Aucune limite... quelles conséquences ?
Posted: Thu Feb 24, 2005 3:42 am
On a beaucoup parlé ici du concept de base de Ryzom selon lequel il n'y avait pratiquement aucune limite aux changements/évolutions de "classes" de personnages.
Qu'on soit d'accord ou non avec les conséquences que chacun entrevoit de l'application de ce système sur une certaine durée, force est de constater qu'il conduit à une certaine uniformisation des possibilités des joueurs en termes de jeu. Mon propos n'est pas de déplorer ou d'encenser cet état de fait : étant, à l'origine, foreur, je me verrais mal en effet devoir embaucher 2 guerriers et un soigneur en escorte à chaque fois que je sors d'Yrkanis.
Mais en allant plus loin que cette simple question des "classes" (qui ont, je crois, vocation à s'agrandir au-delà des 4 que nous connaissons), je m'interroge sur l'uniformisation des possibilités des personnages au plan global, qui conduit à une indifférenciation de plus en plus marquée, et au final, entre en contradiction avec le BG tel qu'il est défini par le Game Lore.
Je vais prendre plusieurs exemples :
1) Les Primes Racines : il ressort plus ou moins clairement du BG qu'il y aurait une sorte de "loi divine" qui interdirait, ou tout au moins déconseillerait aux Matis de se rendre dans les sous-sols d'Atys. Quelle que soit l'interprétation exacte de cette "loi" (interdiction formelle, suggestion divine ?), on ne peut s'empêcher de se poser la question qui tue : "pourquoi une telle loi est-elle mentionnée dans le BG" ? Et la réponse à cette question me paraît être "parce que c'est un des éléments qui différencient les Matis des autres peuples : leur interprétation très rigoriste, hiérarchique, de la religion".
Bon, qu'on soit d'accord ou non avec cette interprétation personnelle, je reste tout de même ébahi de voir qu'IG, non seulement rien ne vient encourager les Matis à jouer de la sorte, mais que, de toute façon, les habitudes ont été prises de considérer les Primes comme un territoire comme un autre, à la rigueur, et depuis peu, comme un territoire peut-être un petit peu plus dangereux que les autres.
Donc, sur ce point, les Matis n'ont aucune différence avec les autres peuples, les Primes Racines sont, pour eux comme pour les Fyros, Zorai ou Trykers, un moyen de se procurer des matériaux de bonne qualité ou de faire du PvP à vue.
Résultat de cette indifférenciation : l'analyse de l'intérêt du joueur se fait sur deux choses : le plaisir de la découverte de lieux inconnus, et des bonus (tirés des mp excellentes et suprêmes).
2) Les Rites : Les missions et les rites sont fondés sur le niveau et la renommée envers un peuple ou une faction, et sont systématiquement associés à un bonus (stanza spéciale). Or, du fait de la rareté de ces rites, le joueur normalement constitué sera forcément tenté de faire le maximum de rites, pour obtenir les bonus d'une part, et ne serait-ce que pour les découvrir, en se disant "pour une fois que j'ai quelque-chose à me mettre sous la dent, profitons-en". Du coup, tous les foreurs que je rencontre, quelle que soit leur "culture" affichée ou leur implication dans le BG de leur peuple, font ami-ami avec les mêmes Zorai que la Karavan leur demande de tuer, pour obtenir la renommée leur permettant d'aller chercher ce fameux bonus.
Résultat : ce qui aurait pu être une caractéristique des Zorais devient une caractéristique générique du "foreur homin" passé un certain niveau. On peut voir ça sous l'angle d'un transfert de technologie, voire même d'un "vol de savoir" pour être plus fort, mais le résultat est le même : on retire à un peuple ce qui aurait pu être une de ses spécificités.
3) L'Artisanat : Je le cite pour mémoire, car historiquement c'est le premier élément qui a été "galvaudé" en matière de spécificité raciale : je ne compte plus les Trykers faisant des armes vivantes, ou les Matis dont la fierté repose sur la maîtrise de toutes les technologies de tous les peuples dans un ou plusieurs domaines. Moi-même, je me fournis en tuniques chez un Tryker, et j'ai eu le "plaisir" de voir ma fiancée IG offrir une masse zorai électrique comme cadeau de mariage à un ami, sans doute parce que c'était joli, sans doute aussi parce que c'était rare et qu'elle était fière d'avoir acquis cette connaissance.
Le fait est, là aussi, que passé un certain niveau cet appétit de connaissance tous azimuts devient un challenge intéressant pour un joueur. Ce que je n'arrive pas à comprendre, c'est comment un "entraîneur" (quel mot horrible) Matis peut accepter de façon cohérente avec le BG de son peuple de livrer la plus élevée de ses technologies à un représentant d'un autre peuple. On me dira "c'est normal, il suffit d'avoir la fame pour"... Imagine-t-on la Russie soviétique d'antan livrer sa technologie nucléaire aux Etats-Unis sous prétexte qu'un traité de paix a été signé entre eux ? Franchement, je n'y vois aucune logique, juste un moyen d'éviter de "brider" les joueurs dans une découverte à tous les échelons... Pourquoi ?
Résultat là encore : l'intérêt pour le joueur réside dans la découverte, l'acquisition de "connaissances", et dans des possibilités techniques (exemple du forage dans tous les terrains, pour gagner des SP et donc des stanzas supplémentaires).
4) Le Combat : Que ce soit en mêlée ou en magie, tout indique que les peuples ont des spécialités : le poison pour les Matis, le feu pour les Zorais... Alors certes, la différenciation des races n'est pas implémentée, elle le sera peut-être un jour, et on a déja dit ailleurs que tout le monde se battait en fait peu ou prou de la même façon. Mais ce qui m'inquiète, c'est que va-t-on faire lorsque cela sera possible ? Imaginons que demain matin (je rêve), les entraîneurs Matis soient capables d'apprendre des stanzas d'utilisation d'armes empoisonnées. Verra-t-on, en face des combattants Matis, des Fyros utiliser le poison comme si de rien n'était ? J'ai bien peur que oui, et alors, qu'est-ce qui différenciera alors les Matis des Fyros, à part un RP de plus en plus déconnecté de la réalité ?
Car le problème est là, je pense : à force de jouer en fonction du peu de grain que nous ayions à moudre en termes de découverte des diverses fonctionnalités du jeu (faut bien s'occuper), et des avantages techniques que ceux-ci procurent (bonus, nouvelles stanzas...), nous sommes en train de torpiller d'avance notre intérêt futur à nous opposer entre peuples. Oh, certes, ce n'est pas un but en soi, j'en conviens, mais n'est-ce pas dommage ?
Je relisais tout à l'heure l'histoire courte publiée dans la Lore, intitulée "la compagnie de Loria". Dans cette histoire, la petite bande de Trykers coursée par des vilains "chevaliers Matis" s'enfuit de façon fort astucieuse dans un souterrain menant aux Primes Racines. Or, les Matis ne peuvent les suivre car leur loi le leur interdit. Imagine-t-on cette scène, dans Ryzom tel qu'il est aujourd'hui ? Je veux dire, ne sommes-nous pas finalement en train d'assister à la séparation de plus en plus définitive entre la Lore telle qu'elle a été pensée et écrite, et le jeu tel qu'il est ?
Ryzom est-t-il toujours le jeu auquel ont rêvé ses concepteurs, et verrons-nous un jour des oppositions RP qui se basent sur autre chose que sur des "faisons comme si" ?
Qu'on soit d'accord ou non avec les conséquences que chacun entrevoit de l'application de ce système sur une certaine durée, force est de constater qu'il conduit à une certaine uniformisation des possibilités des joueurs en termes de jeu. Mon propos n'est pas de déplorer ou d'encenser cet état de fait : étant, à l'origine, foreur, je me verrais mal en effet devoir embaucher 2 guerriers et un soigneur en escorte à chaque fois que je sors d'Yrkanis.
Mais en allant plus loin que cette simple question des "classes" (qui ont, je crois, vocation à s'agrandir au-delà des 4 que nous connaissons), je m'interroge sur l'uniformisation des possibilités des personnages au plan global, qui conduit à une indifférenciation de plus en plus marquée, et au final, entre en contradiction avec le BG tel qu'il est défini par le Game Lore.
Je vais prendre plusieurs exemples :
1) Les Primes Racines : il ressort plus ou moins clairement du BG qu'il y aurait une sorte de "loi divine" qui interdirait, ou tout au moins déconseillerait aux Matis de se rendre dans les sous-sols d'Atys. Quelle que soit l'interprétation exacte de cette "loi" (interdiction formelle, suggestion divine ?), on ne peut s'empêcher de se poser la question qui tue : "pourquoi une telle loi est-elle mentionnée dans le BG" ? Et la réponse à cette question me paraît être "parce que c'est un des éléments qui différencient les Matis des autres peuples : leur interprétation très rigoriste, hiérarchique, de la religion".
Bon, qu'on soit d'accord ou non avec cette interprétation personnelle, je reste tout de même ébahi de voir qu'IG, non seulement rien ne vient encourager les Matis à jouer de la sorte, mais que, de toute façon, les habitudes ont été prises de considérer les Primes comme un territoire comme un autre, à la rigueur, et depuis peu, comme un territoire peut-être un petit peu plus dangereux que les autres.
Donc, sur ce point, les Matis n'ont aucune différence avec les autres peuples, les Primes Racines sont, pour eux comme pour les Fyros, Zorai ou Trykers, un moyen de se procurer des matériaux de bonne qualité ou de faire du PvP à vue.
Résultat de cette indifférenciation : l'analyse de l'intérêt du joueur se fait sur deux choses : le plaisir de la découverte de lieux inconnus, et des bonus (tirés des mp excellentes et suprêmes).
2) Les Rites : Les missions et les rites sont fondés sur le niveau et la renommée envers un peuple ou une faction, et sont systématiquement associés à un bonus (stanza spéciale). Or, du fait de la rareté de ces rites, le joueur normalement constitué sera forcément tenté de faire le maximum de rites, pour obtenir les bonus d'une part, et ne serait-ce que pour les découvrir, en se disant "pour une fois que j'ai quelque-chose à me mettre sous la dent, profitons-en". Du coup, tous les foreurs que je rencontre, quelle que soit leur "culture" affichée ou leur implication dans le BG de leur peuple, font ami-ami avec les mêmes Zorai que la Karavan leur demande de tuer, pour obtenir la renommée leur permettant d'aller chercher ce fameux bonus.
Résultat : ce qui aurait pu être une caractéristique des Zorais devient une caractéristique générique du "foreur homin" passé un certain niveau. On peut voir ça sous l'angle d'un transfert de technologie, voire même d'un "vol de savoir" pour être plus fort, mais le résultat est le même : on retire à un peuple ce qui aurait pu être une de ses spécificités.
3) L'Artisanat : Je le cite pour mémoire, car historiquement c'est le premier élément qui a été "galvaudé" en matière de spécificité raciale : je ne compte plus les Trykers faisant des armes vivantes, ou les Matis dont la fierté repose sur la maîtrise de toutes les technologies de tous les peuples dans un ou plusieurs domaines. Moi-même, je me fournis en tuniques chez un Tryker, et j'ai eu le "plaisir" de voir ma fiancée IG offrir une masse zorai électrique comme cadeau de mariage à un ami, sans doute parce que c'était joli, sans doute aussi parce que c'était rare et qu'elle était fière d'avoir acquis cette connaissance.
Le fait est, là aussi, que passé un certain niveau cet appétit de connaissance tous azimuts devient un challenge intéressant pour un joueur. Ce que je n'arrive pas à comprendre, c'est comment un "entraîneur" (quel mot horrible) Matis peut accepter de façon cohérente avec le BG de son peuple de livrer la plus élevée de ses technologies à un représentant d'un autre peuple. On me dira "c'est normal, il suffit d'avoir la fame pour"... Imagine-t-on la Russie soviétique d'antan livrer sa technologie nucléaire aux Etats-Unis sous prétexte qu'un traité de paix a été signé entre eux ? Franchement, je n'y vois aucune logique, juste un moyen d'éviter de "brider" les joueurs dans une découverte à tous les échelons... Pourquoi ?
Résultat là encore : l'intérêt pour le joueur réside dans la découverte, l'acquisition de "connaissances", et dans des possibilités techniques (exemple du forage dans tous les terrains, pour gagner des SP et donc des stanzas supplémentaires).
4) Le Combat : Que ce soit en mêlée ou en magie, tout indique que les peuples ont des spécialités : le poison pour les Matis, le feu pour les Zorais... Alors certes, la différenciation des races n'est pas implémentée, elle le sera peut-être un jour, et on a déja dit ailleurs que tout le monde se battait en fait peu ou prou de la même façon. Mais ce qui m'inquiète, c'est que va-t-on faire lorsque cela sera possible ? Imaginons que demain matin (je rêve), les entraîneurs Matis soient capables d'apprendre des stanzas d'utilisation d'armes empoisonnées. Verra-t-on, en face des combattants Matis, des Fyros utiliser le poison comme si de rien n'était ? J'ai bien peur que oui, et alors, qu'est-ce qui différenciera alors les Matis des Fyros, à part un RP de plus en plus déconnecté de la réalité ?
Car le problème est là, je pense : à force de jouer en fonction du peu de grain que nous ayions à moudre en termes de découverte des diverses fonctionnalités du jeu (faut bien s'occuper), et des avantages techniques que ceux-ci procurent (bonus, nouvelles stanzas...), nous sommes en train de torpiller d'avance notre intérêt futur à nous opposer entre peuples. Oh, certes, ce n'est pas un but en soi, j'en conviens, mais n'est-ce pas dommage ?
Je relisais tout à l'heure l'histoire courte publiée dans la Lore, intitulée "la compagnie de Loria". Dans cette histoire, la petite bande de Trykers coursée par des vilains "chevaliers Matis" s'enfuit de façon fort astucieuse dans un souterrain menant aux Primes Racines. Or, les Matis ne peuvent les suivre car leur loi le leur interdit. Imagine-t-on cette scène, dans Ryzom tel qu'il est aujourd'hui ? Je veux dire, ne sommes-nous pas finalement en train d'assister à la séparation de plus en plus définitive entre la Lore telle qu'elle a été pensée et écrite, et le jeu tel qu'il est ?
Ryzom est-t-il toujours le jeu auquel ont rêvé ses concepteurs, et verrons-nous un jour des oppositions RP qui se basent sur autre chose que sur des "faisons comme si" ?