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Journal d'une Matis

Posted: Mon Aug 07, 2006 10:14 am
by tnaara
Journal de Titana

Le temps est magnifique aujourd’hui. Comment est-ce possible ? Cela ne devrait pas être … Nous venons de perdre notre avant-poste, si durement acquis, tant espéré, tant rêvé. Le bastion de Jena dans le désert n’est plus …

J’ai lutté vaillamment derrière les Marcheurs d'Atys, les relevant sans cesse au péril de ma vie. Maintes fois, je suis tombée ; à maintes reprises je fus relevée. Nos alliés et nous-mêmes avons tout tenté pour repousser les hordes kamistes … Mais comment lutter contre tant d’homins avides de vengeance ?

Nous sommes tombés … Notre avant-poste est tombé … Le bastion jénaïque dans le désert Fyros est tombé … Et moi, Titana, moi qui crois si fort en ma déesse et en mon peuple, j’en suis soulagée …

Soulagée. Oui, c’est le mot qui convient. Qui pourrait le comprendre ? Qui pourrait comprendre à quel point, durant la bataille, je suis allée d’horreur en horreur ? En face de moi, ce n’était pas que de simples kamistes inconnus ! Non … Cela aurait été tellement plus simple pourtant ! Mais mon regard horrifié voyait des amis à moi, des kamistes et des neutres que j’ai connus dans les Lacs et que j’ai appris à apprécier, malgré notre différence de religion … Wouchi, Atrynx … Oh, Atrynx, que fais-tu ici ? Fuis ! Je ne supporterai pas de te voir à terre …

Oh Jena, aide-moi ! Je suis encore en train de revivre cette scène horrible … Atrynx, toi le soigneur Tryker, mon ami, es de nouveau allongé à terre, face au sol. Je m’approche comme dans un cauchemar, ne voyant plus rien autour de moi, n’entendant plus les cris de victoire de nos alliés. Tu es là, à mes pieds, victime d’une guerre qui soudain n’a plus aucun sens … Je ne peux que m’agenouiller devant toi et rester là en attendant que ton dieu te rappelle à lui …

Je veux que tout s’arrête ! Donnez-leur notre avant-poste, de toutes façons ils vont le gagner ! Mais par pitié, que tout ceci s’arrête ! Je ne veux plus voir de Marcheurs à terre, je ne veux plus voir mes amis s’entretuer pour un bout de terre … Je ne veux plus le voir, lui, sans vie devant moi …

Oh Jena, pardonne-moi ces pensées ! Je dois lutter pour mon bien si chèrement acquis, je dois lutter pour toi, pour mon peuple, pour les miens … Je retourne sur le champ de bataille, même si je dois soigner les yeux fermés …

Et voilà, tout recommence … Nous nous faisons décimer par l’armée ennemie … Et moi, je ne pense qu’à une chose : pourvu qu’Atrynx soit à l’abri ! Il faut que je me raisonne … Que je me concentre … Relever les Marcheurs … Ne pas les laisser mourir … Jena, aide-nous ! Ils sont trop nombreux ! Oh, je me sens mourir … Je suis au sol … Nous sommes tous au sol … Ces cris de victoire que j’entends, ce ne sont plus les nôtres …

Atrynx ! Où es-tu ? Es-tu en train de fêter notre mort, toi aussi ? Oh, je te vois … Tu t’approches de moi doucement, et dépose une fleur devant moi. Tu as l’air si triste ! Se pourrait-il que … ? Non, je ne veux pas y penser … Je sens Jena qui me rappelle à elle … Adieu Atrynx … Je ne reviendrai pas ici ce soir … Tout est perdu …

Oui, tout est fini … Je suis de nouveau dans mon appartement de Fairhaven, en train d’écrire sur ce parchemin. Je ne veux plus penser à tout ceci … Ne plus penser à Atrynx … Jena, je vais arrêter d’écrire et vais aller au temple d’Yrkanis te prier. J’arrive, attends-moi …

*********************************************************

Prier Jena m’a apaisée. Je retrouve peu à peu la paix intérieure. Je me force à ne pas penser à Atrynx et à me concentrer sur ma vie actuelle.

Je vis toujours avec Lao-Shan, et ce choix curieux ne semble pas plaire à tous les Marcheurs. Tant pis. Ils devront faire avec. Si cela peut les rassurer, je ne l’aime pas. Je ne l’ai choisi que pour tenter d’oublier enfin Nico.
Oh Nico, pourquoi es-tu parti à jamais ? La vie était tellement belle et simple avec toi ! Peut-être que les bras de Lao apaiseront un peu mon chagrin de t’avoir perdu … J’ai mis si longtemps à accepter ta disparition ! Je dois tourner la page …

Pourquoi Lao-Shan ? Beaucoup de Marcheurs doivent se le demander sans oser m’en parler. Si je leur disais que je l’ai choisi parce qu’il est bien fait de sa personne, parce que nous avons le même caractère impossible, mais surtout pour protéger ma sœur contre lui, ils ne comprendraient pas. Et pourtant … Lao a détruit la vie de Nymphéa, et sans Ser Amatsu, elle ne serait plus de ce monde aujourd’hui. Mais Lao-Shan l’aime toujours et ne la laisse pas en paix. Tout ce que je peux faire pour tenter de les protéger contre lui, elle et sa famille, est de détourner l’amour de Lao sur moi … J’avoue que pour l’instant, c’est un échec. Il suffit de voir le regard qu’il lui porte lorsque nous la rencontrons pour me persuader du contraire.
Cependant, je reste avec lui. Je ne suis pas si mal après tout. Il voit toujours Amano, je le sais … Il ne saura jamais se contenter d’une seule homine.

Pourquoi est-ce que je reste alors ? Pourquoi pas ? Je ne suis plus capable d’aimer … Nico est parti avec mon cœur … pour toujours … Alors, quelle importance ?

Atrynx … Pourquoi est-ce que je viens d’écrire son prénom ? Je ne veux plus penser à lui … Il est kamiste, je suis karavanière, Jena me souffle sans cesse de ne plus penser à cet homin égaré. Alors je n’y penserai plus …

Aujourd’hui, je vais aller forer dans les Lacs. Mon artisanat Tryker stagne en ce moment … Je suis à court de fibres une fois de plus. L’éternel problème de l’artisan … Nous passons plus de temps à forer qu’à tisser ! Je me demande si Atrynx voudrait m’aider … Oh non, voilà que je recommence ! Je-ne-dois-plus-penser-à-lui ! Oh Jena !!! Si tu ne m’aides pas, je vais lui écrire un mot dans la minute qui vient … Je DOIS le voir ! Même sans lui parler ! Juste le regarder et m’imprégner de lui …

Mais que m’arrive-t-il ? Quelles que soient mes pensées, elles reviennent toujours à lui ! Se pourrait-il que je … ? Non ! Je ne veux même pas y penser ! L’amour est mort à jamais en moi, et puis … il est kamiste ! Mais c’est aussi un homin merveilleux, ne pensant qu’à aider et soigner les autres, toutes races et religions confondues … Un homin comme on en voit peu.

Jena, pardonne-moi, je vais lui écrire. Je n’arriverai à rien faire de la journée si je ne le vois pas. J’irai te prier ensuite … Attends-moi …

*********************************************************

Je l’ai vu et … ma vie a changé. Il n’a pas cru à mon prétexte pour le rencontrer. Je l’ai lu dans ses yeux.

Nous avions rendez-vous à la Source, au bord est du Lac. En lui proposant ce lieu, je n’ai pas songé un instant qu’il devrait venir du tp kami … et donc traverser des zones dangereuses pour me rejoindre. Ni que, pour parfaire l’entrainement intensif qu’il suivait avec Ser Amatsu dans le but de combattre la Goo, il portait en permanence un bandeau sur les yeux, et ne pourrait donc pas lire mon message …

Combien de temps s’est-il écoulé entre le moment où il a reçu ma lettre et celui où quelqu’un la lui a lu ? Je l’ignore … mas pour moi, ce fut une éternité …

Quand enfin il a ouvert un Lien télépathique avec moi, j’ai cru que mon cœur allait cesser de battre. Il acceptait de me rencontrer !!! Ah, sa voix dans ma tête … Je l’entends encore qui vibre au plus profond de mon âme …

Je crois bien que je n’ai jamais fait aussi vite pour briser un cristal de sève ! Quelques secondes plus tard, la technologie de la Karavan m’avait déjà amenée au téléporteur de la Source.

L’attente … L’attente interminable au bord du Lac, à rêver, à m’inquiéter, à tenter de me raisonner, à prier Jena pour qu’il arrive enfin.

Jena ? Pourquoi exaucerait-elle mon vœu ? Atrynx n’était pas un de ses suivants ! Il n’était pour elle qu’un homin égaré et recueilli par les ténèbres de Ma Duk !

Je frissonne encore de ce que j’ai ressenti alors. Comme un pressentiment. Quelque chose allait arriver à Atrynx, Jena ne lui permettrait pas d’arriver en vie jusqu’à moi.

Je compris soudain : il venait forcément du téléporteur kami ! Oh Jena, es-tu si en colère contre moi pour ne pas m’avoir soufflé ceci plus tôt ? Le chemin entre son téléporteur et le Lac est semé d’embuches mortelles …

Et toi, Atrynx, pourquoi ne m’as-tu rien dit ? Nous aurions pu nous rencontrer ailleurs ! Jena, s’il s’en sort vivant, je te promets de tout faire pour l’oublier …

J’ai couru plus vite que jamais, enfilant promptement mes amplificateurs magiques sans arrêter ma course. J’ai volé à sa rencontre, contournant le Lac par le sud. Et là, je l’ai vu. Une forme inerte au sol, à deux mètres seulement de l’eau salvatrice.

Comment n’ai-je pas crié ? Je l’ignore … J’ai lancé plus de sorts salvateurs que nécessaire … je ne pouvais plus m’arrêter. Il s’est assis, puis levé ; toute trace de blessure avait disparu grâce à la magie.

Son sourire … Je le revois encore … Et ses paroles ! Il m’a dit que j’étais la plus belle Matis des Lacs ! Je ne devrais pas y prêter attention, il y a fort peu de Matis dans Aeden Aqueus … Mais … je souris encore en écrivant ses mots …

*********************************************************

Côte à côte.

Nous étions si proches en cet instant et pourtant si loin …

Le Lac nous faisait face. Le soleil plongeait peu à peu en son sein, faisant danser sur l’eau une multitude de paillettes lumineuses variant de l’orange clair au rouge sombre. Vision magique dont nous étions les uniques spectateurs …

J’osais à peine le regarder. Il était là, si près de moi, que je me sentais fondre comme un bloc de glace au milieu du désert Fyros.

Jena, je t’ai promis de tout faire pour ne plus penser à lui s’il survivait ! Mais comment puis-je exaucer ma promesse alors que j’entends son souffle paisible si près de moi ?

Je me suis allongée sur la sciure. Face au ciel étoilé. J’ai regardé l’infini pour m’y perdre à jamais …

Sans mot dire, il s’est allongé sur le dos, lui aussi, semblant regarder les étoiles.

"Raconte-moi ce que tu as ressenti sur le champ de bataille, Titana …"

Alors j’ai parlé … J’ai raconté mes peurs, mes doutes, mes angoisses … J’ai raconté l’horreur que j’ai éprouvée en te voyant, toi, Atrynx O’Diggan, étendu à terre … J’ai oublié les étoiles, j’ai oublié les Lacs, j’ai même oublié Jena. Je n’étais plus qu’une homine perdue au milieu de l’absurdité d’une guerre.

Sa main.

Il venait de tendre son bras entre nous, et sa main ouverte attendait la mienne, à mi-chemin entre lui et moi, telle une promesse merveilleuse.

Je n’ai pas réfléchi.

* Jena pardonne-moi, mais je ne peux plus me contrôler. *

Nos mains forment à présent un lien entre nous. Toute mon âme est prise dans un tourbillon vertigineux, plongeant aveuglément dans cette sensation extrême de nos mains se touchant à travers nos gants de tissu fin.

Vaness, si tu me voyais ! Toi, mon amie si chère, celle que je considère comme ma sœur ! Toi seule sais ce que je ressens pour lui ! Si seulement j’osais lui dire, à lui ! Mais quelque chose m’en empêche … Est-ce ma fierté Matis, est-ce mon amour de Jena, est-ce la peur devant ce fossé qui nous sépare ? Je l’ignore. Mais ces mots qui résonnent telle une évidence dans ma tête, même sur ce parchemin je n’ose les écrire …

Un flot de parole sortit de ma bouche, telle une litanie secrète confiée à une oreille bienveillante. Atrynx ignorait encore que j’étais avec Lao-Shan. Que son meilleur ami était devenu mon compagnon. Je sentais que je ne pouvais lui cacher cela. Les mots sont sortis tous seuls, racontant comment j’avais désespérément tenté d’oublier Nico, comment j’avais porté mon choix sur un Matis dans l’unique but de sauver ma sœur de lui.

Point épineux de ma vie, dont je ne suis pas très fière. Mais je l’ai fait pour elle … Pour Nymphéa. Pour qu’elle n’ait plus à vivre avec le fantôme de Lao-Shan la poursuivant sans cesse … et rodant telle une âme en peine, l’arme à la main, menaçant tour à tour chaque membre de sa famille.

Oh Jena, pourquoi ne m’as-tu pas empêchée de dire pareille vérité ? Je savais que par ces mots, je risquais de perdre Atrynx à jamais. Mais je n’aurais pas pu garder la tête haute si je lui avais caché plus longtemps la vérité.

Soudain, il a compris.

"Lao-Shan … mon meilleur ami … Oh non …"

Son regard. Son visage soudain si blême. Le mouvement de recul qu’il a eu … C’était atroce. Il s’est levé d’un bond et s’est éloigné sans un mot, restant comme figé à une dizaine de pas de moi, me tournant le dos, transperçant mon cœur par son silence plus sûrement que ne l’aurait fait son épée.

"Pardonne-moi … Je suis indigne de rester ici, avec toi … Je m’en vais …"

Et ces mots qui eurent tant de mal à sortir de mon gosier :

"Adieu Atrynx …"

Je me suis éloignée à pas lents mais résolus, m’efforçant de ne pas ressentir ces mille aiguilles qui s’enfonçaient dans mon cœur à chacun de mes pas …

*********************************************************

"Attends, reviens !"

Un choc. Je me suis arrêtée net.

"Tu n’as pas à t’en aller …"

L’espoir à présent. J’ai fermé les yeux et remercié muettement ma déesse.

Il me fallait maintenant me retourner et l’affronter.

Je ne regrettai pas ce que j’avais fait avec Lao-Shan. Cela devait être tenté. Pour Nymphéa. Mais, malgré les dernières paroles rassurantes du Tryker, j’étais terrifiée à l’idée qu’il pourrait à présent me détester.

* Jena, donne-moi la force … *

Ce ne fut pas Jena qui m’aida, mais Atrynx lui-même, grâce à son lien télépathique. J’ai soudain ressenti en moi une chaleur, douce et apaisante. La même que j’avais déjà ressentie sur le champ de bataille, alors qu’il tentait à sa manière de m’aider à supporter les horreurs de la guerre.

J’ai fait demi-tour, cherchant inconsciemment son regard. Mais je n’ai rencontré qu’un bandeau sur ses yeux, celui-là même grâce auquel il parvenait à tenir à distance les effets ravageurs de la Goo.

Pourquoi ne m’a-t-il pas laissé partir ? Se pourrait-il que lui aussi … ? Non. Impossible. Je me fais des idées. Il est juste sous le choc de ce que je lui ai révélé …

Atrynx est revenu vers moi et m’a parlé.

Il ne doit pas savoir … je suis karavanière et il est kamiste, rien ne pourrait combler ce fossé qui nous sépare …Oh par Jena, il faut que j’arrête de trembler, il va finir par s’en apercevoir !

Sa voix résonne encore à mes oreilles, empreinte de douceur et de chaleur.

"Lao-Shan … Il est mon meilleur ami mais il ne comprendra jamais que l’amour ne se partage pas avec plusieurs homines à la fois … Tu as bien fait de le quitter. Tu mérites d’être heureuse et ce ne serait pas le cas avec lui."

J’ai essayé de détourner mon regard de lui, mais en vain. Mon espoir de bonheur se tenait là, devant moi, sous l’apparence de ce Tryker aux yeux bandés et à l’éternel bandana. Je remarquai soudain qu’il avait caché son médaillon kamiste et j’en fus stupéfaite. Pourquoi avait-il fait cela ? Mes doigts se posèrent alors sur le symbole de mon lien avec ma déesse et je le cachai moi aussi sous mon petit vêtement zoraï. Comme pour combler ce fossé religieux qui nous séparait. Comme pour lui montrer que j’étais une homine et non pas seulement une croyante. Ceci m’a fait sourire. Comme si, par ce simple geste, je devenais un peu sa complice. Ces médaillons désormais cachés formaient comme un lien invisible entre nous … et c’était merveilleux.

Soudain, il s’est effondré.

"Atrynx !!!"

J’ai couru vers lui, incrédule, paniquée, perdant un instant tous mes réflexes de soigneuse.

"Atrynx, que t’arrive-t-il ?"

Il était là, devant moi, quasi inconscient … Ses lèvres essayaient de remuer mais ce fut par télépathie qu’il réussit à me parler.

"Appelle Amatsu … Vite ! « Elle » m’attaque …"

Jamais je n’ai aussi vite écrit un mot, jamais je n’ai aussi vite intercepté un izam messager.

* Vole, Izam, vole de toutes tes forces … Trouve vite Amatsu, il le faut … Je ne supporterais pas de perdre Atrynx … *

Et tandis que tous mes espoirs se portaient vers Amatsu, mes gestes de soigneuse reprirent le dessus et je m’occupai d’Atrynx du mieux que je le pouvais.

Il était couvert de sueur et était toujours inconscient. Mes remèdes ne pouvaient rien pour lui, et j’enrageais d’impuissance en me contentant de lui rafraîchir le front avec un linge trempé dans l’eau du Lac …

*********************************************************

"Vous êtes contente de vous ? En une seule rencontre avec lui, vous avez réussi à briser un an d’entraînement !"

Les mots d'Amatsu étaient tombés, secs et blessants. Mais pour la première fois de ma vie, je ne répondis rien à une attaque verbale contre moi.

"Que lui arrive-t-il ? Pouvez-vous le sauver ?

- Ce qu’il lui arrive ? J’ignore ce que vous avez fait mais cela a permis à la Goo de briser les défenses d’Atrynx …Félicitations !"


Je me suis senti pâlir, comme si ma sève quittait mes veines à jamais.

"Que puis-je faire ?

- Dites-lui une bonne fois pour toute que vous l’aimez, c’est tout ce que vous pouvez faire.

- Mais … ???

- Inutile de me mentir, c’est moi qui ai lu votre lettre à Atrynx. Vous le perturbez et il en délaisse son entraînement. Ses pensées sont troublées et il ne parvient plus à se concentrer pour se battre contre la maladie. Arrêtez donc de tourner en rond, dites-lui que vous l’aimez !

- Mais je ne …

- Reculez maintenant. Vous me gênez."


Moi qui suis si fière d’ordinaire ai reculé sans mot dire, lâchant avec peine la main du Tryker inconscient.

Amatsu ouvrit alors un Lien télépathique avec Atrynx, communiquant directement avec l’esprit de l’homin gisant au sol.

Cela dura longtemps … Que se passait-il durant ce Lien ? Je l’ignore … Atrynx m’avait promis de m’enseigner cet art, mais en aurait-il seulement l’occasion ? Se relèverait-il de cette attaque de la Goo ?

J’aurais voulu m’éloigner et aller me rafraîchir dans l’eau apaisante du Lac mais mon corps refusait de bouger. Je sentais confusément que mon aveu concernant Lao-Shan avait précipité Atrynx à terre aussi sûrement que l’aurait fait un coup d’épée.

De la sève commençait à sortir de sa bouche.
Je me souviens de la peur qui me saisit alors. Comme si on me précipitait dans un gouffre sans fond … Comme si je sentais la vie s’échapper à jamais de cet homin que j’aimais sans oser l’avouer à quiconque, sauf à mon amie Vaness.

Alors je me suis de nouveau approchée, faisant fi de l’ordre d’Amatsu, et j’ai repris sa main. Des mots sont sortis de mes lèvres, des mots que je gardais depuis si longtemps au fond de moi qu’ils ne demandaient qu’à s’échapper …

"Lutte de toutes tes forces Atrynx ! Tu ne peux pas mourir maintenant ! Tu dois vivre ! Je veux que tu vives parce que …parce que je … je t’aime …"

Le silence retomba lourdement sur les Lacs. Mais ces derniers mots, cet aveu enfin libre de s’envoler, sembla longtemps planer autour de moi, résonnant inlassablement à mes oreilles.

La sève cessa peu à peu de couler de la bouche d’Atrynx. Bientôt, elle apparut aux commissures des lèvres d’Amatsu. Le mystère du Lien restait total, mais je savais que cela signifiait que c’était en train de marcher. Atrynx lâcha brusquement ma main, et ce fut pour moi comme un déchirement. Cependant, je restai là, sans bouger, le cœur rempli d’espoir.

Peu à peu, le visage d’Atrynx se recolora tandis que celui d’Amatsu se crispait. Enfin, à un moment béni de Jena, Atrynx ouvrit les yeux. Je crus m’évanouir de bonheur. J’interrogeais muettement Amatsu du regard.

"Il est sauvé."

Je remerciais conjointement Jena, Ma Duk et Amatsu pour ce miracle, ne me rendant même pas compte de l’illogisme de ma prière.

Ce fut alors que nos regards se croisèrent. L’espace d’un instant, plus rien n’exista sur Atys hormis Atrynx et moi … Quelque chose de nouveau brillait dans son regard … J’étais comme hypnotisée …

J’entendis alors sa voix dans mon esprit ; cette voix douce et merveilleuse …

"Moi aussi …"

Incrédule, plus heureuse que jamais, je sentis apparaître sur mes lèvres le même sourire que celui qu’arborait cet homin devant moi, celui que j’aimais … et qui m’aimait également …

Amatsu nous sortit de notre délicieuse torpeur.

"Titana, tu devrais lui redire ce que tu lui as dit quand il était dans le coma …

- Je sais … J’ai entendu …"


Un sourire de connivence anima Atrynx alors qu’il me regardait.

"Alors, réponds-lui ! Dis-lui ce que ton esprit m’a avoué durant le Lien !

- Je lui ai dit aussi …"


A cet instant, j’aurais aimé être seule avec lui sur la plage … Mais Amatsu était là … cet homin que je n’appréciais guère et qui ne faisait que me tolérer lui aussi.

"Très bien. Titana, il doit se reposer à présent. Rentre chez toi, je m’occupe de lui.

- Je sais … Repose-toi bien Atrynx …"


Tandis que les deux Trykers s’éloignaient côte à côte, l’un d’eux se retourna un instant et me regarda longuement, tandis qu’une voix familière retentissait de nouveau dans ma tête …

*Rejoins-moi ce soir, sous ma tente à Zora … *

* Je viendrai … *


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Heureuse.

Aucun autre mot ne me vient à l’esprit tandis que ma plume court sur ce parchemin. Le bonheur fait partie de moi, nourrissant mes veines, emplissant mon cœur, gonflant mes poumons à les faire éclater.

Cela fait plusieurs semaines qu’Atrynx et moi nous aimons en secret. Nous nous efforçons de rester discrets, mais comment cacher à tous cette lueur qui brille dans nos yeux lorsque nous nous regardons ?

Au début, nous parvenions à nous quitter à quelques centaines de mètres de l’entrée de Fairhaven … Mais plus le temps passe et moins nous parvenons à nous lâcher la main. Hier, nous avons été comme pris de folie, et nous sommes offerts le luxe de rester main dans la main jusqu’à la porte de la ville …

Prudence !

Ma raison me hurle ce mot, mais elle est submergée par l’inconscience de mes sentiments. Je ne contrôle plus mes gestes, la menace planant sur nous me semble quasi irréelle. Comme si la magie de notre histoire suffisait à nous protéger contre le fanatisme religieux et l’incompréhension …

Près de l’étable, j’ai aperçu deux Matis qui me connaissent. Je m’en moque. Jamais Jena ne leur permettrait de briser mon bonheur. Sa Lumière va attirer leur regard ailleurs, j’en suis certaine. Je me revois sourire par-dessus l’épaule d’Atrynx, me sentant invincible, prête à défier tous ceux qui voudraient nous séparer, tandis que nous restions un moment enlacés, défiant ouvertement les esprits obtus, profitant juste du bonheur d’être ensemble ...

Alors que j’écris ces mots, une conversation entre lui et moi me revient. Nous étions alors près du téléporteur kami d’Yrkanis. Le temps était splendide et nous étions blottis l’un contre l’autre, non loin de la falaise.

Je lui avais avoué souffrir de devoir vivre notre amour en secret et vouloir le clamer haut et fort. J’étais prête à affronter tous ceux qui ne comprendraient pas … prête à tout quitter pour le suivre …

Comment a-t-il fait ? Quelques simples mots de sa part ont suffi à faire taire cette colère qui grondait en moi ; à refouler cette impatience qui aurait pu détruire notre bonheur si fragile.

J’ai compris alors que même la puissance de notre amour ne pourrait rien contre la folie religieuse ; que tout quitter pour le suivre ne nous apporterait que du malheur ; que notre seul espoir résidait dans notre discrétion …

Oh Jena, pourquoi tant de fanatisme en ce monde ? Pourquoi deux homins tels que nous n’ont-ils pas le droit de s’aimer ouvertement ? En quoi le fait que l’un adore un dieu et l’autre une déesse est-il une barrière infranchissable ? Mon cœur est empli de questions … Réponds-moi, ma Déesse adorée, j’ai besoin de comprendre !

Je ne te demande pas grand-chose … Juste d’avoir le droit de vivre auprès d’Atrynx sans avoir à me cacher ! Pouvoir parler de lui à ceux que j’aime ; pouvoir crier mon amour pour lui par-dessus les toits sans voir les regards se détourner, emplis d’incompréhension et d’effroi …

Jena, je ne comprends plus …

Certains, s’ils étaient- au courant, s’empresseraient de dire qu’Atrynx m’a détournée de ta Lumière divine, mais ils ont tort ! Je t’adore peut-être plus qu’avant … Mais mon esprit se réveille et là où avant, il se contentait de t’obéir aveuglément, à présent il est torturé par mille questions …

Je vais poser la plume à présent. Il est temps que je me prépare.
J’ai rendez-vous avec mon Atrynx adoré au bar de Fairhaven. Après tout, deux amis ont bien le droit de discuter autour d’une table ! Personne ne pourra rien soupçonner …

Atrynx, attends-moi, j’arrive ! Je t’aime …

Re: Journal d'une Matis

Posted: Mon Aug 07, 2006 11:31 pm
by japon
** hors rp, magnifique texte, vraiment très beau. **

Re: Journal d'une Matis

Posted: Tue Aug 08, 2006 5:35 am
by tagdus
japon wrote:** hors rp, magnifique texte, vraiment très beau. **
/hrp rien a ajouter :)

Re: Journal d'une Matis

Posted: Tue Aug 08, 2006 9:02 am
by chechile
*Refoule une petite larme*

/hrp vraiment magnifique

Re: Journal d'une Matis

Posted: Sat Aug 12, 2006 1:38 pm
by diumm
Sortant de l'assenseur sentant la brise fraiche j'étais heureuse aprés ces retrouvailles avec celui que j'aimait. Admirant le soleil levant sur les lac, paisible et confiante en un avenir heureux.

Sachant Lao partit pour son travail et L...... absente pour un temps. Je decidais de passer chez Lao pour y recuperer deux trois affaires que j'y avait laissé.

En entrant je sentis sa presence dans l'air et cela ne me plus pas vraiment. Je recuperais prestement mes affaire quand soudain furetant de ci de là pour voir si je n'avais pas oublié quelque chose. Je vis le journal rangé. Je le considerais de haut. Puis l'ouvris.

Lisant posément pages apres pages, lignes aprés lignes. Sentant en moi monter des sentiments que je n'avais plus éprouvé depuis des années. Puis me relevant soudain les yeux embrumés de larmes. Je plantais une de mes Dagues au milieu de ces mot. Tentant vainement de terrasser la fatalité qui s'abattait encore sur moi ! Des larmes coulèrent sur mes joues. Je jetais au sol le passe que m'avait donné Lao. Laissant tout en l'état je fuis ce lieu.

Re: Journal d'une Matis

Posted: Thu Aug 17, 2006 1:39 pm
by tnaara
Le froid … L’horreur … Le néant …

Je suis là, assise sur la berge de ce petit îlot au nord de Fair Haven. Seule. Seule avec mes sombres souvenirs …

Oh Jena ! Tandis que j’écris ces mots, j’ai la douloureuse sensation de revivre encore et encore la scène qui s’est déroulée ici, tel un cauchemar revenant sans cesse. Chaque parcelle de mon être en tremble et mon cœur achève de se briser à jamais …

Quand cela a-t-il eu lieu ? Hier ? La semaine dernière ? Le mois dernier ? Je n’ai plus la notion du temps … Mon horloge s’est arrêtée en même temps que la vie de mon aimé. A quoi bon vivre ? Il était ma lumière et il n’est plus … Je lui avais donné mon cœur et il l’a emporté avec lui … Mon âme était liée à la sienne et à présent elle n’en peut plus de ce silence, de cette solitude éternelle …

Je suis seule sur l’îlot ; personne d’autre à part un adepte kami se promène ici. Je regarde l’eau du Lac et mon cœur se serre douloureusement tandis que je revis une fois de plus cette scène insoutenable.

Je le revois comme s’il était présent devant moi … Mon regard ne parvient pas à se détacher de ce corps sans vie que soutient Amatsu, le corps de bon bien-aimé …

Oh, Jena, pourquoi as-tu permis cela ??? Comment un tel drame a-t-il pu bien arriver ? Je suis là, à quelques mètres à peine de lui, des larmes incrédules et impuissantes inondant mon visage. Je regarde le corps d’Atrynx, refusant de croire à cette réalité.

Oh Ma Duk ! Je t’en supplie, réveille-le ! Toi qui es aussi puissant que ma déesse, ramène-le à la vie encore une fois ! Oui, moi, l’adoratrice de Jena, je te prie toi, Ma Duk, toi qui es sensé être mon ennemi, toi en qui Atrynx croyait si fort. Je te prie pour lui, pour que tu nous laisses une chance de vivre heureux tous les deux. Comment pourrais-je vivre sans lui ? Nous n’avons vécu ensemble qu’une seule année atysienne ! Il nous en reste tellement d’autres à vivre côte à côte!

Amatsu, non !!! Par pitié ! Ne le rends pas encore aux eaux du Lacs … Je veux le voir encore …

Rester digne … Rester droite … Montrer à mon Atrynx adoré qu’il n’est pas mort en vain. Ne pas regarder ce corps ensanglanté dans lequel il s’est lui-même planté l’épée ...

Voilà. Je l’ai fait.

J’ai réussi. J’ai déposé sur lui sa fleur préférée et je lui ai parlé une dernière fois. J’ignore comment j’ai fait pour ne pas m’écrouler à même la sciure, suppliant Amatsu de me tuer et de m’immerger avec mon aimé. Mais je dois tenir … Atrynx voulait que je vive ! Son geste était aussi un geste d’amour …

Tandis que j’écris ces mots, un flot d’images me revient en mémoire.

Amatsu perçant de l'épée le coeur de son ami Atrynx, permettant ainsi à son dieu de le ramener à la vie exempt de la Goo qui le rongeait peu à peu et qu’il maîtrisait avec tant de mal. Atrynx guéri à jamais de cette terrible maladie, notre avenir plus bleu que jamais sans cette menace au-dessus de sa tête …

Atrynx et moi, serrés l’un contre l’autre, ne pensant à rien d’autre qu’au bonheur d’être ensemble …

Liiana essayant de me persuader qu’Atrynx était de nouveau contaminé par la Goo, mais à un niveau tel que sa raison commençait à sombrer et qu’il avait tenté de la tuer … Comment croire cela ? Liiana était devenue folle, sa captivité chez les Alkianes avait eu raison de son esprit, c’était certain ! Il me suffisait de regarder Atrynx dans les yeux pour savoir qu’elle avait tort … Et le fait qu’Amatsu soutenait le même mensonge n’y changeait rien.

Pourquoi voulaient-ils tous me séparer de lui ? Nous en voulaient-ils à ce point d’avoir des religions opposées ?

Amatsu, non !!! Range ton épée, par pitié ! Je me débats en vain, agitant les bras désespérément pour ne pas sombrer dans le gouffre de l’horreur. Atrynx ! Ils sont persuadés que la Goo te gouverne et veulent te tuer ! Fuis mon amour, fuis ! Je vais faire un rempart de mon corps pour te protéger … Regarde Amatsu, regarde cette épée qui te fait face ! Oui, moi la guérisseuse, je suis capable de manier l’épée s’il le faut ! Tu dis que c’est perdu d’avance … Crois-tu que je l’ignore ? Crois-tu réellement que je songe sérieusement à te faire mordre la sciure ? Mais le temps durant lequel je tiendrai debout permettra à Atrynx de s’échapper et de se téléporter ailleurs … et c’est tout ce qui compte.

Fuis mon amour ! Les puissances karavanières me ramèneront à la vie …

Tu vois, je te l’avais dit. Me voici de nouveau debout, tremblante mais résolue, devant l’autel de ma divinité. J’entends ta voix dans ma tête …

« Zora … Rejoins-moi à Zora … »

J’ai brisé la perle de sève avec l’énergie du désespoir. Un sombre pressentiment s’éveillait en moi, mais je refusais d’y croire.

Zora.

J’ai couru vers le lieu où nous aimions tant nous promener, regardant furtivement aux alentours si Liiana ou Amatsu ne nous avaient pas repérés.

Oh, comme je me sens bien dans tes bras !!! Mais pourquoi ce regard si triste ?

Désespoir ! Non !!! Ce ne peut être vrai !

Tu m’affirmes être effectivement de nouveau infecté par la Goo, avec une telle force que ta raison sombre et que bientôt, tu nous feras du mal sans le vouloir … Tu me regardes avec ces yeux tellement emplis d’amour, et en même temps, tu me dis d’une voix posée que tu vas partir très loin et que tu ne reviendras jamais, car tu refuses de prendre le risque de me faire du mal malgré toi …

Oh Atrynx !!! Contamine-moi et laisse-moi partir avec toi ! Je ne peux pas vivre sans toi …

Rester digne. Ne pas lui montrer à quel point je souffre. Lui laisser de moi l’image d’une homine aimante et souriante, c’est tout ce que je peux lui offrir et je le ferai.

Cette perle qu’il brise déjà … Non ! Encore un baiser, juste un dernier … Entends-tu mon cœur qui crie ? Je t’aime, Atrynx !!!

Ça y est, il a disparu à jamais …

Comme il est pénible d’écrire ces phrases ! Pourtant, je dois le faire … Ce carnet que j’écris permettra à Atrynx de rester un peu vivant à travers le temps, ce sera un peu l’empreinte de notre amour.

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Je m’en souviens comme si c’était hier …

J’étais revenue au hall de ma guilde, complètement perdue après la disparition d’Atrynx. Un Marcheur m’attendait. Il avait appris, Jena seule sait comment, mon histoire avec Atrynx. Ma guilde est karavanière, très croyante en notre déesse. Et Darsh n’a pas du tout apprécié ma scandaleuse liaison avec un kamiste. J’ai cru qu’il allait me traîner sur le champ au temple, me forçant à expier ce qui pour lui était une faute impardonnable.

En temps normal, j’aurais bondi, griffé, mordu, mon regard aurait foudroyé cet homin qui était mon ami mais qui ne comprenait rien à mon amour pour Atrynx. Seulement, j’étais éteinte … Je venais de recevoir un message terrible d’Amatsu. Ce dernier avait fini par retrouver Atrynx et avait assisté à sa mort. Mon aimé s’était donné la mort avec son épée, se libérant ainsi de souffrances insupportables, mettant dignement fin à sa vie. Ses blessures étaient telles que les puissances ne purent le ranimer. J’étais attendue sur la petite île au nord de Fair Haven où aurait lieu son immersion dans la plus stricte intimité …

Par Jena, je suis encore sur cet îlot ! Où que j’aille, mes pas m’y ramènent … Je dois vivre pour Atrynx … Mettre fin à mes jours serait du pur égoïsme … Pourtant, ce serait tellement plus simple …

Atrynx, tu me manques tant ! Je t’aime à jamais …