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Etre Fyros

Posted: Sun Jul 30, 2006 1:58 pm
by aspgic
Modoon faisait les cent pas dans son appartement exigu de la rue Dexton. Il passa la tête à la fenêtre pour observer l’activité de Pyr. Il vit passer deux foreurs revenant du désert dont les matières premières serviraient sûrement aux forgerons impériaux, puis il posa les yeux sur une trykette qui s’amusait à arroser un jeune Fyros avec l’eau de la fontaine. Il entendait le rire gras et chaleureux du patron de la patte de Yubo. Alors qu’il continuait contempler les allées et venues des homins quelques mètres en contrebas, Modoon se dit que Pyr n’était pas si belle que la légendaire Fyre, mais qu’elle restait quand même la plus belle capitale créée après l’exode. Elle était aussi la plus animée, les homins venaient toujours d’aussi loin pour consulter la bibliothèque d’impériale.

Il recommença à faire les cents pas entre son bureau et son lit. L’activité de la cité était une chose mais qu’en était-il de l’esprit Fyros, une cinquantaine d’année après l’exode. Le vieux Fyros s’assis sur son lit dos à la porte. Il s’éclaircit la gorge et commença à parler à haute voix.


Qu’est ce qu’un Fyros ? Une bien vaste question me direz-vous, mais mon âge avancé, les nombreuses expériences que j’ai vécues depuis ma naissance et mes réflexions sur le sujet pourraient vous porter quelques réponses.

Bien avant le début du règne d’Abylus l’érudit, les Fyros se sont toujours définis comme les guerriers du savoir. Les deux mots de cette expression ont une importance que seule les Fyros peuvent comprendre. Il est clair aux yeux de nos alliés et même é ceux de nos ennemis que nous sommes des guerriers puissants que mêmes les impétueux et conquérants matis ont toujours hésité à attaquer de front… Mais voir l’esprit guerrier des Fyros uniquement sur le champ de bataille serait une grave erreur. Il faut comprendre que l’esprit guerrier est accompagné d’une détermination sans faille. Vous pouvez être sûr qu’un Fyros se battra jusqu'à la mort et même plus loin pour ses terres, ses convictions et son empire … Je sens déjà que vous entrevoyez des facettes de mon peuple qui ne vous étaient pas apparues au travers des rumeurs se riant de notre tradition guerrière et nous désignant comme des homins à peine plus évolués que les Frahars…

Pour en revenir à l’explication de l’expression, le deuxième mot, vous l’aurez compris, est le savoir. Saviez vous que les savants des quatre peuples atysiens pleurent encore la perte de la grande bibliothèque de Fyre. Certaines rumeurs disent que les volumes les plus importants ont été cachés peu de temps avant le grand essaim, mais seul un homin ayant parcouru les centaines d’allées de livres s’élevant sur plusieurs étages de hauteurs peut imaginer la somme de connaissance que nous avons perdue. Mais savez vous quels ont été les deux premiers bâtiments à sortir de l’écorce lors de la construction de la jeune Pyr ? Non vous ne le savez pas, le premier fut le palais impérial siège du pouvoir et résidence de l’empereur Fyros puis vint le tour de la nouvelle bibliothèque impériale. Mais n’y a-t-il pas un paradoxe entre l’image de survivants reconstruisant leur capitale considérant la bibliothèque comme le bâtiment le plus important après le siège du pouvoir et l’image que colportent les rumeurs sur les brutes sans cervelles qui mangeraient les bébés matis ? Bien sur qu’il y en a un…

Mais vous me direz que sont les Fyros sont dangereux. Ils ont déclenché le feu de Coriolis et le Grand Essaim. Et je vous répondrais que nous sommes des guerriers du savoir et quelques que soient les accidents ou les risques nous devons apprendre la vérité. Si les autres peuples acceptent de boire les paroles de Ma-Duk ou de Jena qu’ils le fassent. Mais ne vous attendez pas de la part des Fyros qu’ils prennent ces paroles comme dapper comptant… Nous nous posons des questions sur tout. Ne vous êtes-vous jamais demandé ce qu’il y avait derrière les étranges masques des agents de la karavan ? Si, et même cette question vous brûle les lèvres cela ce lit sur vos visages. Mais auriez-vous le cran et la détermination d’aller jusqu'à bout de vos recherches, même en sachant qu’il pourrait y avoir de conséquences que vous n’auriez jamais prévues

Prenons un cas complètement au hasard, si vous saviez que quelque chose sommeille dans les profondeurs d’Atys et que le jour ou cette chose se réveillera elle détruira notre chère planète à moins que vous ne trouviez l’arme qui pourrait la combattre. Que feriez-vous ? Vous vous lanceriez à la recherche de cette arme en sachant que chaque seconde qui passerait vous rapprocherait du réveil… Bien vous venez de voir quel genre de choix avait à faire les premiers empereurs Fyros lorsqu’ils ont appris l’existence du Grand Dragon. Mais j’entends déjà les sceptiques dire que tout cela n’est que mythe, mais demandez-vous pourquoi la karavan nous interdit d’aller explorer les profondeurs des racines primaires, ou pourquoi les kamis ne nous ont jamais ouverts d’accès qu’à leurs parties supérieures. C’est parce que seuls les Fyros sont prêts à faire des sacrifices pour obtenir les réponses à ces questions que nous sommes appelés les guerriers du savoir… La recherche de la vérité est notre quête ultime.

Vous commencez à comprendre maintenant ce que les Fyros sont. Il y a encore bien des facettes à vous exposer, mais je crois que vous avez maintenant une idée plus précise. Je vais vous laisser méditer un peu sur tout cela, et peut être que la prochaine fois que vous croiserez un Fyros vous le considèrerez comme il est plutôt que comme les rumeurs veulent qu’il soit.

Le vieux Modoon était fier de la démonstration qu’il venait de réciter. Il ferma les yeux pour laisser l’excitation des mots et des pensées retomber. Quelqu’un applaudit derrière lui. Le Fyros se retourna et reconnu la silhouette de la jeune ambassadrice

- Nynaeve, vous êtes en avance, dit-il surprit. Je ne vous attendais pas avant la fin de la journée.
- J’ai pu me libérer un peu plus tôt que prévu.
- Vous êtes là depuis longtemps ?
- Je n’en ai pas raté un mot Gardien des traditions.
- Et qu’en penses-tu ?
- C’était parfait, dit-elle en souriant.
- Bien il est temps d’aller voir cette vieille fripouille de Lydix, j’ai beaucoup de chose à vous dire ambassadrice.
- Je vous suis.

Re: Etre Fyros

Posted: Tue Aug 08, 2006 4:52 pm
by aspgic
Modoon et Nynaeve discutaient tranquillement sur la cime d’une dune de la Vallée des Empereurs. Une vraie complicité s’était installée entre les deux Fyros. Nynaeve se rappelait avoir éprouvé ce sentiment le jour où elle avait rencontré Zathus, le seigneur de l’esprit qui avait tenté de la réduire en esclavage. Sans savoir vraiment pourquoi quand elle était assise avec lui, elle se sentait plus Fyros qu’elle ne l’avait jamais été. Le gardien des traditions parlait avec une telle émotion de son peuple, de ses forces et ses faiblesses, de son passé et de sa destinée.

- Mon enfant, que sais-tu du jour du bûcher ? demanda le vieux Fyros
- C’est la fête où tous les Fyros honorent la mémoire de leurs ancêtres qui ont périt pendant le grand essaim, la fête la plus importante pour notre peuple, répondit Nyna
- Oui c’est une bonne description, mais ne t’es tu jamais demandé ce qu’il y a derrière tout ça ?
- Je ne comprends pas Modoon, ce qu’il y a derrière tout ça… où voulez vous en venir ?
- Le jour du bûcher est le moment où tous les Fyros vénèrent les morts... C’est justement le ‘tous’ qui est important… As-tu l’habitude de voir passer dans les rues de Pyr des sénateurs ?
- Non, en général, ils ne se montrent que rarement, on peut en croiser de temps à autre dans les bains publics, mais ils ne se mêlent pas souvent aux simples citoyens.
- As-tu l’habitude de voir passer des grands généraux ou même des membres de la guilde des faces brûlées ?
- Non, mais les frères ardents représentent l’élite militaire de l’empire. Il est normal qu’ils ne perdent pas de temps parmi les citoyens normaux
- Donc ce sont des homins un peu à part dans la population de l’Empire, parce que leurs titres, grades, mérites et honneurs n’ont rien à voir avec celui du commun des Fyros.
- Je crois que oui, mais où voulez vous en venir gardien des traditions, avec une pointe d’agressivité qui trahissait son envie d’arriver au bout du raisonnement de Fyros.
- Pourtant, il y a un jour où tous les Fyros sans exception se doivent d’être présent. Un jour où on peut voir le grand général, l’artisan impérial, le sénateur et le réfugié ensemble sans pouvoir les distinguer les uns des autres. Un jour où tous portent l’effigie du Destiné. Un jour de recueillement et d’espoir. Nous voyons ce que nous sommes prêt à supporter pour arriver à vaincre le Grand Dragon.

Les homins firent silence pour méditer sur ces paroles et contempler la beauté sauvage du désert. Le vent entonna une douce mélopée. Les herbes desséchées et les branches des quelques arbres présents tourbillonnaient ajoutant un léger sifflement à la mélodie. Puis après quelques temps, Nyna n’aurait pu dire s’il s’était passé quelques minutes ou quelques heures, Modoon se leva. Il incita la Fyros, par un geste de la main, à faire de même.

- Mon enfant, je vais te transmettre un bien inestimable. Tu devrais la conserver et en temps voulu tu auras la charge de le transmettre à ton tour aux Fyros.
- Suis-je vraiment digne de recevoir ce présent ? demanda Nyna surprise.
- Sans aucun doute tu l’es. Ne perdons pas de temps, fait les mêmes gestes que moi et répète les mêmes mots que moi.

Le vieux Fyros ferma les yeux, leva légèrement la tête vers le ciel et plaça le bout de ses doigts sur sa poitrine et Nyna fit de même

- Zel Sun Malaka Orum, dit Modoon d’une voix claire
- Zel Sun Malaka Orum, répondit Nyna

Sans savoir pourquoi le bout des doigts de l’ambassadrice vinrent se placer sur ses lèvres

- Zel Sun Malaka Talen, dit Nyna

Toujours sans comprendre ce qu’elle disait ni pourquoi ses mains remontaient jusqu'à son front, ses lèvres achevaient d’entonner cet étrange couplet

- Zel Sun Malaka Fyraï

Modoon souriait lorsque Nyna rouvrit les yeux. Elle chercha dans les yeux du gardien une explication du phénomène qui venait de se produire. Elle eu pour réponse une petite larme de joie couler sur la joue flétrie du vieux Fyros.

- Je l’ai toujours su, mais aujourd’hui ça ne fait aucun doute. Mon enfant, tu connais maintenant la plus ancienne des prières Fyros. Celle qui galvanisait les troupes de Dyros le Grand lorsqu’il fédéra les tribus nomades et celle qu’il disait au chevet de ses compagnons mourant ou sur la tombe de ceux qui étaient tombés.
- Mais comment expliquez vous que je la connaisse par cœur, je ne l’ai jamais apprise…
- Il semble y avoir encore beaucoup d’ombre dans ta mémoire mon enfant, répondit Modoon avec un sourire énigmatique.

Nynaeve soupira. Ce pourrait-il qu’on lui ait enseigné cette prière avant son accident ? Mais encore une fois rien ne sortit de sa mémoire.

- Mais j’ignore tout de cette prière, je ne comprends pas les mots que j’ai prononcés, ni les gestes que j’ai fais…
- Détrompes toi, tu les comprends mieux que personne, mais tu as juste oublié leur sens. Les mots sont en langage archaïque, celui parlé par les premiers Fyros. Essaie de te souvenir.
- Zel Sun Malaka Orum… Nous sommes les enfants du désert... J’ai touché mon cœur au moment de prononcer ses mots… Il y a un sens caché… Mon cœur va au désert et à ses habitants.
- Oui, continue.
- Zel Sun Malaka Talen… Nous sommes les enfants de la vérité… J’ai touché ma bouche à ce moment la… La signification de ce geste… Ma voix apporte la vérité.
- La dernière partie de la prière, tu la connais aussi, dit le Fyros en cachant difficilement son bonheur d’entendre ses mots oubliés dans une autre bouche que la sienne.
- Zel Sun Malaka Fyraï… Nous sommes les enfants de la destiné… Mes doigts étaient sur mon front à ce moment… Mon âme est pour la destinée, je rechercherais sans relâche le Grand Dragon et le moyen de le combattre.

Nynaeve resta debout sans savoir quel sentiment éprouver. La joie d’avoir retrouver une partie du patrimoine de son peuple et de pouvoir le partage. La peine de voir que si peu de Fyros se rappellent de ces quelques mots qui représentent tout ce qu’est un Fyros… Tout se bousculait dans sa tête. Elle s'assit dans la sciure et resta la sans bouger. Modoon partit lorsque le jour commença à décliner en lui chuchotant à l’oreille

- Tu es maintenant prête à prendre ma relève.

Il fit quelques pas et chuchota pour lui

- Ton père serait fier de toi ma grande Nyna.

Plusieurs larmes coulèrent sur les joues du vieux Fyros et il partit en direction de Pyr.