursuivit :
«Nos éclaireurs ne trouvèrent qu’un seul survivant qui agonisa dans mes bras et il me conta cette histoire sur cette petite trykette. Quand j’eus à fermer ses paupières, il souriait. Je crois même qu’il eut un petit hoquet de rire en se rappelant une espièglerie de celle qu’ils appelaient Pomky.
On n’a pas retrouvé la trykette parmi les homins tombés. Peut-être que les kitins l’ont emmené, poussé par leur instinct à ravir à la lumière ces fleurs que comportent l’hominité. Celles qui portent l’espoir en elles, cette lueur qui fait tant peur à notre Ennemi.»
Ma-Sung Dhao, tapota entre ses mains. Il avait fini son récit.
Les Zoraïs se retirèrent en silence le laissant seul avec sa pipe et le souvenir des visages que son imaginaire façonnait au gré de ses contes.
Certains eurent des gestes d’estime à l’égard du soldat Huang-Zha.
Se retrouvant pour seule compagnie de son calumet, le vieux sage laissa échapper dans un rond de fumée blanche un mot :
«Bagaboubou…brrr»
Il eut un sourire.
Ses yeux firent le tour de ses colifichets. L’un d’entre eux était un long morceau d’une griffe courbe de kincher.
Le conteur inspira profondément en considérant ce qui fut une arme de destruction.
… puis il se gratta dans le dos avec l’aide de la babiole fossilisée en soupirant d’aise.
«… enfin ça reste utile à ça…»
«bagabou…hihihi…»