Le médaillon
Posted: Mon May 23, 2005 10:41 am
Le médaillon
Accoudée à une fenêtre dYrkanis, je narrive pas à trouver le sommeil. Mon cur est troublé par ce quil vient de se passer entre Creenshaw et moi. Les événements se sont précipités, tout est allé trop vite Dans les prochains jours, il est possible que jaille vers une mort certaine et là où nous irons les kamis ne pourront rien faire pour nous. Et Kalean est si loin maintenant, est-il encore vivant ? Une saison sest écoulée depuis son départ. Presque une demi-saison depuis mon terrible rêve.
Mon cur est lourd, jai le sentiment davoir trahi Kalean, mais je me sentais si seule
Je porte la main au médaillon quil ma fait remettre après son départ, ce médaillon en nacre quil conserve depuis son enfance. Son contact me rassure. Je le prends dans ma main et lexamine à nouveau : à lintérieur du médaillon figure le luciogramme dun couple de trykers inconnus et au dessus une inscription en langue ancienne : « Shinpei ». Dans la pénombre de la nuit, il semble dégager une sorte de phosphorescence. Cest peut-être la fatigue qui trouble mes sens. Je ferme les yeux, limage de Kalean se forme dans mon cur, et jai limpression dune chaleur dans ma main. Jouvre les yeux, il me semble que la phosphorescence est plus intense. Il me semble que je me sens plus apaisée. Tenant toujours le médaillon, je laisse mon cur rêver
Tandis que je me perds dans ma rêverie, mon cur est saisi par une étrange intuition. Le sentiment diffus dune présence à mes cotés. Cette présence na rien dhostile, elle me semble presque familière
Me retournant, je ne suis quà peine surprise de constater quun petit tryker se tient auprès de moi. Le petit garçon est très sale, des guenilles de réfugiés cachent à peine sa maigreur famélique. La crasse de son visage contraste avec la pureté et léclat de son regard mauve. Ses grands yeux reflètent un mélange troublant de douceur, dinnocence, de résignation et de tristesse. Son crâne rasé laisse entrevoir quelques menues cicatrices, tandis que son front est orné dune épaisse frange de cheveux violets.
Nous nous observons mutuellement puis le garçonnet esquisse un sourire :
« Ici je te vois mieux tu es encore plus belle que jaurai cru. »
Le sourire qui éclaire son visage sefface derrière une mine plus grave.
« Mais... pourquoi es-tu si triste ?... »
Suis-je en train de rêver ? Le petit tryker me paraît pourtant si réel, je nose le toucher de peur quil disparaisse. Sa présence ne meffraie pas au contraire et jai limpression de lavoir déjà vu. Je songe à la grotte des Landes et à mon délire
Je magenouille en face de lui :
« Jai donc lair si triste ? Cest sans doute que je le suis petit frère. La vie dune homine nest pas toujours simple. Tu vois, jai une amie denfance, nous sommes si proches que cest une sur pour moi, mais tout me sépare delle maintenant, son appartenance à une maison ennemie, ses croyances, sa mère adoptive
Et puis mon cur est déchiré entre deux homins, lun est un tryker comme nous, drôle, gentil, aventureux, nous nous connaissons depuis longtemps maintenant mais il est parti pour une aventure dont il ne reviendra peut-être pas, lautre est un fier fyros, cest un homin terrible, qui traque les traîtres sans répit, mais avec moi il nest que douceur et attention Comment aimer lun sans faire de la peine à lautre ? Jai le cur trop grand vois-tu petit frère. Des fois je me dis que je ferais mieux de disparaître dans la jungle zorai, comme je lai déjà fait une fois »
« Mais je me plains auprès de toi, alors que je vois aussi dans ton regard de la tristesse »
Le petit garçon baisse les yeux.
« Parfois je suis triste quand je pense à ma maman
Jétais un mauvais garçon, cest pour ça elle ma quitté
Quand mon papa est parti, il ma bien dis que cétais moi lhomin de la maison, et que je devais prendre soin de maman.
Il nous a laissé tout seuls, mais moi jétais pas un bon fils
Le jour où les monstres sont arrivés jai eu si peur que je me suis caché, et à cause de moi ma maman »
Lenfant renifle.
« elle est morte... et cest ma faute
Les kamis ils me la rendront jamais »
Les larmes coulent abondamment sur les joues sales du garçonnet.
Je veux naturellement réconforter le petit avec une caresse.
Mais ma main traverse le corps du garçon, exactement comme si elle plongeait dans de leau tiède
Surprise, jai un léger mouvement de recul.
Ma surprise passée, je souris au petit tryker
« Je vais te raconter une histoire Mon histoire, moi aussi ma maman est morte, tuée par les kittins. Je devais sans doute avoir le même âge que toi, nous étions en train de fuir et les kittins ont attaqué. Quand ma maman a vu que tout était perdu, elle ma ordonné de fuir, javais très peur, peur des kittins, peur de la quitter. Mais jai obéi, jai fui et ai réussi à me cacher.
Petit garçon, tu naurais rien pu faire contre eux, et il était normal davoir peur. Si tu étais resté, cest ta maman qui taurait ordonné de te cacher et moi je suis sure, maintenant quelle a rejoint Ma-Duk, quelle se réjouit que tu sois toi toujours vivant »
Le petit tryker me regarde étonné :
« Alors toi aussi tu as perdu ta maman ?...
Shinyu ma pauvre Shinyu »
Le garçonnet saffaisse, le dos voûté, la tête baissée, il se tient comme un esclave chargé dun trop lourd fardeau. La frange épaisse de ses cheveux masque ses yeux, mais les larmes qui sécrasent sur le sol trahissent ses pleurs. Etrangement, sa voix ne ressemble plus à celle dun enfant de son âge.
« Ma-Duk !... Pourquoi devons nous endurer tous ces supplices ?
Pourquoi ceux qui saiment doivent-ils être séparés ?
Shinyu ma pauvre Shinyu
Comme tu as dû souffrir »
« On dit que les liens du cur(1) sont les plus forts,
mais ils sont aussi les plus douloureux
Quelle ironie... »
((1) le mot coeur remplace ici le mot shin qui fût employé dans le discours originel.)
« Nos mères croyaient en nos destins, elles croyaient que lamour liait les êtres au-delà de tous les tourments
Mais je suis las, je nai plus le courage daimer.
Ma mère ma raconté un jour que le nom de Shinpei mapporterait la paix du cur
Mais je ny crois plus
Shinyu ma pauvre Shinyu
Nos routes se séparent inéluctablement
Le lien qui nous unit ne peut que nous conduire à la souffrance. »
« Shinyu, jai tellement mal
Pardonne-moi ma pauvre Shinyu.
Pardonne-moi de tabandonner.
Mais lamour ronge mon cur si profondément quil mest insupportable de vivre ainsi plus longtemps.
Jai tellement souffert mon cur a besoin de répit.
Toi seule peux nous libérer en brisant le lien qui unit nos deux curs. »
« Shinyu, nous ne sommes que des fantômes du passé, unis par un étrange lien.
Nous navons plus davenir parmi les Homins. Melowen a succédé à Shinyu, Kalean a succédé à Shinpei, c'est ainsi. il faut cesser de les hanter.
Nous ne sommes que les vestiges dune promesse qui lia deux curs
Mais désormais ces curs aspirent à la liberté »
« Libère Kalean de ma présence!... Je t'en prie, brise le médaillon »
Mon cur se met à battre très fort. Le petit tryker ma appelée Shinyu, comment peut-il savoir ? Je regarde plus attentivement le petit garçon, tout en lui me paraît familier, ses yeux, ses traits, et sa voix Cette voix je la connais bien.
Les pensées semmêlent dans mon cur, une sorte de vertige me prend.
Je songe à cette vieille tradition qui veut que lorsque deux femmes sapprécient beaucoup et quelles ont des enfants de sexes opposés, elles peuvent les unir par un lien particulier. Il suffit alors de leur donner un nom ancien dérivant d'un mot qui symbolise la nature du lien
Shinyu et Shinpei : ainsi nos mères nous auraient liés, nous conduisant par delà le temps à nous rencontrer et nous aimer.
Mais nous ne sommes plus ce que nous avons été, Shinyu et Shinpei ne sont plus, ce sont de doux souvenirs, car tant deau a coulé par les Lacs depuis.
Je prends le médaillon dans mes mains, elles tremblent un peu, notre destin repose dans mes mains. Mais jai peur, mon cur aspire à la liberté, pourtant même si cet amour qui nous lie ne vient pas vraiment de nous, je sais quil est doux et rassurant. Jai limpression de traverser un gouffre, sachant que le pont qui lenjambe, trop fragile, ne permettra pas le retour.
Si je brise le médaillon, si cet amour disparaît, si nos curs retrouvent leur liberté, est-ce que la tendresse qui existe entre nous sera toujours présente ? Kalean si je ne suis plus ton amante, je veux rester ta sur
Shinpei me regarde dun air suppliant, jaimerais pouvoir le prendre dans mes bras, mais ce nest quun fantôme qui aspire désormais au repos.
Alors, les larmes aux yeux, dun coup sec je casse le médaillon en deux.
Un bruit sec. Le serment est rompu.
Les morceaux du médaillon se mettent à luire étrangement. La même lueur séchappe du corps de Shinpei, qui balbutie quelques mots, les yeux rivés au sol.
« Shinyu ma tendre Shinyu...
Nous ne sommes que lincarnation dun doux rêve
Rien d'autre que le fantôme des espoirs nourris par nos mères
Nous n'étions ni vivant, ni morts
Des êtres condamnés à errer entre deux mondes sans consistance réelle... incapables davancer plus loin sur le chemin des Kamis »
Shinpei se redresse.
« Mais aujourdhui je suis heureux, car je men vais rejoindre lesprit dont je suis issu »
L'enfant lève les yeux au ciel.
« Maman »
Son visage irradie. Léclat qui emplit la pièce devient si intense que je ne distingue plus rien autour de moi. Cest alors que jentends la voix douce et apaisante dune homine, qui semble sadresser directement à mon âme
« Melowen Melowen
Melowen, nait pas dinquiétude
Lamour est partout, il embrasse chaque forme de vie.
Le lien qui ta uni à Kalean na jamais été factice, car la magie ne peut créer lamour.
Le rite qui vous a réuni na fait que vous guider lun vers lautre. Il vous a permis déveiller vos consciences et de sensibiliser vos curs à ce lien que vous partagerez toujours, et qui nous rassemble tous. Car au final nous ne formons quun. »
« Ton jeune cur est impétueux, en proie à tant de passions trompeuses
Il nest pas encore assez mûr pour distinguer clairement lamour véritable du simple désir, ou de lattachement.
Le véritable amour est transcendant, il sépanouit au-delà de lentendement des Homins. »
« Et quand lheure sera venue, tu comprendras que ce que tu as partagé avec Kalean nétait que le germe dun amour immensément vaste, qui nourrit Atys depuis laube des temps. »
Les dernières paroles résonnent avec une intensité particulière.
« Melowen, ton amour pour Ma-Duk fera éclore la Graine de la Vie qui sommeille en toi... »
Lorsque létrange lueur se disperse, il ne reste devant moi quune colonne deau, en suspens, qui dessine encore les contours de Shinpei.
Pendant une seconde qui semble une éternité, la sculpture deau reste inerte, comme échappant aux lois de lespace et du temps.
Au moment où je tends la main pour toucher ce mystère, leau seffondre sous son propre poids, aspergeant mes jambes.
Il ne reste plus de Shinpei quune flaque sur le sol, comme autant de larmes que ses grands yeux avaient pu verser.
Je reste longtemps à genoux devant cette flaque, le médaillon brisé dans mes mains, des larmes coulant doucement sur mon visage. Ce nest pas une tristesse douloureuse qui mhabite mais une douce nostalgie, nourrie par les paroles de lhomine qui résonnent encore dans mon cur.
Ses paroles étaient vraies, cest un véritable amour qui munissait et munit encore à Kalean, même si maintenant il a sans doute changé de nature.
Quatre cernes pour que la petite trykette naïve devienne moins naïve, quelle connaisse la haine, la douleur et la vengeance, mais aussi lamour et lamitié
Quatre cernes pour que je comprenne et je découvre ce qui me lie à Psychée
Quatre cernes pour que je devienne ce que je suis :
Plus tout à fait une jeune homine mais pas vraiment une homine
Mon cur continue à memporter au gré des vents. Peut-être ma t il éloigné de Kalean pour mieux my ramener
Ecrit à quatre mains par Melowen et Kalean frère et sur tryker à jamais
Accoudée à une fenêtre dYrkanis, je narrive pas à trouver le sommeil. Mon cur est troublé par ce quil vient de se passer entre Creenshaw et moi. Les événements se sont précipités, tout est allé trop vite Dans les prochains jours, il est possible que jaille vers une mort certaine et là où nous irons les kamis ne pourront rien faire pour nous. Et Kalean est si loin maintenant, est-il encore vivant ? Une saison sest écoulée depuis son départ. Presque une demi-saison depuis mon terrible rêve.
Mon cur est lourd, jai le sentiment davoir trahi Kalean, mais je me sentais si seule
Je porte la main au médaillon quil ma fait remettre après son départ, ce médaillon en nacre quil conserve depuis son enfance. Son contact me rassure. Je le prends dans ma main et lexamine à nouveau : à lintérieur du médaillon figure le luciogramme dun couple de trykers inconnus et au dessus une inscription en langue ancienne : « Shinpei ». Dans la pénombre de la nuit, il semble dégager une sorte de phosphorescence. Cest peut-être la fatigue qui trouble mes sens. Je ferme les yeux, limage de Kalean se forme dans mon cur, et jai limpression dune chaleur dans ma main. Jouvre les yeux, il me semble que la phosphorescence est plus intense. Il me semble que je me sens plus apaisée. Tenant toujours le médaillon, je laisse mon cur rêver
Tandis que je me perds dans ma rêverie, mon cur est saisi par une étrange intuition. Le sentiment diffus dune présence à mes cotés. Cette présence na rien dhostile, elle me semble presque familière
Me retournant, je ne suis quà peine surprise de constater quun petit tryker se tient auprès de moi. Le petit garçon est très sale, des guenilles de réfugiés cachent à peine sa maigreur famélique. La crasse de son visage contraste avec la pureté et léclat de son regard mauve. Ses grands yeux reflètent un mélange troublant de douceur, dinnocence, de résignation et de tristesse. Son crâne rasé laisse entrevoir quelques menues cicatrices, tandis que son front est orné dune épaisse frange de cheveux violets.
Nous nous observons mutuellement puis le garçonnet esquisse un sourire :
« Ici je te vois mieux tu es encore plus belle que jaurai cru. »
Le sourire qui éclaire son visage sefface derrière une mine plus grave.
« Mais... pourquoi es-tu si triste ?... »
Suis-je en train de rêver ? Le petit tryker me paraît pourtant si réel, je nose le toucher de peur quil disparaisse. Sa présence ne meffraie pas au contraire et jai limpression de lavoir déjà vu. Je songe à la grotte des Landes et à mon délire
Je magenouille en face de lui :
« Jai donc lair si triste ? Cest sans doute que je le suis petit frère. La vie dune homine nest pas toujours simple. Tu vois, jai une amie denfance, nous sommes si proches que cest une sur pour moi, mais tout me sépare delle maintenant, son appartenance à une maison ennemie, ses croyances, sa mère adoptive
Et puis mon cur est déchiré entre deux homins, lun est un tryker comme nous, drôle, gentil, aventureux, nous nous connaissons depuis longtemps maintenant mais il est parti pour une aventure dont il ne reviendra peut-être pas, lautre est un fier fyros, cest un homin terrible, qui traque les traîtres sans répit, mais avec moi il nest que douceur et attention Comment aimer lun sans faire de la peine à lautre ? Jai le cur trop grand vois-tu petit frère. Des fois je me dis que je ferais mieux de disparaître dans la jungle zorai, comme je lai déjà fait une fois »
« Mais je me plains auprès de toi, alors que je vois aussi dans ton regard de la tristesse »
Le petit garçon baisse les yeux.
« Parfois je suis triste quand je pense à ma maman
Jétais un mauvais garçon, cest pour ça elle ma quitté
Quand mon papa est parti, il ma bien dis que cétais moi lhomin de la maison, et que je devais prendre soin de maman.
Il nous a laissé tout seuls, mais moi jétais pas un bon fils
Le jour où les monstres sont arrivés jai eu si peur que je me suis caché, et à cause de moi ma maman »
Lenfant renifle.
« elle est morte... et cest ma faute
Les kamis ils me la rendront jamais »
Les larmes coulent abondamment sur les joues sales du garçonnet.
Je veux naturellement réconforter le petit avec une caresse.
Mais ma main traverse le corps du garçon, exactement comme si elle plongeait dans de leau tiède
Surprise, jai un léger mouvement de recul.
Ma surprise passée, je souris au petit tryker
« Je vais te raconter une histoire Mon histoire, moi aussi ma maman est morte, tuée par les kittins. Je devais sans doute avoir le même âge que toi, nous étions en train de fuir et les kittins ont attaqué. Quand ma maman a vu que tout était perdu, elle ma ordonné de fuir, javais très peur, peur des kittins, peur de la quitter. Mais jai obéi, jai fui et ai réussi à me cacher.
Petit garçon, tu naurais rien pu faire contre eux, et il était normal davoir peur. Si tu étais resté, cest ta maman qui taurait ordonné de te cacher et moi je suis sure, maintenant quelle a rejoint Ma-Duk, quelle se réjouit que tu sois toi toujours vivant »
Le petit tryker me regarde étonné :
« Alors toi aussi tu as perdu ta maman ?...
Shinyu ma pauvre Shinyu »
Le garçonnet saffaisse, le dos voûté, la tête baissée, il se tient comme un esclave chargé dun trop lourd fardeau. La frange épaisse de ses cheveux masque ses yeux, mais les larmes qui sécrasent sur le sol trahissent ses pleurs. Etrangement, sa voix ne ressemble plus à celle dun enfant de son âge.
« Ma-Duk !... Pourquoi devons nous endurer tous ces supplices ?
Pourquoi ceux qui saiment doivent-ils être séparés ?
Shinyu ma pauvre Shinyu
Comme tu as dû souffrir »
« On dit que les liens du cur(1) sont les plus forts,
mais ils sont aussi les plus douloureux
Quelle ironie... »
((1) le mot coeur remplace ici le mot shin qui fût employé dans le discours originel.)
« Nos mères croyaient en nos destins, elles croyaient que lamour liait les êtres au-delà de tous les tourments
Mais je suis las, je nai plus le courage daimer.
Ma mère ma raconté un jour que le nom de Shinpei mapporterait la paix du cur
Mais je ny crois plus
Shinyu ma pauvre Shinyu
Nos routes se séparent inéluctablement
Le lien qui nous unit ne peut que nous conduire à la souffrance. »
« Shinyu, jai tellement mal
Pardonne-moi ma pauvre Shinyu.
Pardonne-moi de tabandonner.
Mais lamour ronge mon cur si profondément quil mest insupportable de vivre ainsi plus longtemps.
Jai tellement souffert mon cur a besoin de répit.
Toi seule peux nous libérer en brisant le lien qui unit nos deux curs. »
« Shinyu, nous ne sommes que des fantômes du passé, unis par un étrange lien.
Nous navons plus davenir parmi les Homins. Melowen a succédé à Shinyu, Kalean a succédé à Shinpei, c'est ainsi. il faut cesser de les hanter.
Nous ne sommes que les vestiges dune promesse qui lia deux curs
Mais désormais ces curs aspirent à la liberté »
« Libère Kalean de ma présence!... Je t'en prie, brise le médaillon »
Mon cur se met à battre très fort. Le petit tryker ma appelée Shinyu, comment peut-il savoir ? Je regarde plus attentivement le petit garçon, tout en lui me paraît familier, ses yeux, ses traits, et sa voix Cette voix je la connais bien.
Les pensées semmêlent dans mon cur, une sorte de vertige me prend.
Je songe à cette vieille tradition qui veut que lorsque deux femmes sapprécient beaucoup et quelles ont des enfants de sexes opposés, elles peuvent les unir par un lien particulier. Il suffit alors de leur donner un nom ancien dérivant d'un mot qui symbolise la nature du lien
Shinyu et Shinpei : ainsi nos mères nous auraient liés, nous conduisant par delà le temps à nous rencontrer et nous aimer.
Mais nous ne sommes plus ce que nous avons été, Shinyu et Shinpei ne sont plus, ce sont de doux souvenirs, car tant deau a coulé par les Lacs depuis.
Je prends le médaillon dans mes mains, elles tremblent un peu, notre destin repose dans mes mains. Mais jai peur, mon cur aspire à la liberté, pourtant même si cet amour qui nous lie ne vient pas vraiment de nous, je sais quil est doux et rassurant. Jai limpression de traverser un gouffre, sachant que le pont qui lenjambe, trop fragile, ne permettra pas le retour.
Si je brise le médaillon, si cet amour disparaît, si nos curs retrouvent leur liberté, est-ce que la tendresse qui existe entre nous sera toujours présente ? Kalean si je ne suis plus ton amante, je veux rester ta sur
Shinpei me regarde dun air suppliant, jaimerais pouvoir le prendre dans mes bras, mais ce nest quun fantôme qui aspire désormais au repos.
Alors, les larmes aux yeux, dun coup sec je casse le médaillon en deux.
Un bruit sec. Le serment est rompu.
Les morceaux du médaillon se mettent à luire étrangement. La même lueur séchappe du corps de Shinpei, qui balbutie quelques mots, les yeux rivés au sol.
« Shinyu ma tendre Shinyu...
Nous ne sommes que lincarnation dun doux rêve
Rien d'autre que le fantôme des espoirs nourris par nos mères
Nous n'étions ni vivant, ni morts
Des êtres condamnés à errer entre deux mondes sans consistance réelle... incapables davancer plus loin sur le chemin des Kamis »
Shinpei se redresse.
« Mais aujourdhui je suis heureux, car je men vais rejoindre lesprit dont je suis issu »
L'enfant lève les yeux au ciel.
« Maman »
Son visage irradie. Léclat qui emplit la pièce devient si intense que je ne distingue plus rien autour de moi. Cest alors que jentends la voix douce et apaisante dune homine, qui semble sadresser directement à mon âme
« Melowen Melowen
Melowen, nait pas dinquiétude
Lamour est partout, il embrasse chaque forme de vie.
Le lien qui ta uni à Kalean na jamais été factice, car la magie ne peut créer lamour.
Le rite qui vous a réuni na fait que vous guider lun vers lautre. Il vous a permis déveiller vos consciences et de sensibiliser vos curs à ce lien que vous partagerez toujours, et qui nous rassemble tous. Car au final nous ne formons quun. »
« Ton jeune cur est impétueux, en proie à tant de passions trompeuses
Il nest pas encore assez mûr pour distinguer clairement lamour véritable du simple désir, ou de lattachement.
Le véritable amour est transcendant, il sépanouit au-delà de lentendement des Homins. »
« Et quand lheure sera venue, tu comprendras que ce que tu as partagé avec Kalean nétait que le germe dun amour immensément vaste, qui nourrit Atys depuis laube des temps. »
Les dernières paroles résonnent avec une intensité particulière.
« Melowen, ton amour pour Ma-Duk fera éclore la Graine de la Vie qui sommeille en toi... »
Lorsque létrange lueur se disperse, il ne reste devant moi quune colonne deau, en suspens, qui dessine encore les contours de Shinpei.
Pendant une seconde qui semble une éternité, la sculpture deau reste inerte, comme échappant aux lois de lespace et du temps.
Au moment où je tends la main pour toucher ce mystère, leau seffondre sous son propre poids, aspergeant mes jambes.
Il ne reste plus de Shinpei quune flaque sur le sol, comme autant de larmes que ses grands yeux avaient pu verser.
Je reste longtemps à genoux devant cette flaque, le médaillon brisé dans mes mains, des larmes coulant doucement sur mon visage. Ce nest pas une tristesse douloureuse qui mhabite mais une douce nostalgie, nourrie par les paroles de lhomine qui résonnent encore dans mon cur.
Ses paroles étaient vraies, cest un véritable amour qui munissait et munit encore à Kalean, même si maintenant il a sans doute changé de nature.
Quatre cernes pour que la petite trykette naïve devienne moins naïve, quelle connaisse la haine, la douleur et la vengeance, mais aussi lamour et lamitié
Quatre cernes pour que je comprenne et je découvre ce qui me lie à Psychée
Quatre cernes pour que je devienne ce que je suis :
Plus tout à fait une jeune homine mais pas vraiment une homine
Mon cur continue à memporter au gré des vents. Peut-être ma t il éloigné de Kalean pour mieux my ramener
Ecrit à quatre mains par Melowen et Kalean frère et sur tryker à jamais