Oscar avait entendu les cris de Bouigisymo. Au départ, il se contenta de hausser les sourcils dans un geste d'impuissance... Sans doute une nouvelle affaire après que ce bouillant Matis ait une fois de plus massacré un pauvre kamiste en plein Yrkanis et que celui-ci se soit fait soigner par un karavanier...
Ah ! ça, On ne nous le changera pas, notre Bouiboui national
Mais plus tard, quelques commentaires acidulés circulèrent à leur tour : on prétendait que Bouigisymo était un abruti, un jaloux, qu'il n'avait "rien compris"... Le nom des Lames était souvent cité et on parlait beaucoup de leur avant-poste... Par les poils roussis de Ma-Duk, que se passait-il donc ?
Après avoir questionné quelques concitoyens, Oscar finit par rencontrer un homin qui lui rapporta, mot pour mot, l'appel au "boycotage" qui était à l'origine de tout ce bruit. Le style inimitable du message ne laissait planer aucun doute : c'était bien dans le style de ce cher Bouiboui. Quel sacré phénomène ! Mais ce qui ne manquait pas d'étonner Oscar, c'est qu'aucune des personnes qu'il avait questionnées n'avait pris au sérieux cet appel...
Après tout, on aurait pu s'attendre, dans un contexte où tant d'homins se montraient si prompts à fourbir les armes au premier prétexte venu, en particulier dans les affaires dites "de faction", à ce qu'ils fussent nombreux, parmi ces orgueilleux Mattis (guerriers de la Foi en Jena), à partager le sentiment d'indignation de Bouigisymo. Mais non... Tous semblaient s'accorder pour dire que Bouiboui était un capriny, un ragus, et, plus curieusement encore, tous semblaient trouver naturelle, voire amusante, la décision des Lames de mettre en location leur avant-poste.
Certes, Oscar, quant à lui, n'était pas étonné que des Trykers aient eu une telle idée, pas plus qu'il n'en était choqué, et même, cela l'amusait plutôt. En revanche, quel étonnement de constater qu'à part Bouigisymo, aucun Matis ne semblait rien trouver à redire à la mise en location d'un avant-poste (dispositif si stratégique, à la fois économiquement et militairement, dans la guerre que se livraient les factions), et d'en voir au contraire beaucoup qui s'affairaient déjà pour rassembler la somme nécessaire réclammée par les Lames : une bagatelle de 200 millions de dappers, pas moins !
Quelle drôle d'époque...
Mais surtout, Oscar songeait avec tristesse à Bouigisymo, tourné en ridicule, raillé, dénigré une fois de plus, alors que cette fois-ci, Oscar en avait la conviction, l'appel qu'il avait lancé, abstraction faite de son style, procédait d'un sentiment véritablement noble.
Oui... Une bien drôle époque...