Page 1 of 1

[nemesis] Le chant des larmes

Posted: Fri Apr 29, 2005 2:39 pm
by psychee
Elle marchait dans un champ de ruines.
Sous un ciel effacé et dévoré par tant de fumée que le soleil n’en traversait plus les miasmes, le sol était jonché de morts. Tant de morts, en un seul lieu, à perte de vue. Plus aucunes autres couleurs que les ocres et les bruns d’une aube déjà morte.
Elle tourna la tête.
Au sommet de la première colline à portée de vue, les Kamis, par centaines, immenses et monstrueux de colère et de rage, le corps rouge de sève, flamboyant de fureur magique, avançaient inexorablement en écrasant cadavres et décombres.
Un réflexe, ou l’instinct, et elle savait ce qu’elle verrait en tournant le regarde de l’autre coté de ce champ de bataille.
La Karavan avançait, ses agents en rang serrés, leurs terribles armes en mains, et au dessus d’eux leurs énormes machines hurlantes.

Chacun des pas des deux armées devenait inexorable. Le ciel se couvrait et pleurait comme Atys tandis que s’accélérait la marche des belligérants. Elle réalisa soudain qu’elle était devant les Kamis, qu’ils l’ignoraient. Elle réalisa qu’elle était en armes, qu’elle était couverte de sève, qu’elle était dévorée de rage et qu’elle attendait son ennemi…

Les deux armées se ruèrent l’une sur l’autre dans un fracas de fin du monde. Et Atys hurla de souffrance, tandis qu’en chargeant la Karavan elle soulevait son épée et l’abattait sur le premier homin.


Psychée se réveilla en réprimant un hurlement. Pas loin, sa mère dormait, encore ivre morte. Elle fondit en larmes, le corps tremblant. Ce cauchemar avait fait partie de ses trois années de rêve, et depuis son réveil, il n’avait cessé de la hanter. Désormais, il prenait un autre sens.
Elle n’arrivait pas à cesser de pleurer, tandis que défilaient ses souvenirs. Elle avait évité de dire à tous qu’elle se rappelait de tout. Qu’elle se souvenait de son passé clairement, et de ses sentiments passés. A part sa mère, peu de monde le savait.
Peu de monde savait qu’elle avait en mémoire toute la tendresse et l’amoure des plus beaux moments de son passé, aussi présents que les pires et les plus cruels. Qu’elle se rappelait que sa propre mère fut sa tortionnaire, ou qu’elle fut la sœur aimée et respectée de tout Zora.

Mais désormais, tout cela avait un goût amer. L’homme qu’elle avait aimé et respecté comme son père l’avait trahie dès le début. Thun, le Maître des Gardiens de la Sève était depuis le début frère, ami, et complice de Leto, complice du monstre qui l’avait tant torturé, en mit en danger tout les peuples d’Atys dans sa folie de haine. Les Gardiens savaient la vérité, d’ »une manière ou d’une autre, et elle n’avait été qu’un instrument pour que Leto parvienne à son ignoble plan : gagner la confiance des Matis, de la Karavan, et, de l’intérieur, s’attaquer à détruire les Matis qu’il haïssait tant.
Désormais, les Gardiens de la Sève montraient leur véritable visage, oubliant les promesses de paix, d’union, de liberté et d’hominité qu’ils avaient tant servi, pour devenir un clan Kamiste extrémiste. Sa sœur fyros, Adfael, était elle-même devenue une furie tuant aveuglement tout serviteur de Jena qu’elle pouvait croiser.
Et sa chère Melowen avait offert sa confiance et son affection à… Leto, qui était revenu dans son pays et le clan qui avait été son complice.

La Zoraï Blanche avait aimé et servit les Kamis, était devenue membre du peuple des sages, car elle croyait en eux depuis l’enfance, depuis sa rencontre avec Pieds-Bleus, seul homin à s’être rapproché de cette orpheline rejetée. Elle avait tout offert pour ce peuple, et pour les Gardiens. Elle avait pris tous les risques sans compter pour ses chers Kamis.
Et voilà que les kamistes devenaient de plus en plus des fous meurtriers, que sa propre famille prônait la colère et la guerre, que ceux qu’elle avait aimé n’étaient plus désormais que des monstres qui s’étaient juste servi d’elle.

Liandra lui avait dit tout cela en la serrant contre elle. Elle ne pouvait pas avoir menti. Le plus atroce est sans doute que Psychée savait pertinemment que Liandra ne pouvait pas mentir. Qu’elle ne sache pas tout, que cela soit plus compliqué, était évident, mais d’entendre ça…

Elle s’effondra encore sur le lit, étouffant ses larmes. Elle avait été un jouet alors qu’elle avait cru de toutes ses forces en sa foi, en son amour, en ceux qui furent sa famille. Liandra voulait faire de l’Obsidienne sa famille, elle y croyait de toutes ses forces « tu es notre âme ». Mais elle n’avait rien à voir avec eux, rien de commun avec leur idéal. Elle n’osait même pas leur parler, malgré son bonheur à retrouver ces murs, ces lieux, la chapelle, les appartements de sa mère.

Elle était désormais seule, et le passé, pire qu’effacé, la trahissait.

Ses souffrances la hantaient. Elle n’avait cessé de douter depuis son réveil. Non… bien plus loin… Depuis ce jour à ses huit ans, où les kittins avaient achevés le travail commencé par la Karavan. Elle avait cherché des réponses toute sa courte vite, et n’avait couru que pour cela, au prix des rares moments de bonheur qu’elle pu trouver. Elle n’avait jamais trouvé sa place, avait perdue la conscience même qu’elle en avait eue. Sa résolution à changer le monde avait été une résolution à se trouver une raison d’exister, et rien d’autre. Si elle devenait une personne qui ai une importance pour tous, elle deviendrait peut-être assez importante pour elle-même pour arriver à vivre.

La Zoraï Blanche avait fait quelque chose pour avoir ses réponses. Quelque chose que Psychée ne comprenait que de manière parcellaire et bien trop floue. Mais ces rêves et ces voix ne cesseraient pas de la hanter si elle ne faisait rien.
Elle avait été un jouet, elle savait comment était écrit son destin, et refusait qu’il le soit ; elle voulait croire qu’elle avait le choix, en sachant qu’elle ne l’avait jamais eu et que c’est la vie qui la conduisait, pas le contraire. Elle n’avait été qu’un jouet, ou un esquif soufflé par les vents. Jamais elle n’avait pu faire un choix qui ai pu modifier ce fait.

Mais elle pouvait réessayer. Peut-être essayer de savoir si son passé n’avait réellement été qu’une trahison, peut-être comprendre, ou, au moins avoir essayé, et se débarrasser de cette souffrance, de ces rêves, de ces douleurs. Elle avait pleuré des jours d’être sans mémoire, et pleurait maintenant d’en avoir une.
Il fallait que cela cesse… Pour sa mère, pour elle… pour vivre.

Elle se leva, et fit une toilette rapide avant de s’habiller. Sa mère n’entendrait rien. Elle alla fouiller dans les placards, à la recherche des herbes que sa mère conservait précieusement.
Elle y trouva le vieux bocal qu’elle cherchait. Des champignons hallucinogènes, ceux de Leto, employés pour faciliter la transe. Elle en prit trois, referma le bocal, et sortit de l’appartement sans bruits…

… Elle traversa le manoir, sans rien montrer, dit bonjour, souria, et sortit en ville devant les gardes. Si tout se passait bien, elle pourrait prévenir sa mère par elle-même. Elle alla quand même jusqu’à l’hôtel des postes, et écrivit une courte lettre pour sa mère. Celle-ci ne lui arriverait pas avant plusieurs heures, sans doutes un jour ; c’était suffisant.

« Bonjour, maman.
Comme toujours, je vais faire une folie. Comme toujours, je vais la faire sans rien te dire ou te demander, comme j’ai toujours agi, sans jamais rien demander aux autres, sans jamais vouloir me laisser aider.
Tu aurais su ce que je vais faire, tu t’y serai opposé. Mais je dois savoir. Je perd tout ce que j’ai aimé, il ne reste que toi, mais mes croyances, ma foi, vacillent. Il y a longtemps, Elle a fait quelque chose pour savoir. Je veux faire de même. Si elle a pu parler à Atys et la voir, je peux faire la même chose. Tu dis que Jena est au dessus de tout, mais même si j’y crois, même si j’y ai toujours cru, jamais je n’ai senti sa présence, jamais je n’ai pu savoir.
Les kamis m’ont-ils trahis ?
Ou ai-je juste été le jouet d’une poignée de Zoraï ?
Je veux savoir, je veux cesser de faire cauchemar sur cauchemar.
Je veux tourner la page. Si je dois être votre âme, je dois avant tout retrouver la mienne, maman.

Tu me trouveras dans le Cercle des Kamis, dans le Jardin Fugace. La lettre n’arrivera pas de suite, je sais trop bien que tu serai la première à courir m’en empêcher. Je veux croire, maman, et pour cela, il me faut savoir.

Je t’aime.
Ne craint rien pour moi, et ne va pas remuer encore ciel et terre.
A très vite. »

Psychée sortit son ticket. Elle avait été emmenée là-bas la veille même, cela tombait bien. Pour le reste, elle… non, pas elle, l’ancienne elle connaissait les lieux, elle retrouverait l’endroit sans mal, et serait assez isolée pour ne pas être dérangée.

Elle brisa le pacte.

Re: [nemesis] Le chant des larmes

Posted: Fri Apr 29, 2005 2:39 pm
by psychee
Le silence semblait la regarder.
Elle été arrivée en pleine nuit, et avait marché, une petite poignée d’heures. Le chemin lui était revenu à l’esprit comme si elle ne l’avait jamais oublié.
Sa première rencontre avec Leoll avait eu lieu ici.

Déesse… lui aussi… il y avait combien ?... Quatre ans... cinq? Tant de disparus…

Elle avait installé un petit camp, fait de la lumière, posé une couverture, et avait sorti et mâché les champignons, calmement.
Sans empressement, elle s’était assise, et respirait doucement. Florimelle, et Thun avait elle, lui avaient appris la méditation, un art qu’elle pratiquait peu. Mais cette fois, elle en aurait besoin.
Elle chercha dans la mémoire de la Zoraï Blanche le moment qui avait servit de déclic, l’émotion qui avait provoqué sa vision… la clef du seuil entre ce petit bout de clairière, et l’univers entier.
Elle avala enfin les champignons qu’il lui avait fallu mâcher longuement. Une sorte de léger tournis la prit, elle s’y attendait. Elle explorait toujours ses souvenirs à la fois si intimes et si étrangers, toujours plus proches du lieu que la Zoraï Blanche avait tant cherché. La sensation de flottement devint plus forte, elle oubliait lentement que ce fussent des souvenirs qu’elle regardait ainsi.

Une prière lui vint aux lèvres, une prière à Jena. Elle n’avait jamais salué, vénéré, ou remercié la Karavan. Et les imprécations populaires pour demander leur secours lui étaient étrangères. Mais ce poème vint facilement… impossible de savoir où elle l’avait entendu…

O JENA, dont l'Ange insaisissable échappe à ma prière,
Réveille l'aube ardente qui réchauffe les coeurs,
De ta Lumière éclaire nos âmes héritières,
De tes Lois, de ta foi, fais-nous les défenseurs.

Source de vie suprême, nous qui vivons par toi,
Guide-nous vers les terres où toute crainte expire,
Montre-nous le chemin qui mène à ton empire,
Et fortifie nos bras quand vient l'heure du combat.

Entends, divine Mère, entends, Reine adorée,
La plainte de ta fille qu'elle élève vers toi,
Exauce sa prière, éclaire-lui la voie,
Afin que l'Ange enfin demeure à ses côtés.

Sa voix tremblait, et au fur à mesure que s’égrenaient les mots, qu’elle répétait la prière, elle perdait tout contrôle sur son corps, sur ses gestes, sur ses pensées. Devant elle, les herbes se levaient, le sol s’effondrait, le ciel se déchirait, tandis qu’un énorme gouffre fissurait le voile du réel comme on déchire de la soie. Elle essaya de prier encore, mais sa voix s’était tue, et son corps basculait sur le coté, tandis que le gouffre grandissait en dévorant ciel, arbres, écorce, herbes, couleurs, tout ce qu’elle pouvait encore voir.
Elle continuait sa prière, mais les mots étaient silencieux dans l’air hurlant aussi bien que dans ses pensées chaotiques. Elle voyait vivre devant elle l’image de ces tout ces « moi » qu’elle avait été, failli être, et craignait d’être, une multitude de Psychée tour à tour tueuse sans âme au service des Matis, courtisane de haute noblesse, héritière, enfant des rues errante, magicienne froide comme la mort, guérisseuse et prêtresse des kamis, cadavre vivant dévoré par la Goo, fille sans mémoire de Liandra, étendard de paix… et de colère….
Elle commençait à étouffer, avait l’impression que son crâne allait exploser avec son âme, et soudain, elle ne fut plus rien….

… Et soudain tout.
Un hurlement de douleur et de terreur tandis que chaque cellule de son corps hurlait le chant de la renaissance de la mort et de la vie. Elle était tout ce qui pouvait être, et vivait, et en partageait la terreur de mourir, la rage de vivre, les hurlements de douleur et les plaintes d’agonie, du nouveau-né recevant l’air dans ses poumons au vieillard respirant pour la dernière fois. Du brin d’herbe aux plus grands kittins, elle entendait leur rage devenir un immense bruit, un souffle, un croassement aux accents indicibles, un vacarme où tout, sens, esprit, corps, et âme se perdait. Le hurlement était souffrance et vie, les chœurs étaient els voix de toutes choses, les sens devenaient la perception de tout un monde, le youbo était aussi assourdissant que les plus grands kinchers. Terreurs, angoisses, tensions, souffrances, révoltes, haines, colères, rages, égoïsmes, amertumes, regrets, hontes, dédains… amour, espoirs, bonté, sourires, chaleur, paix… Tout n’était plus qu’un flot immense roulant sans trêve, et elle s’entendit penser au milieu de millions d’âmes qu’ainsi c’était le secret de Leto…

Elle retrouva la vue, pour la perdre aussitôt. Elle mourut mille fois pour naître autant de fois, et réalisa qu’elle allait perdre la raison.

DEEEEEESSSSSSSE !!!! Elle hurla, et un Izam effrayé prit son envol tandis qu’un ragus dans le lointain hurlait comme en réponse.
Elle était étendue sur le sol, le corps secoué de soubresauts, tandis que le poison des champignons envahissait son corps. Elle bavait, et se mit à vomir dans de terribles convulsions, mais rien ne la fit sortir de sa transe. Elle pouvait savoir que son corps souffrait, mais ne pouvait le déconnecter de la souffrance du Tout.
Elle releva la tête, à genoux, et hurla encore les yeux exorbités
MAINTENANT, MERE!!!!!!!
L’écho de sa voix franchit les collines, tandis qu’elle hurlait encore pour échapper à la folie, pour revenir elle, échapper à la sensation de vivre au travers d’un monde. L’écho se propagea au-delà des collines, oubliant qu’il portait un bruit, pour porter une âme. L’écho était une détresse, une question, et elle courut le long des plaines, sauta par dessus les arbres en fleurs, bondit sur les torrents, et s’enfonça dans les vallées. Plus l’écho avançait, plus la petite homine hurlait, et plus l’écho courait, et plus elle hurlait.

L’écho portait toute son âme, et contenait tout sa question.
Il franchit bientôt tout le Jardin Fugace, et à travers les cieux alla chercher tous les amours, toutes les amitiés, toutes les tendresses passées. Il toucha tous ce qu’elle avait elle-même un jour touché, tous les sourires, toutes les larmes… Etes vous vivants, où êtes-vous, pourquoi suis-je toujours restée en vie, pourquoi dois-je vivre, quel est mon choix, quelle est la voie que le destin a choisi ?

Le choc quand les premières âmes furent touchées… impact… sensation… La réalité revenait, à chaque vie qu’elle retrouvait. Des fils se nouèrent dans les ethers du réel pour la relier aux siens. Elle entendit le sommeil de sa mère, les larmes de Melowen, les doutes de Thanys, les pensées infinies de Leto… et l’agonie d’Elesias. Elle les sentit tous… Linlin, Adfael, Kaithlin, Harmonie, et sentit la fin de ceux qui manquaient : Harmonie, Thun, Yavin, Leoll…
Elle entendit pendant une seconde éternelle leur voix devenir une seule et unique réponse, qu’elle ne put jamais formuler, une image…

Elle marchait sur un champ de ruine, kamis et Karavan face à face. Et faisait le choix de refuser, de choisir un sourire, celui d’une image floue qui ne veut être vue, un spectre, une fée, une éclipse…
« Tu n’es pas un jouet, Elenaa, tu es juste l’un des instruments du Destin. Tu as déjà choisi, tu choisiras encore. Tes pas te portent vers moi. Ne renie jamais ce que tu as fais, ce que tua s été, ne le renie jamais nie devant eux, ni devant quiconque… »
La voix sembla n’avoir jamais existé…et le champ de ruines s’effaça, pour céder à une ombre complète. Elle sentait son corps lutter contre le poison, et souria intérieurement en se disant qu’elle était bien cruelle avec elle-même…

Elle ouvrit les yeux… Des sentiments confus lui parvenaient… Elle pensa à trois personnes… Liandra… Melowen… Elesias…
Elesias !
Elle cria son nom, plutôt que de le penser. Elle se leva, et chuta dans la seconde, le corps vaincu.
« Déesse, il meurt ! »
Elle ferma les yeux. Si elle avait retrouvé les liens avec les êtres qu’elle chérissait, ils pourraient entendre, ou au moins sentir quelque chose…
« Maman, Harmonie, Thanys… entendez-moi… Elesias se meurt… Elesias se meurt ! »
Elle le voyait, agonisant, quelque part dans les Jungles Zoraï. Il n’avait pas lutté, et ne luttait plus… « Maitre Elesias… non… non, je vous en prie ! Venez, Où que vous soyez, allez le chercher !!! Je vous en prie !!!! » Elle avait crié cette dernière phrase, et cria encore, en pleurant : « Ne le laissez pas mourir ! Je ne veux plus voir mourir ceux que j’aime ! Ne le laissez pas mourir ! »…

Re: [nemesis] Le chant des larmes

Posted: Fri Apr 29, 2005 2:40 pm
by psychee
[HRP] La suite sera sur nos forums:
http://etoile.obsidienne.free.fr/forum- ... .php?t=363 [/HRP]

Re: [nemesis] Le chant des larmes

Posted: Sat Apr 30, 2005 9:29 am
by snark
L’aube nait, le soleil s’infiltre doucement dans la grotte et le vent fait bouger les bambous suspendus. Sur le visage de Melowen les larmes ne coulent plus, mais elle est plus pâle que la mort et son souffle parait si léger qu’on pourrait craindre qu’il s’interrompe à tout moment. La tache de lumière éclaire la partie opposée de la grotte où Melowen s’est tapie.

La lumière se déplaçe lentement. Elle éclaire maintenant le centre de la grotte, puis lentement elle gagne l’espace où est allongée la petite tryker. Son sommeil parait ne pas vouloir s’interrompre. Bientôt l’intensité de la lumière baisse, la tache vient lécher les pieds de Melowen, le vent du soir se leve, s’engouffrant dans l’ouverture de la grotte et faisant chanter tristement son plafond curieusement sculpté. Dans son sommeil Melowen geint, elle remue, ses yeux s’ouvrent, elle ne sait plus où elle est, ses souvenirs sont vagues, elle connaît cet endroit, mais ne le reconnaît pourtant pas. Ses vêtements sont déchirés et sales, comme si elle avait fuit.

Puis les images de la veille, mais était-ce bien la veille lui reviennent, il lui semble entendre dans ses oreilles les paroles de Psychée, alors elle se bouche les oreilles, se recroqueville de nouveau, et sombre dans une semi-inconscience.

Dans la lumière du crépuscule, elle ne reconnaît plus la grotte, dans le bruit du vent elle croit entendre des enfants et des femmes geindre, les bambous qui s’entrechoquent sont le fracas des armes, et sur la paroi, le visage sculpté prends l’allure d’une face terrifiante de kittin. Tremblante de fièvre, elle voit de nouveau se dérouler la fuite éperdue dans la forêt Matis, elle revoit Elenaa face aux kittins, et elle Shinyu qui fuit éperdument le massacre. Elle s’enfuit, trébuche et dans un buisson tombe. Devant elle, un jeune tryker aux cheveux roses et aux yeux mauves est allongé, horriblement blessé, il a une jambe fracturé, elle s’accroupit près de lui pour le soigner.

Le kami alors arrive, il ne semble pas voir le jeune tryker, le kami lui prends la main et l'entraîne, elle s’éloigne à regrets et lorsqu’elle se retourne un kincher dresse son dard au-dessus du tryker, elle hurle.

Il fait maintenant nuit dans la grotte, Melowen est brulante de fièvre, elle voit s’avancer une grande silhouette qui se découpe sur l’ovale plus clair de l’entrée. Cette silhouette, elle la reconnaitrait entre mille, elle appelle : « Grand Frère » mais de sa bouche sèche ne sort qu’un couinement. La silhouette s’avance impassible, mais elle s’est trompée ce n’est pas Leto, et lorsque l’ombre laisse tomber sa cape, terrifiée elle reconnaît Liandra qui hurle « va t en tryker, va t en à jamais ». La matis
brandit sa terrible épée qui s’abat sur la tête de Melowen. En criant, la petite Tryker se réveille de nouveau, la grotte est vide, tout est calme. Elle retombe sur le dos, et se rendort de nouveau. Son sommeil parait maintenant plus paisible.

Les cauchemars reprennent, elle se revoit dans le cercle Kamic, l’étrange et terrible cérémonie dirigée par Léto se mélange avec une autre cérémonie survenue il y a bien plus longtemps, lorsqu’elle était Shinyu. Et puis soudain la terrible vision.

Elle marche dans un champ de ruines.
Sous un ciel effacé et dévoré par la fumée, le sol est jonché de morts. Tant de morts, en un seul lieu, à perte de vue. Plus aucune autre couleur que les ocres et les bruns d’une aube déjà morte.
Elle tourne la tête :
Au sommet de la première colline à portée de vue, les Kamis, par centaines, immenses et monstrueux de colère et de rage, le corps rouge de sève, flamboyant de fureur magique, avancent inexorablement en écrasant cadavres et décombres.
Et de l’autre côté elle voit la Karavan avançer, ses agents en rang serrés, leurs terribles armes en mains, et au dessus d’eux leurs énormes machines hurlantes.
Et devant les kamis Psychée en armes, couverte de sève, le visage déformé par la rage…
Les deux armées se ruent l’une sur l’autre dans un fracas de fin du monde. Et Atys hurle de souffrance, tandis qu’en chargeant la Karavan, Psychée soulève son épée et l’abat sur le premier homin.


Melowen se réveille de nouveau, tremblante, son cœur bat à tout rompre. Le lien, le lien s’est réveillé…

Re: [nemesis] Le chant des larmes

Posted: Sat Apr 30, 2005 11:26 am
by psychee
Leto le traitre :
Une goutte de sang éclata sur le goban, tache rouge au milieu d’un univers noir et blanc. Leto poussa un juron « Evidemment qu’il meurt... j’avais prévenu que Ma Duk ne permettrai pas une telle chose... mais quand le Zoraï montre la lune, les matis regardent le doigt. » Il maugréa en essuyant le plateau, cette mort prématurée n’arrangeait pas ses affaires...
Liandra d’Alanowë :
Elle ne bougea pas quand elle l'entendit se levée discrètement, gardant la pose, les yeux fermés, attendant qu'elle finisse ses préparatifs. Ce n'est qu'une fois qu'elle fut sortie qu'elle ouvrit ses paupières, découvrant ses grands yeux verts qui en cette nuit semblaient luire.
C'était arrivé tôt, mais sans doute les révélations de la journée y étaient pour quelque chose. Se relevant doucement, avec cette lenteur gracieuse qu'on croit n'appartenir qu'aux félins, elle allât ouvrir son placard...des champignons manquaient. Jena, quand apprendras tu que tu n'as nul besoin de ces artifices pour cela...

Elle retourna à son lit, s'y allongea et attendit, les yeux grands ouverts, n'étant plus tout à fait là.
Le lien n'était jamais mort, mis à part dans ton esprit qui refusait, refuse encore, les évidences. Elle se contenta quand même de ne la suivre que sur la Trame, surveillant celle ci en même temps sa progression. Au loin, elle vit une anicroche se formée, incohérence du Destin...Elesias...mais les instruments étaient déja en route, peut être arriveraient-ils à Tisser, peut être pas...
Mais cela n'était pas à elle de le faire pour l'instant, toute son énergie devait être concentrée en un seul effort, car si cela se passe mal, l'incohérence créée serait bien plus grave.

Sa fille arrivât au lieu dit. Elle attendit qu'elle entame sa route, et l'observât...peut être après tout n'aurait elle pas à intervenir. Mais elle sentit sa détresse, ses peurs, puis se rendit compte que l'anicroche empêchait la Trame de se tisser. Elle soupirât...Elesias...
Usant du lien, elle s'approchant de sa fille à genoux, et la prit au creux de ses bras, lumineuse, chaleureuse, maternelle.
Elle posât sa tête sur une de ses épaules, parlant doucement au creux de l'oreille de son enfant non née...

Nous sommes à une bifurcation, des voix s'offrent à toi..

Devant leurs yeux apparurent deux chemins, tous deux sombres.

Viens, explorons les...commençons par celui des antagonistes, celui des ennemis, car ils sont une seule et même route...


Elles arrivèrent à un champ de ruines sur lequel deux camps se faisaient face, karavaniers en rangs sombres et serrés, kamis flamboyants en une meute sauvage et pleine de colère.

Voit...

Elle pointât du doigt une des silhouettes sombres, Elenaa, froide, déterminée, maniant des armes de mort, source de colère et de haine.
Puis elle pointât une des silhouettes flamboyantes: Psychée, pleine de sève et de fureur, les mains étincelantes prêtes à détruire, source de colère et de haine.
Les deux camps chargèrent...en un seul instant, des milliers de voix s'élevèrent dans un seul grand Cri puis moururent. Et plus rien, le néant, mort absolue de toute existence.

Telle est leur voie...

Retour à la bifurcation.

Maintenant suivons cet autre chemin...celui qui consiste reste sur le fil, ne rien faire, ne pas choisir, ne pas passé de frontière...

Elles arrivèrent à un champ de ruines sur lequel deux camps se faisaient face, karavaniers en rangs sombres et serrés, kamis flamboyants en une meute sauvage et pleine de colère.
Mais cette fois elles étaient au milieu de ce champ. Elle se levât et, reculant, laissa son enfant seule, source de colère et de haine.
Les deux camps chargèrent...en un seul instant, des milliers de voix s'élevèrent dans un seul grand Cri puis moururent. Et plus rien, le néant, mort absolue de toute existence.


Telle est cette voie...

Retour à la bifurcation.

Toutes deux nous mène au néant...il n'y a pas d'équilibre. Il n'y là aucun choix, ce sont des non choix...A moins que...

Entre les deux routes commençât à se former un sentier, vie et lumière.

A moins que nous attendions que ne se forme un choix réel...celui de la Déesse Mère...

Autour d'eux des silhouettes innombrables avançaient, bifurquant pour suivre une des routes. Mais quelques unes s'arrêtaient. Elle tournât la tête et souriat à Harmonie puis revient se lover sur l'épaule de sa fille.

Voilà le seul réel choix...attendre ensembles que ce petit sentier se fasse route et nous mène au Renouveau...

Elle cessa alors d'étreindre son enfant, à regrets, une larme cristalline coulant de l'un de ses grands yeux verts et reculât, les bras ouverts prêts à la recevoir en son sein.

Mais toi seule peut en décider...
Psychée :
Elle se retourna encore….
Elle se savait à la fois ici et là-bas, maintenant, et si loin après. La transe ne s’était pas achevée. Elle gisait contre ses affaires, le corps vaincu par les drogues et l’épuisement. Mais le rêve se poursuivait…
Le murmure de Liandra avait répondu à l’écho.

Devant les yeux de Psychée gisait comme un linceul le champ de ruine. Les Deux Armées attendait leur héros en silence…
Karavan…
Kamis…

Kamis… Karavan…
Le même bain de sang. Qu’elle choisisse ou non , cela finirait en désolation et mort. Les ombres se répandraient sur le monde et l’agonie prendrait fin sur ces ruines.
Sauf qu’elle pouvait refuser.

« Par la Déesse, jamais Elle n’aurait voulu ça ! Et jamais je ne vous laisserai faire !
Jena, esprit d’Atys, monde, et âme, qui ne cessez de me parlez, je refuse de fermer les yeux ! Ni Karavan ni Kami, je vous affronterais, tous, j’affronterais toutes les folies et les haines que vous vomissez ! »


Elle leva la main, une épée s’y lova, un gant de mage vint habiller l’autre. Elle les défiait, tous, et autour d’elle, ceux qui refusaient de choisir la mort se rassemblaient. Elle devînt un point au milieu d’eux, un repère, et sa lumière devînt un phare.

« Vous aviez peur d’une Nemesis… vous aurez peur. Jamais je ne vous laisserai détruire notre monde ! Jena, j’ai prié pour rien trop de temps ! »

Elle regardait l’immense champ de ruines. Le vent se leva… Une odeur, derrière le soufre et la poix… Comme un parfum d’espoir, une odeur verte comme les forêts. Elle se retourna, voyant sa mère pleurer, les bras ouvert. Plus de lame, plus de gants de magie, plus de colère.

Elle se lova entre ces bras qui l’appelaient…

Murmure…
« J’ai choisi… »
Aucuns autres mots ne pourraient en dire plus…
Melowen :
Le jour se lève, j’émerge du délire dans lequel la fièvre m’a plongée. Je suis encore brûlante, tous mes muscles sont douloureux et la gorge me brûle affreusement. Je rampe vers la petite source, et là tel un animal blessé, j’essaie d’étancher ma soif. J’essaie de ne pas penser, j’essaie de ne penser qu’à survivre. Il faut que je me soigne, que je mange, il faut que je me relève… Penser, c’est aller vers la mort.

Je regarde autour de moi, dans l’aube naissante, je m’aperçois que la grotte a été habitée sans doute récemment. Les cendres d’un foyer, des bambous secoués par le vent, une paillasse faite de roseaux et sur la paroi une étrange sculpture. Je me mets debout difficilement, et péniblement je me dirige vers le masque. Mes mains parcourent malhabilement la surface de la pierre. Puis je souris en pensant à celui que j’appelle maintenant « Grand-Frère ». Ainsi donc Leto était ici…

Mais il ne faut pas penser, pas encore. Dans un coin une réserve de bois, j’allume un feu. Je cherche mon sac qui gît abandonné sur le sol, en sort une casserole et des ingrédients. Je fais bouillir de l’eau et prépare une décoction. J’avale le liquide encore brulant. Bientôt la fièvre va descendre. Ma gorge me brûle toujours, je bois de nouveau, et essaie d’avaler un peu de nourriture.

Mon esprit devient plus clair, curieusement tout mon délire est clairement présent, je me rappelle de tout. La peine est immense et en pensant à Psychée, les larmes me viennent. Mais je me retiens de pleurer. Pourquoi faut-il que les coups les plus rudes me viennent de celle pour qui je donnerais ma vie sans hésiter ? De nouveau j’ai failli lâcher prise, mais je me suis relevée, je me relève toujours. J’aime trop la vie, j’aime trop Atys pour avoir envie de mourir.

L’angoisse m’étreint en pensant à Kalean, il lui est arrivé quelque chose, j’en suis sûre. Je l’ai vu blessé, vivant mais blessé. Où est il maintenant ? A t il atteint tout de même la canopée ? Est il retombé sur le sol, où il gît maintenant blessé à la merci des prédateurs ? Il faut que je prévienne les Pirates, il faut qu’on se mette à sa recherche.

Puis je repense à l’ultime vision, celle dont Psychée m’a protégée longtemps, cette vision qu’elle peut faire partager à d’autres homins, au risque de bouleverser leur vie, comme ce Matis que nous avions rencontré autrefois dans le temple de Jena. Mais moi cette vision ne bouleverse rien en moi, car cette vision, je le sais je l’ai déjà eu, il y a longtemps, très longtemps, alors que j’étais Shinyu. Mais tout est encore flou, il faudra que Leto m’aide à retrouver mes souvenirs d’enfance, je veux comprendre, comprendre et savoir. Leto, je dois retourner à Zorai et demander à Thorukai s’il a retrouvé les documents. Ensuite, ensuite et bien je verrai….

La fièvre commence à tomber. Il fait maintenant totalement jour. La gorge me brûle moins et j’arrive à mâcher un peu de ces galettes Zorai. Le lien est de nouveau bien présent, je peux le parcourir, le remonter, mais je ne vais pas jusqu’au bout, j’ai peur que Psychée ne me repousse, mais je sais où elle est allée. Elle est retournée au Cercle Kamic…

Notre destin est-il inscrit de façon définitive ? Pouvons-nous nous écarter du chemin qui semble t il a été tracé ? Je ne veux pas de cet avenir de feu et de cendres. Pourtant je le sens, tout nous conduit vers cela, dans les primes les homins se massacrent au nom de la Karavan et au nom des Kamis et même les Gardiens me paraissent menacés par cette folie. Si la voix des kamis me commande de tuer, alors je me boucherais les oreilles, alors je ne l’écouterais pas… Jamais je ne tuerais un homin au nom de qui que ce soit.

« Jamais »

J’ai crié et l’écho de ma voix résonne dans la grotte.

La fièvre est maintenant totalement tombée, mais je me sens très faible, je fais quelques pas vers la sortie et m’effondre à genoux. Je dois encore me reposer. Je me couche sur le lit de roseaux, m’enveloppe dans ma couverture. A la tombée de la nuit je me mettrais en route.
...

Le choix...

Un geste, un pas, un mouvement, un geste, un autre pas…
Au même rythme que le maître d’arme, elle faisait glisser son si fin sabre matis qui fendait l’air.

Son corps ne répondait pas ? Tant pis, il accepterait bien assez tôt de se réveiller.

Encore la même séquences, geste, pas, mouvement, encore un geste, un autre pas.

Dans l’immense cour, quarante gardes noirs, dans le même cri, au son du même effort, exécutaient la même danse rituelle. Quarante sabres sifflaient, et allaient chercher le ciel, quarante lames mordaient le vent, quarante thorax répétaient les mêmes Atas, quarante voix suivaient la même cadence.
Le soleil atteint les murs du manoir, et éclaira quarante reflets de chitine, de bois, et d’ambre, quarantes armures et quarantes sabres,tandis que quarante corps et quarante âmes dans la même communion répétaient les mêmes gestes avec une perfection telle que l’on ne pu voir dans ces quarante ombre pas le moindre signe qui les différencia.

Dos à eux le maître d’arme répétait les gestes, encore et encore, donnait ton et cadence.
HYHA!!
SYHIAAA!!
HIA!!
SYHIA!!
SEYA!!!


Un cri, un souffle de la sève, un mouvement, un geste, tous ensembles, un pas, un cri, un mouvement, la danse n’avait pas de fin.

Dans l’ombre du porche, sur l’immense place, une homine albinos répétait les mêmes gestes et se mêlait à la même danse de mort.
Que le corps de Psychée protesta, que ses muscles et ses articulations grommèlent sous l’effort, cela lui importait peu. Sa mère lui avait appris le chant des sabres, et celui-ci se nommait l’Ata du Varynx, que tout les gardes formés, l’élite de l’Etoile, de la même façon que tout ses académiciens, ses stratèges, ses terribles guerrier, connaissaient par cœur.
Qu’il neige, vente ou pleuve, les quarante meilleurs gardes, chaque matin, venaient l’exécuter. Et bien souvent les académiciens en passaient par là, parfois sous l’œil impitoyable de la Maîtresse des Lames, et bien souvent seuls, venant partager la communion de quarante âmes unis dans le même sang, la même sueur, le même cri de vie.

HYHA!!
SYHIAAA!!
HIA!!
SYHIA!!
SEYA!!!


Rien ne s’arrêtait, le geste se poursuivait, la poussière se levait, dessinant un voile d’or autour des guerriers.

Plus son corps souffrait, plus elle le sentait vivre.
Plus elle en sentait la vie, plus elle se rappelait du miracle qui lui permettait cet incroyable privilège.

La Maison était endeuillée, depuis la veille. Le Maître des Feuilles, le maître des Académiciens, c'est-à-dire pour eux tous leur second père, parfois pour d’autre même le seul, gisait sans conscience, entouré de sa femme et de ses proches. L’écho de son âme ne résonnait pas.
Psychée faillit perdre le geste, mais se reprit dans la seconde, berçant son âme aux cris des homins. Elle n’entendait plus l’écho de l’âme de son Maître, à peine retrouvé, elle perdait celui qui avait été si facilement vers elle avec tendresse à son retour.
Elle serra le sabre, mais ne baissa pas sa concentration. Elle eut voulu crier de rage, mais scanda l’Ata en chœur sans en briser le chant. Les liens qu’elle avait retrouvé aux proches la reliait à lui, mais n’en répondait que le vide. Si son corps était allongé dans les appartements du Maître, l’esprit de celui-ci était perdu.
Et pas plus qu’elle n’avait osé le dire à qui que ce soit dans l’Etoile - de toute façon, qui l’eut cru, et comment avouer une chose pareille ?- elle n’osait remonter le fil ténu de cet écho pour retrouver l’esprit de son Maître. Pas encore…

Les trames des toiles filées par la Tisseuse devenaient trop compliquées.
Mais désormais, au moins, elle savait. Elle savait ce qu’elle avait toujours su. Chaque voix, chaque visage, chaque rencontre et chaque blessure lui avaient fait parcourir une route tracée avant l’instant même de sa conception.
Finir dans l’Etoile auprès de sa mère adoptive était la résultante d’actions où les protagonistes n’avaient été que des instruments manipulés en manipulant un autre.
Elle pensait parfois avoir choisi, était sûr souvent du contraire, mais savait que le chemin avait été tracé depuis le début, et que tout ces acteurs, dans leur lutte pour le changer, n’avaient que participé à filer la trame.
Et Liandra désormais n’était plus un instrument aveugle, mais en pleine conscience de ces faits… Comme Leto l’avait toujours été.

Psychée avait cessé de se demander pourquoi, quoi, ou comment tant de souffrances passés, tant de cruauté, pour quel plan ? Ceux qui l’avaient écrit étaient tous morts ou disparus, et avec eux tout les êtres aimés de son passé. Parfois de faibles échos, la nuit dernière, lui avaient dit que certains étaient là… Mais si loin.
Tourner la page d’un livre, c’est commencer à écrire la suivante…

HYHA!!
SYHIAAA!!
HIA!!
SYHIA!!
SEYA!!!


Le soleil du printemps dardait ses rayons, le manoir se réveillait, les mektoubs appelaient les palefreniers à les soigner, l’odeur du kawa montait dans la cour, l’Ata allait prendre fin.

Elle savait que la route commençait. Elle serait ce que les trames du destin avaient prévu d’elle, mais elle le serait comme elle avait choisi. Si elle ne pouvait vivre et grandir en paix, alors elle deviendrait l’arme qu’ils attendaient, elle dépasserait ce corps chétif et épuisé, les doutes et les terreurs de son âme, et le jour venu, elle regarderait la plaine sans se retourner ou fuir.

Un dernier geste, un dernier pas…

Et quarante voix, suivant celle du maître d’arme, reprises par tout les gens de la cour…
« Nos vies pour notre honneur !
Nos âmes pour notre peuple !
Notre sang pour notre famille !
Nos lames pour nos ennemis !
Notre parole pour promesse !
Obsidiens !
Gloire et Honneur ! »


Psychée les regarda s’éparpiller. Ils couraient, marchaient, riaient, se tapaient sur l’épaule, malgré près d’une demi-heure ininterrompue d’Atas. Elle s’appuya contre le mur, souria et rassura un garde qui vint prendre des nouvelles de la fille de la Maîtresse des Lames, et essaya de calmer son cœur malmené et ses poumons en feu. Le temps était venu. Mais pour tourner la page, il lui restait à remplir deux dettes. Une pour Melowen, pour la protectrice qui avait tout enduré pour elle… Et une pour Leto, au nom de son honneur.

Elle traversa la cour, calmement… Jamais elle ne s’était sentie si calme, et si sûr d’elle.

Re: [nemesis] Le chant des larmes

Posted: Mon May 02, 2005 6:43 am
by psychee
L’échafaud était prêt, et les cordes attendaient de faire par trois fois leur office. Il était orienté face aux appartements des invités. Chance, le matis amnésique, ne pourrait manquer le macabre spectacle qui l’attendait au matin.

Psychée frémit. Le choc était passé… mais pas l’amertume. Qui était coupable ?... La Gardienne du Savoir, Kaithlin, qui avait avoué son mépris complet de la vie de ces gardes malheureux ?... Ou sa mère, capable, pour asseoir son autorité sur l’Etoile de sacrifier trois vies après tout remplaçables ?

Elle murmura : « La vie est un cadeau… »

L’Etoile d’Obsidienne ignorait cette phrase, l’un des premiers aphorismes employé par Pieds-Bleus pour enseigner sa si jeune élève… il y avait une telle éternité. A l’instant de la sentence, même la si douce Maîtresse Harmonie n’avait pas une seconde montré la moindre émotion. Une salle entière qui avait gardé le visage neutre, à deux personnes près…
Kaithlin, bouillant de colère à l’entente de la sentence: « ils seront pendus devant vos fenêtres, Ser Chance, et sachez qu’à chacune de vos fugues, je ferais pendre les gardes… ».
Et Psychée, qui ne put retenir son air horrifiée, le visage épouvanté des gardes qui allaient mourir n’aillant plus voulu quitter ses yeux depuis.

L’horreur poursuivait son chemin… Elle pensa à Tsurani, avant de balayer cette pensée. L’oublier… Tout oublier. Surtout ne pas reculer ; elle avait déjà trop de faiblesses.

Le soleil se leva, dardant des feux qui brûlèrent le ciel d’orangés, frappant la canopée en ombres mauves. Elle plaça son regard devant la boule de feu, et le fixa comme un défi. IL montait dans les cieux comme chaque jour, avec la majesté dont rêverait en vain tout homin, et ses feux lui firent venir des larmes.
« Déesse… Il est l’heure, la route doit reprendre. Il faut tisser le destin. »

Elle ouvrit ses perceptions aux liens, et sauta d’un fil à un autre, jusqu’à Leto. Il était là. Emprisonné dans les geôles de l’Etoile ; traité avec dignité. Il pensait au Go, sa façon de dissimuler la complexité des pensées du plus brillant et insondable homins que portât jamais l’Ecorce. Elle ne voulut pas qu’il le ressente, mais un tressaillement imperceptible de sa carcasse lui indiqua qu’il savait.
Elle souria. Il le saurait… Il était temps.

Elle pensa une seconde à Melowen… sa petit sœur… et toucha le fil de leur lien si intime.
Elle souria, cette fois-ci, de tout son amour, de tout ses regrets. « Je t’aime petite sœur, je t’aimerai toujours ». Elle l’entendrait, d’aussi loin qu’elles soient, elle l’entendrait. « je t’aime, je ne t’abandonnerai jamais. N’oublie pas… »

…

Aller dans les cuisines, trouver un plat, quelques bonnes vivres, une serviette de drap, et aller dans les géôles. Si elle y parvenait, elle acceptait de mettre dans la balance deux vies homines pour en sauver une. Soit elle allait jusqu’au bout, soit elle reculait maintenant.

Elle se dirigea, trop, bien trop lentement, vers la prison. Peur… Tellement peur.
« Deux vies pour une vie. Non… Deux vies pour le destin. Que fait-tu ? Es-tu sûr ? J’ai promis, je dois payer ma dette ! Mais ce sont deux vies ! Déesse… Déesse, comment fait-elle pour sacrifier ainsi des vies ?! Comment puis-je accepter de faire de même !
Ho Déesse, je ne pourrai pas, je ne pourrai pas ! »

Elle pénétra dans la prison, les gardes n’étaient qu’à quelques pas.
« Je ne pourrai pas ! »
Mais le choix avait été fait avant elle. Elle devait le faire, et devait tout faire pour cela, et sans hésiter. Ils n’arrêteraient pas la fille de la Maîtresse des Lames, comment mettre en doute sa parole, comment au risque de finir comme les autres ?...
Elle les ferait mourir de leur peur de sa propre mère, et mourraient d’avoir eu peur. Elle se mit à se haïr, et leur fit face.
Les dés étaient jetés…

Re: [nemesis] Le chant des larmes

Posted: Wed May 04, 2005 5:42 pm
by psychee
Calemus Di Rialto
L’homin leva la plume de son parchemin, soudainement inspiré. Il inspira, longuement, et reprit sa rédaction.
Il était dans un salon immense, une bibliothèque riche et chargée. Sa fierté personnelle. Il achetait et vendrait tout ce qu’il est possible d’acheter et vendre, mais ce qui avait le plus de valeur à son esprit était le savoir. Non pas la connaissance, pour l’élévation de l’esprit et autres niaiseries pour adolescents, mais le savoir comme source de pouvoir infini.

Et il savait tout sur un nombre incroyable de gens, aussi bien de la Karavan que des Kamis ; Son apparente neutralité et sa bonhomie constante étaient un masque parfait, le voile où cacher son mépris profond pour les uns comme les autres. Son aspect rondouillard, noble mais souriant, toujours richement vétu mais sans parures ou effets lui attirait toujours la sympathie de ses relations et clients.
Et il en avait un grand nombre.
Des jouets.
Tous des jouets !
Des jouets des puissants, des jouets des Puissances, des jouets de leur stupidité ou de leur ignorance…
Tous des sots, à part quelques érudits du même rang que lui, passionnés de livres, mais incapable de comprendre que le savoir doit être utilisé. Rendus timorés par ces faux dieux que sont la Karavan ou les Kamis.
Il souria. Il en savait tant que le mot hérétique aurait pu être son plus parfait manteau. Et sa fierté. Mais il savait faire ses génuflexions devant ces marionnettes en noir, et courber l’échine devant les autels de la Sainte Karavan. Il connaissait même deux ou trois mots sacrés de prières Kamistes.
Juste un jeu dont il était le maître, un voile pour ne rien montrer.

Il réfléchit aux derniers événements. Il était clair que la guerre entre ces faux-dieux et leurs adorateurs était bel et bien commencée. Ils se déchiraient, et en étaient à l’observation et au fourbissement des armes, au milieu des imprécations bêlantes à la paix des plus imbéciles d’entre eux. Quelle paix attendre de ceux qui de toute façon étaient encore plus aveugles que leurs serviteurs. Par le grand Mentor, la farce prenait tour. Il était temps de lui donner la dimension d’un drame, désormais.

Il reprit sa lettre, et esquissa encore un sourire. Il en savait tant qu’il pouvait faire tomber des seigneurs de toutes les Maisons d’Atys. Mais le jeu n’avait pas d’intérêt. Ce qui en avait un est qu’il savait surtout ce que tout le monde avait oublié, ce que la Karavan, et les Kamistes avaient délibérément effacé de l’histoire. Mais à l’instar de la liberté, on efface jamais la vérité, on la couvre juste de mensonges.

Et ce savoir avait un pouvoir immense. Celui de créer le plus grand désordre qui se puisse imaginer.
« Petite fille, tu as suivi ton chemin à la perfection. Tu es toujours en vie, tu es à la place que je me doutais que tu prendrais et tu sais sans doutes déjà une évidence qui échappe à ce ramassis d’aveugles. Il est donc temps de te donner ton rôle, faiseuse de chaos. »

La plume crissa sur le papier. Dehors l’été se préparait. L’hiver sur l’écorce serait rouge