Ryzom

Elle tenait l’Epée Brisée.
La lame en était manquant à partir de son premier tiers. L’épée vivante des Alanowë n’était plus.

Et elle savait bien comment elle avait été brisée.

Là-bas, au dessus du nid de Kittin du Bosquet de l’Ombre, elle avait lancé son dernier défi. Il n’était adressé à personne, elle avait fini par hurler comme elle l’avait appris des Kamis il y avait maintenant… tant d’autres vies. Un hurlement qui avait fait vibrer l’air, et l’essence même d’Atys, un hurlement qui disait « Tuez-moi si vous pouvez ! »
Les kittins avaient hésités longtemps, et la petite matis, vêtue seulement d’un ensemble léger qui portait encore la griffe de Prysma, avait levé l’immense lame vivante des Alanowë au premier kincher qui avait approché.
Et il ne chargea que quand il vit la petite silhouette homin charger vers lui, charger directement dans la bouche d’écorce d’où il était sorti avec ses frères, comprendre d’où venait ce cri de défi si étrange.

Il n’y eu pas de combat, bien sûr.
L’enfant adoptive de Liandra, l’ancienne élève de l’Etoile d’Obsidienne, l’ex-Zoraï Blanche, n’avait jamais su se battre, n’avait jamais voulu se battre, ni encore moins n’en avait le corps capable de vivre un tel effort. L’épée fut brisée net, et les mandibules s’enfoncèrent dans sa chaire, la broyant par le thorax.
Elle se souvint d’une seule pensée, dans ses larmes… toutes les pensées qui avaient précédés n’avaient été que des larmes, pour Liandra.

La dernière pensée fut un sourire… « Leto, tu ne m’aura jamais eu… tu ne m’aura jamais eu… »

Tout était fini.
Tout aurait du finir.

Mais Leto avait prédit que rien ne pouvait finir. Désormais elle comprenait en partie le sens de ces mots.
Ne pas vieillir. Ne pouvoir mourir. Elle vivrait sans doutes tant qu’il serait possible que son souffle revint, même si elle ignorait bien de quelle manière il pu revenir. Mais par deux fois, elle savait qu’elle s’était vue mourir, et par deux fois, elle vivait à nouveau.

Elle serait à jamais la dernière Alanowë.

…

Il lui faudrait du temps pour se remettre. Elle avait erré sans mémoire pendant trois semaines dans la Jungle, et n’avait recouvré ses facultés que lentement. Elle n’avait pas mangé, et à peine bu, et remerçiait Jena que son passé de Zoraï adoptive lui ai rendu la connaissance des Jungles plus facile. Sinon, elle aurait sans doutes achevé sa course dans un estomac de Torbak, et se demandait bien quel pouvoir pourrait encore la ramener en vie après cela.

Elle avait souhaité revoir Yrkanis, après avoir retrouvé sa petite chambre dans le hall de la Garde Noire, à Pyr. Elle n’avait jamais aimé la ville du désert, et c’est avec soulagement qu’elle s’était abrité sous les frondaisons de la cité matis, où elle ne craignait désormais plus grand chose.
Le nom de la Nemesis ou de Psychée ne devait plus éveiller grand écho.

Elle avait revu la forteresse de l’Etoile. Vide. Avait croisé la dernière Maitresse de la Maison de l’Etoile d’Obsidienne, qui lui avait dit que tout avait disparu dans ces quatres dernières années. Fantôme veillant sur un mausolée. Psychée s’était présenté, mais la Maitresse de l’Etoile avait semblé loin au delà de ces considérations de titres ou de politesse… Quand à l’épée de Liandra, son épée familiale, rien ne la rendrait à la vie. Une épée vivante ne peut se reforger.

Psychée retira doucement les pierres d’ambre et les parements qui ornaient le pommeau, et la garde de l’arme défunte. Il n’y avait plus de forgeron dans l’Etoile pour reforger une épée, mais il restait bien des matis pour accomplir un exploit semblable à celui qui avait donné naissance à une lame que Psychée savait être vieille de dizaines d’années.

Il faudrait du temps.
Mais il lui sembla que c’était là le bien plus précieux, et abondant qu’elle aurait jamais, au delà de toutes les espérances des Homins…


…

Elle se leva, doucement, laissant son corps affaibli s’habituer à supporter les exercices qu’elle faisait pour se remuscler, et tenant les restes des symboles de la Maison Alanowë, elle erra dans les murs de la Garde Noire.
Edge était de retour… et elle voulait, simplement, le saluer…

/HRP/ J'aime beaucoup /HRP/

Subitement le vacarme habituel du marché de Dyron sembla s'évanouir aux oreilles du Matis. Edge n'en revenait pas, et restait planté là, devant Melowen, porteuse de l'incroyable nouvelle.

Psychee était vivante, et elle était revenue !

Il tenta de rassembler ses esprits. Tout le monde pensait la jeune Matis morte, elle qui avait quitté secrètement le camp il y a de cela plusieurs années à présent. Décidement, elle était vraiment plus que déroutante.

Et comment pouvait-il également oublier qu'il s'était engagé sur son honneur, lui comme les Libres, à la protéger de son mieux, lorsque Liandra et elle les avaient rejoints, puis encore plus à la disparition tragique de celle-ci.

Il avait failli.

Mais comment protéger une personne, lorsque son plus grand ennemi se trouve au plus profond de son esprit et de son corps ... Comment protéger quelqu'un contre lui même ...

Elle était si différente de lui. Un chemin sinueux et tourmenté des épreuves douloureuses de la vie, dont il était impossible de prévoir la prochaine courbe. La douleur, il vivait également pour sa part avec elle depuis ses premières années, mais elle lui avait au contraire donné une trace droite qu'il suivait sans relache.

Mais la joie l'avait déjà envahi. La jeune Psychee était en vie, de retour au Hall des Libres où elle goûtait au repos nécessaire, et c'était un bon jour.

Il sourit de cette nouvelle. Et aussi car il savait que malgré tout, il devrait commencer par la gronder. Même si sa fuite était venue de son désespoir, comment pouvait il faire autrement ...



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