[Nemesis] Le Reveil
Posted: Tue Feb 01, 2005 12:21 pm
Psychée regardait le madakam brouter tranquillement, avec les siens indifférent à cette présence incongrue sur les terres les plus sauvages du Pays Malade. Lattente avait commencé
Une attente dont elle ignorait la durée. Leto avait dit « des semaines ».
Il ne sétait passé que deux jours.
Deux jours à parvenir à se souvenir de comment elle avait, autrefois, vécu ici, comment trouver de leau, et comment creuser le sol, pour des racines, et chercher les arbustes pour des fruits. Elle navait que peu daffaires. Une tunique et une jupe zoraï, et son uniforme de lEtoile, déchiré, quelle avait renoncé à réparer, sans aucun matériel de couture. Et un sac contenant quelques provisions, dont elle avait jeté la viande au loin, pour ne pas attirer les gingos. De toute façon elle ne la mangerait pas. Et le reste ne représentait au mieux quune semaine de subsistance. Enfin, une gourde avec une liqueur fraîche, alcoolisée, quelle destinait à laider à tenir le coup de cette solitude quelle ne supportait déjà plus.
Ca ne faisait pas beaucoup de chose. Restait une couverture, et elle était heureuse que lété soit là, et quelle ne meurt pas de froid la nuit.
Tenir une promesse à un être quelle aurait du détester.
Cette pensée ne cessait de la hanter. Tout la mémoire de la Zoraï Blanche était désormais la sienne. Y compris ses ombres, ses doutes, ses certitudes et ses questions. Comme on lit un livre, elle avait tout vu, et tout réappris. Sans quelle puisse dire si cela lui avait jamais appartenu un jour. Ses propres sentiments, les choix que celle quelle avait été avait fait, elle les regardait de lextérieur, essayant de comprendre ce quelle avait pu être. Et revivant, encore, comme le regard sur un film, les colères et les amertumes quelle avait pu vivre, les souffrances consécutives au jour où Leto avait décidé de se servir cette homine quelle avait été et nétait plus. Elle aurait du le haïr. Mais elle en était encore moins capable que laurait été la Zoraï Blanche.
Tenir une promesse à un être quelle aurait du détester.
Mais tenir la promesse qui garderait sa mère en vie.
Elle réalisa que la grande différence avec son passé est quelle navait plus dillusions, ou de rêves. Juste lespoir de vivre en paix, enfin. Mais pas de continuer ce combat perdu davance qui était la seule raison de vivre de la Zoraï Blanche.
Cette vie passée, racontée par une autre, navait été quune longue suite de larmes, de morts, et de souffrance. Les gens quelle avait aimés avaient, pour beaucoup, péris, ou disparus, et ses combats ne lavaient menée quà mourir lentement, empoisonnée par Leto Ou dautres. Peut-être bien que Leto navait jamais tenu cette lance. Il y avait deux souvenirs. Un flou où elle abattait lhomin qui lui perçait le ventre, et cétait un matis. Et un autre, la même scène, revécue plus tard sous linfluence dune drogue, où elle voyait Leto lui-même enfoncer la lance, avant quelle ne chute dans le torrent. Mais il était venu, et lavait soigné. Elle comprenait à présent quil avait pris ce jour là la meilleure décision qui soit à ses buts. Trouver, et appliquer un remède à linguérissable. Au risque de se dévoiler, il avait décidé de prendre tous les risques pour rassembler tout ce que tous savaient sur la Goo, sur les remèdes passés, sur la graine de Kata.
Il voulait vaincre la Goo. Comme tant de zoraï. Comme tout les homins. A quelque prix que ce soit. Quil lest choisie elle pour mener ses expérience Après tout, elle lui était accessible, plus quun autre, et il avait ainsi épargné un cobaye. Et surtout elle survivait à la Goo Tous ses précédents patients avaient du périr. Sauf elle.
Après les conséquences étaient juste celles dune expérience dont il ne savait sans doutes rien.
Conséquences qui lobligeaient à éviter tout contact physique avec les êtres vivants, pour ne pas les tuer ou les rendre malades. Conséquences qui, pour arriver à en soigner les effets, avaient conduit sa mère à devenir un nouveau cobaye pour Leto. Conséquences qui amenaient la plus farouche et terrible des guerrières Matis à risquer sa vie face à un médecin expérimentateur sachant à peine ce quil fait. Et conséquences qui la réduisaient à devoir fuir sa mère, sous peine de la contaminer encore plus par sa simple présence.
Elle ne pu sempêcher de frissonner au souvenir de Liandra retirant le gant qui couvrait en permanence sa main, pour la prendre dans la sienne. Une geste daffection, maternel, tendre, auquel ni lune nu lautre navaient jamais pu céder. Un geste dont le dernier souvenir remontait aux heures qui avaient suivi son réveil, quand personne encore ne savait quelle deviendrait un jour comme ces animaux mutés par la Goo.
La Zoraï Blanche espérait un jour trouver un remède à la Goo. Elle voulait unir les homins, pour quils cessent leur rage, et cherchent ensembles. Désormais, Psychée la propageait, comme les animaux infectés et mutés. Elle était le mal que les Gardiensde la Sève, les zoraï, et elle-même avaient tenté de combattre.
Et pour essayer darrêter ça, Leto avait pris le risque fou de demander à Liandra daccepter quil soigne sa fille. Il avait exigé un cobaye, des choses quil faudrait voler, un prix exorbitant, pour soigner linsoignable. Pour modifier un organisme muté. Bien sûr, il ne dirait jamais pourquoi.
La jeune albinos continuait encore à se demander pourquoi il avait pris un tel risque. Peut-être pour ne pas réussir, après tout ?... Ou torturer celle quil admirait et aimer, faire souffrir Liandra, et en même temps se rapprocher de son égérie, de la dernière chose pour qui il ai le moindre sentiment. La lier à lui, par la force. Et peut-être même lisoler de tout ce quelle pouvait chérir, pour ne la garder pour lui. Ou encore, sauver ce quil voulait sauver delle. La guerrière sans pitié, la guerrière parfait
Ce que larrivée de Psychée dans sa vie avait changé. Larrivée dune fille
Psychée se demanda si Leto savait que cétait la Zoraï Blanche qui avait réussit à sauver lâme démente de Liandra des horreurs de son passé ?... Que Psychée se rappelait clairement quelle avait touché du doigt et de lesprit la haine de la machine à tuer que pouvait être, et avait été, Liandra. Quelque part, il devait le savoir, sans doutes. Comme le reste, il en savait beaucoup. Encore plus quelle ne pouvait le suspecter.
Il avait même crée un lien, avec elle. Un lien quelle ressentait désormais. Frôler, même de loin, son âme vide et sans émotions était effrayant. Et il lui avait montré son véritable visage de mécanique, desprit mû uniquement par la survie et une logique sans faille. Colère, esprit, amitié, il les simulait tous. Il était déjà mort, déjà mort depuis longtemps, et naspirait à rien. Sauf à ses objectifs, si difficiles à concevoir. Elle avait pitié de lui, et songea que la plus belle chose que Liandra pourrait faire serait de le tuer proprement. Il avait dépassé le stade où on méritait de souffrir de son existence.
Penser, se souvenir, lui permettait de voir le soleil avancer dans le ciel. Le temps ne pouvait plus passer quau travers des souvenirs de la Zoraï Blanche quelle ne cessait de décortiquer, essayant de recoudre les morceaux perdus de létoffe déchirée quétaient ses souvenirs.
Elle sallongea dans lherbe. Quelques brins dherbe se mirent lentement à mourir, une fleur se fanât doucement. Sa sueur commençait à infecter ses vêtements, il faudrait quelle trouve une source isolée, où les bêtes ne venaient pas boire, pour les laver. Ici, elle ne pouvait plus, comme chez elle à Yrkanis, se changer et se laver cinq fois par jour. Ses pensées dérivaient systématiquement vers sa mère. Etait-elle en bonne santé ? Guérissait-elle ? Elle lui manquait horriblement.
Elle essaya de se consoler en songeant que si Leto navait pas menti, elle pourrait un jour sendormir dans les bras de sa mère, la toucher, lui tenir la main, caresser un yubo, de nouveau soccuper elle-même de ses chers mektoubs, sentir le vent sur sa peau, pouvoir de nouveau se baigner dans les lacs et les sources et cesser de shabiller de la tête aux pieds, avoir peur dempoisonner les gens. Liandra avait été prête à payer le pire prix pour cela. Mais le prix avait dépassé ce quelle pouvait supporter : être séparée de sa fille.
Psychée songea à sa propre mère, à sa tendresse, à ses souvenirs perdus, puis revenus comme la seule chose qui pouvait constituer son histoire depuis son réveil. Elle sappelait Alissa, et son mari lappelait souvent ange. Elle en était un, pour sa fille. Elle avait élevé ses trois enfants avec passion, tendresse, et rigueur. Et quand Psychée était resté sa dernière enfant, elle lavait protégée et aimé de toutes ses forces. Que sa sur soit devenue ce quelle savait delle, après cela elle frissonna. Elle frissonna en songeant à ce que la Zoraï Blanche elle-même était devenue, oubliant cette enfance. Les mauvais traitements de lorphelinat, la solitude, les regards de crainte et de mépris, les enfants qui retrouvaient des familles, et elle qui restait seule. Elle eu des larmes aux yeux en songeant à la peur de cette jeune matis quelle avait été, à ses amertumes. On lavait dit traîtresse. Mais personne, parmi les Matis, une vie denfant durant, navait fait un seul geste pour laimer. Seul ce zoraï, dont la Zoraï Blanche navait quun souvenir flou, Pieds-Bleus, lui avait montré tendresse et attention, sept semaines durant, lui racontant tout des Kamis, du Pays Malade, de son peuple, lui enseignant comment les zoraï parlaient leurs sentiments en gestes.
Mais Psychée savait ce qui avait décidé la Zoraï Blanche. La rencontre avec Xerius, le noble Matis qui avait, par amour, et par fois, embrassé la cause des kamis pour sa chère Zortine. Et celle de ce marchand aux propos terribles que bien des choses avait appuyées, plus tard, sans jamais rien confirmer. De quoi fuir vite et elle savait désormais à quel point cette Zoraï Blanche avait eu raison, à ce moment, de fuir ainsi son peuple et son monde.
Mais désormais, elle était Matis, dune Maison dont elle savait lintégrisme religieux et culturel. Quimportait ?... Elle aurait une chance un jour de les convaincre dune vue plus paisible. Et de toute façon, elle croyait à bien assez de choses qui leur étaient communs pour accepter leurs errances. Elle avait bien erré, elle-même. Si les Matis pouvaient un jour retrouver leur fierté, ils pouvaient bien un jour guider les homins à une union auquel la Zoraï Blanche avait revé.
Mais elle ne voulait pas y penser. Elle ne voulait que sa mère, et ce lieu où elle pouvait vivre en paix, à ses cotés.
Elle avait deux familles séparées par un mur idéologique que rien ne briserait jamais. Sa mère zoraï était ici, de même que ceux qui furent ses frères et surs. Mais elle ne pourrait jamais revenir vivre ici. Elle nen avait plus la force. Son monde, son peuple, sa ville et sa maison lui manquaient trop. Elle pensa à son page, elle espérait quil naurait pas dennuis.
Et elle repensa encore à sa mère. Elle ne pouvait plus ne pas y penser.
Des larmes vinrent à ses yeux.
Il ny avait que deux jours
Elle ne tiendrait jamais, jamais comme ça.
Il fallait attendre et attendre encore. Des semaines durant, avait-il dit.
Elle ne tiendrait jamais.
Elle se leva, et prit ses affaires, quelle rassembla en un sac, lentement, essayant de ne pas penser à ses larmes. Elle navait jamais osé visiter le Pays Malade seule. Elle allait en avoir le temps, désormais. Elle se mit en route, vers lOuest.
Une attente dont elle ignorait la durée. Leto avait dit « des semaines ».
Il ne sétait passé que deux jours.
Deux jours à parvenir à se souvenir de comment elle avait, autrefois, vécu ici, comment trouver de leau, et comment creuser le sol, pour des racines, et chercher les arbustes pour des fruits. Elle navait que peu daffaires. Une tunique et une jupe zoraï, et son uniforme de lEtoile, déchiré, quelle avait renoncé à réparer, sans aucun matériel de couture. Et un sac contenant quelques provisions, dont elle avait jeté la viande au loin, pour ne pas attirer les gingos. De toute façon elle ne la mangerait pas. Et le reste ne représentait au mieux quune semaine de subsistance. Enfin, une gourde avec une liqueur fraîche, alcoolisée, quelle destinait à laider à tenir le coup de cette solitude quelle ne supportait déjà plus.
Ca ne faisait pas beaucoup de chose. Restait une couverture, et elle était heureuse que lété soit là, et quelle ne meurt pas de froid la nuit.
Tenir une promesse à un être quelle aurait du détester.
Cette pensée ne cessait de la hanter. Tout la mémoire de la Zoraï Blanche était désormais la sienne. Y compris ses ombres, ses doutes, ses certitudes et ses questions. Comme on lit un livre, elle avait tout vu, et tout réappris. Sans quelle puisse dire si cela lui avait jamais appartenu un jour. Ses propres sentiments, les choix que celle quelle avait été avait fait, elle les regardait de lextérieur, essayant de comprendre ce quelle avait pu être. Et revivant, encore, comme le regard sur un film, les colères et les amertumes quelle avait pu vivre, les souffrances consécutives au jour où Leto avait décidé de se servir cette homine quelle avait été et nétait plus. Elle aurait du le haïr. Mais elle en était encore moins capable que laurait été la Zoraï Blanche.
Tenir une promesse à un être quelle aurait du détester.
Mais tenir la promesse qui garderait sa mère en vie.
Elle réalisa que la grande différence avec son passé est quelle navait plus dillusions, ou de rêves. Juste lespoir de vivre en paix, enfin. Mais pas de continuer ce combat perdu davance qui était la seule raison de vivre de la Zoraï Blanche.
Cette vie passée, racontée par une autre, navait été quune longue suite de larmes, de morts, et de souffrance. Les gens quelle avait aimés avaient, pour beaucoup, péris, ou disparus, et ses combats ne lavaient menée quà mourir lentement, empoisonnée par Leto Ou dautres. Peut-être bien que Leto navait jamais tenu cette lance. Il y avait deux souvenirs. Un flou où elle abattait lhomin qui lui perçait le ventre, et cétait un matis. Et un autre, la même scène, revécue plus tard sous linfluence dune drogue, où elle voyait Leto lui-même enfoncer la lance, avant quelle ne chute dans le torrent. Mais il était venu, et lavait soigné. Elle comprenait à présent quil avait pris ce jour là la meilleure décision qui soit à ses buts. Trouver, et appliquer un remède à linguérissable. Au risque de se dévoiler, il avait décidé de prendre tous les risques pour rassembler tout ce que tous savaient sur la Goo, sur les remèdes passés, sur la graine de Kata.
Il voulait vaincre la Goo. Comme tant de zoraï. Comme tout les homins. A quelque prix que ce soit. Quil lest choisie elle pour mener ses expérience Après tout, elle lui était accessible, plus quun autre, et il avait ainsi épargné un cobaye. Et surtout elle survivait à la Goo Tous ses précédents patients avaient du périr. Sauf elle.
Après les conséquences étaient juste celles dune expérience dont il ne savait sans doutes rien.
Conséquences qui lobligeaient à éviter tout contact physique avec les êtres vivants, pour ne pas les tuer ou les rendre malades. Conséquences qui, pour arriver à en soigner les effets, avaient conduit sa mère à devenir un nouveau cobaye pour Leto. Conséquences qui amenaient la plus farouche et terrible des guerrières Matis à risquer sa vie face à un médecin expérimentateur sachant à peine ce quil fait. Et conséquences qui la réduisaient à devoir fuir sa mère, sous peine de la contaminer encore plus par sa simple présence.
Elle ne pu sempêcher de frissonner au souvenir de Liandra retirant le gant qui couvrait en permanence sa main, pour la prendre dans la sienne. Une geste daffection, maternel, tendre, auquel ni lune nu lautre navaient jamais pu céder. Un geste dont le dernier souvenir remontait aux heures qui avaient suivi son réveil, quand personne encore ne savait quelle deviendrait un jour comme ces animaux mutés par la Goo.
La Zoraï Blanche espérait un jour trouver un remède à la Goo. Elle voulait unir les homins, pour quils cessent leur rage, et cherchent ensembles. Désormais, Psychée la propageait, comme les animaux infectés et mutés. Elle était le mal que les Gardiensde la Sève, les zoraï, et elle-même avaient tenté de combattre.
Et pour essayer darrêter ça, Leto avait pris le risque fou de demander à Liandra daccepter quil soigne sa fille. Il avait exigé un cobaye, des choses quil faudrait voler, un prix exorbitant, pour soigner linsoignable. Pour modifier un organisme muté. Bien sûr, il ne dirait jamais pourquoi.
La jeune albinos continuait encore à se demander pourquoi il avait pris un tel risque. Peut-être pour ne pas réussir, après tout ?... Ou torturer celle quil admirait et aimer, faire souffrir Liandra, et en même temps se rapprocher de son égérie, de la dernière chose pour qui il ai le moindre sentiment. La lier à lui, par la force. Et peut-être même lisoler de tout ce quelle pouvait chérir, pour ne la garder pour lui. Ou encore, sauver ce quil voulait sauver delle. La guerrière sans pitié, la guerrière parfait
Ce que larrivée de Psychée dans sa vie avait changé. Larrivée dune fille
Psychée se demanda si Leto savait que cétait la Zoraï Blanche qui avait réussit à sauver lâme démente de Liandra des horreurs de son passé ?... Que Psychée se rappelait clairement quelle avait touché du doigt et de lesprit la haine de la machine à tuer que pouvait être, et avait été, Liandra. Quelque part, il devait le savoir, sans doutes. Comme le reste, il en savait beaucoup. Encore plus quelle ne pouvait le suspecter.
Il avait même crée un lien, avec elle. Un lien quelle ressentait désormais. Frôler, même de loin, son âme vide et sans émotions était effrayant. Et il lui avait montré son véritable visage de mécanique, desprit mû uniquement par la survie et une logique sans faille. Colère, esprit, amitié, il les simulait tous. Il était déjà mort, déjà mort depuis longtemps, et naspirait à rien. Sauf à ses objectifs, si difficiles à concevoir. Elle avait pitié de lui, et songea que la plus belle chose que Liandra pourrait faire serait de le tuer proprement. Il avait dépassé le stade où on méritait de souffrir de son existence.
Penser, se souvenir, lui permettait de voir le soleil avancer dans le ciel. Le temps ne pouvait plus passer quau travers des souvenirs de la Zoraï Blanche quelle ne cessait de décortiquer, essayant de recoudre les morceaux perdus de létoffe déchirée quétaient ses souvenirs.
Elle sallongea dans lherbe. Quelques brins dherbe se mirent lentement à mourir, une fleur se fanât doucement. Sa sueur commençait à infecter ses vêtements, il faudrait quelle trouve une source isolée, où les bêtes ne venaient pas boire, pour les laver. Ici, elle ne pouvait plus, comme chez elle à Yrkanis, se changer et se laver cinq fois par jour. Ses pensées dérivaient systématiquement vers sa mère. Etait-elle en bonne santé ? Guérissait-elle ? Elle lui manquait horriblement.
Elle essaya de se consoler en songeant que si Leto navait pas menti, elle pourrait un jour sendormir dans les bras de sa mère, la toucher, lui tenir la main, caresser un yubo, de nouveau soccuper elle-même de ses chers mektoubs, sentir le vent sur sa peau, pouvoir de nouveau se baigner dans les lacs et les sources et cesser de shabiller de la tête aux pieds, avoir peur dempoisonner les gens. Liandra avait été prête à payer le pire prix pour cela. Mais le prix avait dépassé ce quelle pouvait supporter : être séparée de sa fille.
Psychée songea à sa propre mère, à sa tendresse, à ses souvenirs perdus, puis revenus comme la seule chose qui pouvait constituer son histoire depuis son réveil. Elle sappelait Alissa, et son mari lappelait souvent ange. Elle en était un, pour sa fille. Elle avait élevé ses trois enfants avec passion, tendresse, et rigueur. Et quand Psychée était resté sa dernière enfant, elle lavait protégée et aimé de toutes ses forces. Que sa sur soit devenue ce quelle savait delle, après cela elle frissonna. Elle frissonna en songeant à ce que la Zoraï Blanche elle-même était devenue, oubliant cette enfance. Les mauvais traitements de lorphelinat, la solitude, les regards de crainte et de mépris, les enfants qui retrouvaient des familles, et elle qui restait seule. Elle eu des larmes aux yeux en songeant à la peur de cette jeune matis quelle avait été, à ses amertumes. On lavait dit traîtresse. Mais personne, parmi les Matis, une vie denfant durant, navait fait un seul geste pour laimer. Seul ce zoraï, dont la Zoraï Blanche navait quun souvenir flou, Pieds-Bleus, lui avait montré tendresse et attention, sept semaines durant, lui racontant tout des Kamis, du Pays Malade, de son peuple, lui enseignant comment les zoraï parlaient leurs sentiments en gestes.
Mais Psychée savait ce qui avait décidé la Zoraï Blanche. La rencontre avec Xerius, le noble Matis qui avait, par amour, et par fois, embrassé la cause des kamis pour sa chère Zortine. Et celle de ce marchand aux propos terribles que bien des choses avait appuyées, plus tard, sans jamais rien confirmer. De quoi fuir vite et elle savait désormais à quel point cette Zoraï Blanche avait eu raison, à ce moment, de fuir ainsi son peuple et son monde.
Mais désormais, elle était Matis, dune Maison dont elle savait lintégrisme religieux et culturel. Quimportait ?... Elle aurait une chance un jour de les convaincre dune vue plus paisible. Et de toute façon, elle croyait à bien assez de choses qui leur étaient communs pour accepter leurs errances. Elle avait bien erré, elle-même. Si les Matis pouvaient un jour retrouver leur fierté, ils pouvaient bien un jour guider les homins à une union auquel la Zoraï Blanche avait revé.
Mais elle ne voulait pas y penser. Elle ne voulait que sa mère, et ce lieu où elle pouvait vivre en paix, à ses cotés.
Elle avait deux familles séparées par un mur idéologique que rien ne briserait jamais. Sa mère zoraï était ici, de même que ceux qui furent ses frères et surs. Mais elle ne pourrait jamais revenir vivre ici. Elle nen avait plus la force. Son monde, son peuple, sa ville et sa maison lui manquaient trop. Elle pensa à son page, elle espérait quil naurait pas dennuis.
Et elle repensa encore à sa mère. Elle ne pouvait plus ne pas y penser.
Des larmes vinrent à ses yeux.
Il ny avait que deux jours
Elle ne tiendrait jamais, jamais comme ça.
Il fallait attendre et attendre encore. Des semaines durant, avait-il dit.
Elle ne tiendrait jamais.
Elle se leva, et prit ses affaires, quelle rassembla en un sac, lentement, essayant de ne pas penser à ses larmes. Elle navait jamais osé visiter le Pays Malade seule. Elle allait en avoir le temps, désormais. Elle se mit en route, vers lOuest.