Ryzom

La place Frogmore, à Fairhaven, grouillait de monde comme à son habitude. Les récolteurs vendaient ou échangeaient leurs matières, les artisans rivalisaient d'éloges sur les objets qu'ils proposaient. Un jeune Tryker s'approcha d'un marchand. Après quelques chuchottements, il repartit l'air satisfait, tandis que le commerçant faisait mine de s'en retourner à ses occupations.

- Liberté ! dit le Tryker un peu plus loin, en rencontrant une Matis.
- Liberté ! répondit-elle.
- Notre prochaine réunion a été fixée. As-tu été mise au courant ?
- Pas encore. Quand et où nous retrouverons nous ?
- A la Côte de Loria. Je ne sais comment la Guilde d'Elias se débrouille pour faire ses réunions au nez et à la barbe des gardes. Ils ont dû acheter le gouvernement, je ne vois pas d'autre possibilité...
- Tant que le Royaume n'est pas au courant...
- Oui, il ne faudrait pas qu'une guerre soit déclanchée par notre faute.
- J'en parlerai discrètement à l'un des membres de la guilde d'Elias. Mais je pense qu'on peut leur faire confiance tout de même... Après tout, nous n'avons jamais eu de problèmes, c'est qu'ils savent ce qu'ils font.
- Je suis bien de cet avis. Nous nous reverrons à la réunion [vendredi 30 décembre, 21h]. Fais bien attention en répandant la nouvelle.
- Sois tranquille, à Holeth.

Un homin à l'âge vénérable se lamente en arpentant les rues de Zora. Dans sa longue complainte, il se maudit lui-même de n'avoir su élever sa petite fille dans les traditions séculaires de son peuple, de ne l'avoir préservée de l'errance qu'elle s'était infligée et de la triste fin qu'elle avait rencontrée.

Lassée du sévère sol dont la froideur lancinante se rappelait à elle telle des coups de piques incessants, et des longs murs qu'elle devinait à travers les ombres et les pâles champignons qui les avaient envahis, la moribonde se hisse et se lève, les yeux tournés vers le fin rayon de lune qui refusait de pénétrer dans sa cellule, et, encore tremblante, y colle son masque sur lequel l'ombre des barreaux applique un nouveau tatouage. Ivre de l'aimante lumière dont son oeil se gorge, elle voit de blanches cités pacifiques, belles comme des nuages naviguant dans un ciel d'ambre, ondoyant au gré du vent de ses désirs, puis subitement, dans un dernier élan d'espoir, elle plaque son masque aux barreaux, respire, elle vit, expire et choit, portant son rêve en diadème, Elias.

- Cela m'étonne tout de même, que deux fiers Fyros aient été suspendus de leurs fonctions, dit Lydix Deps.
- Il paraît qu'ils possèdent des informations sur la guilde d'Elias. L'Empire s'y intéresse, la vérité fait partie de nos pilliers, répondit le client richement habillé auquel il s'adressait.
- De là à les arrêter...
- Je fais confiance à l'Empire. Si ces homins sont valeureux et intègres, ils n'ont rien à craindre.
- C'est vrai, peut-être cela n'est-il qu'un malentendu. Je répands trop rapidement les nouvelles...
Le Fyros lui répondit d'un sourire avant de finir son verre.
- Hé bien, à bientôt Lydix.
- A bientôt. Et... si tu croises Boekos, dis-lui de venir rêgler ses dettes, je ne suis pas aussi riche que toi !

Sur une table de la taverne d’Yrkanis, près d’une bouteille trop entamée et d’un vieux manteau se trouvait une lettre. L’écriture était maladroite et irrégulière, comme si ce qui avait été écrit l’avait été dans l’urgence.



La lettre s’achève là : une tache d’encre sur un message inachevé.

Amie passait par la taverne d'Yrkanis, depuis son mariage, elle n'y était par retournée, mais des rumeurs courraient quand à l'arrestation de deux fyros et elle voulait savoir si des matis avaient également disparus.

C'est avec inquiétude qu'elle vit posé sur une chaise, le manteau d'un de ses amis et s'en approcha. Pourtant il n'était pas dans la taverne.
Sur la table était restée une lettre dont elle reconnu immédiatement l'écriture. C'est sans hésité qu'elle la prit pour la lire.
Son visage se rembrunit, elle glissa discrètement la lettre dans sa poche, espérant que personne ne l'aurait lue et se dépêcha d'aller prévenir ses amis Fédérés.